La Grande Muraille verte en Afrique, un espoir qui s’enracine
Depuis 2007, onze pays de la région du Sahel sont mobilisés afin de construire une muraille verte. Opérations de reboisement, adaptation des pratiques agricoles… autant de projets qui luttent contre le dérèglement climatique et apportent une réponse aux crises politiques, sociales et économiques qui secouent la région.
Si la désertification est un sujet qui touche de nombreux territoires à travers le monde en raison du réchauffement climatique, ce phénomène est aujourd’hui particulièrement exacerbé sur le continent Africain, dont 45% des terres doivent faire face à ce défi. C’est en particulier l’avancée du désert du Sahara vers le Sud qui préoccupe de nombreux pays.
Aussi, pour lutter contre ce phénomène, l’idée d’un grand reboisement de l’Afrique a fait son chemin ces dernières années, jusqu’à la création, en 2007, d’un projet baptisée “Grande Muraille Verte”. Un projet gigantesque qui doit lutter contre l’érosion du sol, la perte de biodiversité et, à terme, éviter que les agricultures des pays concernés ne s’effondrent avec des risques de famines et de déplacement de population. Et parce que les arbres sont essentiels pour maintenir les régimes de précipitations, c’est aussi l’accès à l’eau qui est en jeu dans ce projet. Ainsi, 11 pays africains se sont engagés à restaurer près de 100 millions d’hectares d’Est en Ouest, sur une bande de près de 8 000 kilomètres allant du Sénégal à Djibouti.
La formation des populations au cœur du projet
Ce projet de grande envergure est évidemment soutenu par de nombreuses institutions et organisations internationales, à l’instar de la Banque Mondiale, de l’ONU, de la FAO ou encore l’UICN. D’autant que cette Grande Muraille Verte, outre le fait de lutter contre la désertification du continent africain, possède aussi un rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Car si les objectifs sont atteints, ce reboisement à grande échelle d’une partie de l’Afrique permettrait de capter 250 millions de tonnes de CO2. En matière de transition sociale et solidaire, son intérêt n’est pas négligeable non plus puisqu’environ 10 millions d’emplois pourraient être créés ou consolidés sur le continent d’ici 2030.
À travers la reforestation et les missions de restauration, c’est aussi un usage différent des terres qui est encouragé, notamment via le développement de l’agroécologie, avec l’ambition de développer résilience, sécurité alimentaire et croissance économique dans une des régions les plus fragiles du monde.
Pour cela, la formation des populations est au cœur du projet, notamment sur des pratiques comme l’agroforesterie, qui permettent de ralentir l’érosion des sols et de mieux retenir l’eau. Ce projet s’appuie aussi sur des méthodes traditionnelles telles que le Zaï, par exemple, qui a permis de développer l’agriculture au Burkina Faso. Elle consiste à creuser des fosses qui retiennent l’eau et dans lesquelles s’accumulent le compost, ce qui permet ensuite de fertiliser les sols.
Ainsi, la Grande Muraille Verte n’est pas seulement un projet de reboisement comme il en naît de plus en plus autour du globe, et qui consiste à planter des arbres un peu partout. Ici, l’ambition est davantage de développer une mosaïque de paysages qui entremêle forêts, parcelles agricoles et prairies afin de créer une bande de végétation aussi utile au climat qu’aux populations où à la biodiversité.
Des objectifs encore loin d’être atteints
Cependant, ce projet de Grande Muraille Verte n’est pas encore abouti et il reste du chemin à parcourir si l’Afrique souhaite repousser la désertification de son continent par ce biais. En effet, un rapport sur l’avancement du projet et les étapes à mettre en œuvre d’ici 2030 stipule que les pays concernés doivent encore restaurer plus de 8 millions d’hectares chaque année pour atteindre l’objectif initial, et que seulement 4% des territoires de la zone ont été restaurés pour le moment. Cela représente également un investissement de plus de 4 milliards de dollars par an.
Évidemment, tous les pays ne sont pas au même niveau au regard de ces objectifs. Le Sénégal, par exemple, fait figure de bon élève avec 50 000 hectares de terre déjà restaurés, soit un tiers de son objectif de 150 000 hectares à restaurer d’ici 2030. Mais dans d’autres pays concernés, l’initiative pâtit du manque de moyens financiers et de politiques nationales à la hauteur de l’enjeu. Par ailleurs, sur onze pays participants, huit sont des zones de conflits armés, ce qui freine la mise en place d’initiatives sur le terrain.
Des mécanismes de soutien émanant de la communauté internationale sont cependant mobilisés pour aider à la réussite de ce projet crucial pour l’avenir du continent Africain. À l’occasion du One Planet Summit, M. Macron a par exemple annoncé la création du Great Green Wall Accelerator, qui doit permettre de mobiliser plus de 14 milliards de dollars de financements supplémentaires afin d’aider ce grand projet. Les investissements de l’accélérateur visent notamment les exploitations agricoles, la restauration des terres et le développement des énergies renouvelables.
Il y a donc encore du travail pour que ce gigantesque projet puisse aboutir mais il illustre parfaitement les enjeux du moment : développer la résilience des territoires vis-à-vis du changement climatique, adapter la végétation à un climat qui change, mais aussi faire en sorte que cette transition soit juste et solidaire, et qu’elle puisse profiter pleinement aux populations rurales, qui sont souvent au premières loges de ce changement.