La Loge – l’espace de coworking parisien à petit prix
Dans le Grand Paris, le travail hybride a explosé : 45 % des actifs franciliens télétravaillent régulièrement. Cette révolution post-covid de l’hybridation du travail bouleverse en profondeur nos façons de vivre et d’habiter la ville. Ainsi, la mutation du marché de l’immobilier d’entreprise provoque une baisse de la fréquentation de certains quartiers d’affaires et une multiplication des espaces vacants. En parallèle les tiers-lieux et espaces de coworking se multiplient à vive allure. Une étudiante à l’École de Design Nantes Atlantique a perçu l’hybridation du travail comme un levier pour encourager la dynamique de durabilité urbaine initiée par la métropole du Grand Paris.
Les défis de l’hybridation du travail en 2023
Un point d’équilibre subtil pour le télétravailleur
Aujourd’hui, le français travaille en moyenne 2,1 jours par semaine à distance, soit presque la moitié d’une semaine de travail. À ce stade, on ne parle plus véritablement de télétravail, mais bien de travail hybride.
L’essor du travail hybride regorge de bénéfices évidents pour le télétravailleur :
- meilleur équilibre entre la vie professionnelle et personnelle (s’occuper des enfants, faire du sport, cuisiner) ;
- diminution du temps de transport et des impacts carbone au quotidien ;
- meilleures autonomie, flexibilité et productivité ;
- plus de proximité avec le cercle familial et amical.
De récentes études ont néanmoins démontré que l’impact psychologique du télétravail sur le long terme pouvait être délétère : isolement professionnel, stress accru lié à la performance, difficulté à “déconnecter”, manque de soutien organisationnel, etc. De plus, certains logements sont inadaptés à la pratique professionnelle et peuvent générer des inégalités entre travailleurs et télétravailleurs.
L’accentuation de la crise du mal-logement parisien
Au niveau de la métropole, le marché de l’immobilier d’entreprise se transforme et des déséquilibres apparaissent, posant de nouveaux enjeux. Comme l’a constaté Vanille Hacker, étudiante au Design City Lab de l’École de Design Nantes Atlantique, le télétravail accentue les phénomènes de concurrence avec l’e-commerce et rivalise avec les locaux situés en périphérie parisienne (ou pour les locaux en centre-ville). De plus, la nouvelle loi contre les « passoires thermiques » risque d’ aggraver cet état de fait dans les années à venir.
C’est un sujet qui implique fortement les villes car :
– l’espace urbain est une ressource précieuse ;
– la hausse d’espaces vacants risque de générer une recrudescence du vandalisme ou du squat ;
– la dégradation du parc immobilier va augmenter, en dépit la crise du mal-logement à Paris.
La tendance du télétravail va-t-elle s’inscrire dans la durée ? C’est ce que les chiffres semblent confirmer. Ces 3 dernières années, la proportion de télétravailleurs est passée de 20 % à 45 %. De plus, 73 % des salariés affirment qu’ils pourraient démissionner si des options de télétravail n’étaient pas proposées par leurs employeurs.*
La nouvelle formule du coworking parisien, ouvert à tous à prix libre
Pour favoriser une transition écologique douce des quartiers de Paris
La jeune designer a eu la chance de s’entretenir avec Laetitia Vitaud, experte en futur du travail. Elle a pris conscience du paradoxe exposé par celle-ci :
“ Face à l’urgence climatique, on se retrouve désormais dans l’urgence de trouver des solutions, ce qui implique des prises de décision parfois trop rapides (…) certaines infrastructures sont parfois obsolètes dès leur sortie de terre. D’où l’importance de prendre le temps de se poser les bonnes questions. “
Dans un contexte d’urbanisme transitoire, Vanille Hacker a imaginé La Loge comme une association visant à réhabiliter des espaces vacants en micro tiers-lieux à portée écologique et sociale.
L’idée ? Identifier un espace vacant au coeur de Paris et le réhabiliter. Il s’agit plus précisément de :
- Proposer un espace partagé où l’offre et les services sont définis par les habitants du quartier ;
- Sensibiliser les habitants à la transition de leur quartier grâce aux animations proposées par un « régisseur de quartier », fervent défenseur de la transition écologique et durable ;
- Expérimenter ce lieu-test, échanger entre parties prenantes afin de faire grandir cet espace d’expérimentation.
À terme, La Loge deviendrait l’épicentre d’un écosystème de micros tiers-lieux de quartier.
Un espace de coworking à prix libre ouvert à tous
Un emplacement niché au coeur de Paris
Dans un premier temps, il s’agirait d’identifier le lieu en question. La designer a repéré un local commercial situé rue Armand Carrel dans le 19e arrondissement de Paris, dont l’occupation pourrait durer 12 mois. Il se situe dans le quartier de Combat, proche de Belleville, un arrondissement où l’on trouve une dizaine d’espaces de coworking, 3 tiers-lieux et 3 Fab Labs.
Ensuite, un atelier mêlant habitants du quartier volontaires, membres de l’association, membres de la collectivité, agenceurs ou promoteurs intéressés par le projet, définirait les usages du lieu. Combien comptera-t-on de bureaux partagés ? Quels espaces allouer au café ? Quelles animations proposer ?
Un lieu à géométrie variable
L’espace inclurait un café, des bureaux partagés modulables et une bibliothèque partagée. Un planning d’activités mensuel serait mis en place : ateliers, conférences, afterworks, partenariats avec des commerçants locaux.
La Loge pourrait accueillir des profils très variés : indépendant, digital nomad, salarié ou encore étudiant en mal d’espace de travail. Chacun y viendrait pour trouver ce qui lui manque au quotidien : un espace calme, adapté à l’activité professionnelle, un lieu stimulant, riche en interactions sociales ou encore un cadre de travail sécurisant.
Un concept évolutif et perfectible
Au fil du temps, des tables rondes mensuelles entre acteurs du projet feront émerger des améliorations à apporter au lieu et aux services. Il est possible que de nouveaux besoins remplacent ceux prévus à l’origine, afin que la solution s’adapte au mieux au nouveau contexte et à ses enjeux locaux. C’est tout l’intérêt du projet.
Selon la designer :
“ Le fait que le concept de La Loge soit temporaire offre une possibilité de création infinie. Trois scénarios sont possibles. À la fin du temps d’occupation convenu, le tiers-lieu peut soit :
– déménager dans un nouvel espace vacant pour devenir une version B ;
– reconduire un bail et ainsi devenir une version A ;
– dans le meilleur des cas, laisser la place à un second espace pour décliner sa réhabilitation d’espace vacant à d’autres formules type logement d’urgence, etc.. “
L’urbanisme transitoire est en plein essor et suscite une forme d’urgence à agir pour mobiliser collectivement, avancer et créer autrement.
De plus, le brassage inhérent à l’espace de coworking serait propice à la créativité dans le travail, grâce aux « rencontres entre personnes de profils professionnels diversifiés, ce qui bénéficie à la pollinisation croisée d’idées et contribue à la multiplication d’opportunités de collaboration conduisant au développement d’innovations. »**
*Source : The Work Trend Index 2022
**Aubouin & Capdevila 2019 ; Capdevila, 2015