La France est-elle en train de dire adieu au modèle du centre commercial ?
D’après une étude parue en début d’année, la construction de centres commerciaux semble s’arrêter en France, notamment en raison de la réglementation en matière d’artificialisation des sols, mais aussi par le développement du e-commerce et les aspirations nouvelles des ménages. Le début d’une nouvelle ère ?
L’évolution récente du paysage commercial en France semble s’inscrire dans une dynamique marquée par un recul significatif de la construction de centres commerciaux. Selon une étude de Knight Frank, spécialiste de l’immobilier commercial et résidentiel, il n’y a eu aucun nouveau centre commercial de construit sur le territoire en 2023 et un seul projet devrait sortir de terre en 2024.
Depuis leur émergence dans les années 1960, les centres commerciaux en France ont été la cible de nombreuses critiques. Contribuant à façonner ce qu’on appelle “la France moche” en périphérie des villes, ils sont surtout accusés de tuer les petits commerces de centre-ville, d’artificialiser les sols et de stimuler une consommation excessive contraire au développement durable.
Mais en dépit de ces critiques, ces zones commerciales concentrent toujours 72% des dépenses des Français dans le commerce. En même temps, ils sont petit à petit devenus incontournables au fur et à mesure que le commerce de proximité a disparu et que les zones urbaines se sont concentrées autour des métropoles. En France, il existe aujourd’hui 746 centres commerciaux, établis sur 15,8 millions de m². Cependant, la concurrence de l’e-commerce et la crise écologique soulèvent des questions sur la durabilité à long terme de ces vastes complexes.
Rénover les centres commerciaux existants
Aussi, l’étude réalisée par Knight Franck souligne le net ralentissement de ce marché en France et permet d’entrevoir le début d’une transition en matière d’urbanisme et de consommation. Deux facteurs majeurs expliquent cette évolution : d’abord, la maturité du marché puisque le territoire est déjà bien pourvu en centres commerciaux. Ensuite, il y a l’effet des réglementations environnementales plus strictes, notamment l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) issu de la loi Climat et Résilience de 2021.
Enfin, il y a aussi d’autres raisons comme un changement de comportement des ménages qui se tournent notamment vers le e-commerce. D’ailleurs, s’il y a moins de centres commerciaux, la construction d’entrepôts, elle, poursuit son essor. Les aspirations des consommateurs à davantage de sobriété sont également une raison du désintérêt pour ces temples de la consommation, où la vacance des locaux augmente.
On assiste ainsi à un nouveau paradigme avec une tendance à la rénovation des centres commerciaux existants autour d’une nouvelle offre plus en phase avec les aspirations des habitants. La zone commerciale se transformant ainsi petit à petit afin d’accueillir des services (parcs de jeux, bowlings, foot en salle, salles de sport, restaurants) mais aussi davantage de nature et de végétation. L’idée est ainsi de mieux intégrer ces zones dans le paysage urbain, de les rendre plus accessibles et d’en réduire l’impact environnemental (notamment dans l’optique de réduire l’effet d’îlot de chaleur urbain et leur imperméabilité).
Un bon exemple de cette mutation est la transformation en cours du centre commercial Paridis à Nantes. Deuxième centre commercial de la métropole, inauguré en 1986, il abrite, aujourd’hui sur 20 hectares, un hypermarché Leclerc, une galerie marchande et divers commerces entourés d’un vaste parking et survolé par cinq lignes à haute tension.
Le projet de rénovation de cette zone commerciale vise à rénover l’ensemble du quartier, avec la construction d’immeubles résidentiels, à enfouir les lignes à haute tension et réaménager l’espace : le parking sera enterré et 6 hectares d’espaces paysagers et arborés seront installés à la place afin de permettre à la zone de respirer et de se désimperméabiliser. Le centre commercial sera également raccordé au réseau de chaleur urbaine de la ville et participera à produire de l’électricité renouvelable. Une manière de réinventer des zones peu attractives qui pourrait être la base d’un nouveau modèle pour les ZAC en France.