La culture hors-sol : une solution pour nourrir les villes du futur ?
L’avenir de l’agriculture passe par les villes. Et, plus précisément, par la culture hors-sol, une technique parfaitement adaptée au milieu urbain, nous dit Yohan Hubert, directeur de l’Association française pour la culture hors-sol (AFCH).
Vous décrivez votre association comme un « laboratoire d’écologie urbaine ». En quoi consiste votre travail ?
Nous concevons et réalisons des installations végétalisées. Nous animons, par ailleurs, des ateliers pédagogiques, par exemple dans les collèges et les MJC, pour apprendre aux plus jeunes les rudiments de la culture hors-sol. Cela passe notamment par des travaux pratiques, qui permettent aux enfants de donner corps aux notions de physique, de chimie et de biologie qu’ils apprennent en cours. Plus largement, notre objectif est d’enseigner aux gens à faire pousser des plantes avec un minimum d’apports extérieurs. D’ailleurs, nous sortons en mars 2014 un ouvrage qui compile tous nos conseils (Cultiver ses légumes en ville : guide pratique du jardinage hors-sol, de Yohan Hubert, éditions Ulmer).
Vous êtes consultant en hydroponie. De quoi s’agit-il exactement ?
Il faut distinguer la culture hors-sol et l’hydroponie, deux notions qu’on confond trop souvent. La culture hors-sol regroupe l’ensemble des techniques permettant de cultiver autrement qu’en pleine terre. Quant à l’hydroponie, c’est justement une façon de cultiver hors-sol, en faisant pousser des plantes dans un substrat qui ne les nourrit pas. Cela signifie que l’eau et les nutriments sont apportés depuis l’extérieur. Après, il y a deux façons de cultiver en hydroponie. La première est minérale, chimique. Elle passe par l’utilisation de produits synthétisés pour être stabilisés dans des bouteilles. La seconde technique, c’est le recours aux engrais biologiques. Cela se traduit, par exemple, par l’apport de micro-organismes, de champignons ou de déchets organiques. Ces engrais bio permettent à la plante de produire des défenses naturelles. Pour distinguer les deux approches, nous travaillons en ce moment à la création d’un label.
Tout le monde peut-il cultiver des plantes hors-sol ?
Ça peut sembler bizarre, mais il est plus facile d’apprendre les techniques de culture hors-sol à un individu qui n’a aucune expérience de l’agriculture, plutôt qu’à quelqu’un qui a l’habitude de travailler la terre. Car la culture hors-sol a sa propre logique : des recettes bien précises permettent d’obtenir tel ou tel résultat. Un certain savoir-faire est nécessaire, mais il faut vraiment le vouloir pour trop arroser une plante ou trop la nourrir… La culture hors-sol est à la portée de tous ceux qui souhaitent cultiver mais n’ont pas accès à la terre. Aujourd’hui, le premier réflexe d’un citadin qui veut faire pousser du basilic chez lui, c’est de courir dans une jardinerie et d’acheter une plante en pot. Et très vite, il se rend compte que son plant ne tient pas bien le coup car la terre n’est pas forcément le mode de culture le plus adapté en appartement. Même chose pour les toitures : couvrir une terrasse de bacs en bois remplis de terre, c’est défier la logique. Fabriquer 1000 litres de solution nutritive à partir d’un litre d’engrais, c’est quand même plus rentable que d’acheminer 1000 litres de terre sur un toit…
La culture hors-sol coûte-t-elle plus cher que la culture conventionnelle ?
Non. À Grenoble, par exemple, nous avons installé sur un toit 250 m2 de cultures hors-sol. Ce jardin a permis de produire, en 2013, plus de 1,5 tonne de légumes pour un coût total de 600 euros. Les plantes étaient placées dans des barquettes de moules récupérées auprès d’un restaurateur, pour limiter les dépenses. Les cultures de base ne coûtent donc vraiment pas cher. Après, plus les outils sont sophistiqués et ergonomiques, et plus ils sont naturellement coûteux.
Quelles sont les plantes qui se prêtent le mieux à la culture hors-sol ?
On peut cultiver hors-sol absolument tous les types de plantes. Après, la question, c’est de savoir pourquoi on veut planter. Si l’objectif est de décorer son appartement, la seule limite, c’est votre imagination et le climat. Pour la production alimentaire, la réflexion est différente. Faire pousser hors-sol des pêchers et des abricotiers, c’est possible, mais c’est rentable uniquement si l’on ne dispose tas de terres à proximité pour planter ce type d’arbres fruitiers. C’est le cas dans certaines régions d’Afrique, où la terre est très fragile et sa culture presque impossible.
Quels sont les avantages de la culture hors-sol par rapport à la culture en pleine terre ?
Elle est plus hygiénique avec des engrais minéraux. Dans les hôpitaux, par exemple, la culture en pot est interdite tandis que faire pousser des plantes en hydroponie, c’est possible. Mais la culture hors-sol a surtout des vertus écologiques, sociales et économiques. Écologiques parce qu’elle permet aux citadins de produire une petite partie de leur alimentation et qu’elle connecte l’espace urbain avec le vivant, avec la biodiversité. Sociales, parce que travailler à plusieurs une surface végétalisée destinée, par exemple, à alimenter un restaurant en produits frais permet de renforcer l’implication des habitants dans la vie du quartier. Économiques, enfin, parce que la culture hors-sol peut représenter un complément de revenus intéressant. Je connais quelqu’un qui cultive des fraises dans un jardin pavillonnaire de 500 m2 et revend sa production dans une AMAP. En fait, chacun peut créer de la richesse, et donc de la valeur. C’est une logique assez proche de celle des « paysans sans terres » en Amérique du Sud, où des coopératives de femmes se sont organisées pour produire et vendre des cultures agricoles.
Les acteurs de la ville sont-ils conscients des avantages de la culture
hors-sol ?
Du côté des citoyens, la pression pour faire émerger une ville verte est vraiment forte, donc la culture hors-sol en général, et l’hydroponie en particulier, sont de plus en plus populaires. Du côté des municipalités, c’est plus mitigé. Certaines la soutiennent. C’est le cas de Paris. En ce moment, nous travaillons à l’aménagement d’un toit-terrasse du XXe arrondissement qui devrait être une des premières exploitations hors-sol utilisant 100% d’engrais biologiques. Pour d’autres villes, en revanche, ça n’est pas du tout un enjeu prioritaire. Dans un premier temps, je pense que c’est aux grandes métropoles mondiales de montrer l’exemple. Pour autant, la culture hors-sol demeure intéressante quelle que soit la taille de la ville dont on parle : ce n’est pas parce qu’on décide de développer l’agriculture périurbaine qu’il faut négliger l’agriculture urbaine.
Quelles sont les villes les plus en avance aujourd’hui en matière de culture hors-sol ?
Des villes comme Bogota ou Singapour prennent énormément d’initiatives. Les Anglais, les Américains et certains pays d’Asie lancent aussi pas mal de projets ambitieux. Au Canada, le développement de la culture hors-sol s’inscrit plutôt dans une approche sociale ou sur de très grandes surfaces. En France, en revanche, nous avons peu de toitures de 5000 m2 pouvant supporter d’importantes charges, donc l’approche est différente. La démarche d’une entreprise comme Philips est également intéressante. Elle investit aujourd’hui des sommes très importantes dans la culture hors-sol. Bon, après, je ne suis pas persuadé que le frigo intelligent producteur de plantes soit un outil rentable, mais les efforts de recherche sont bien là en tout cas…
Vos réactions
j’aimerais connaitre des opinions differantes sur la culture hors sol
Bonjour,
sujet très intéressant !
Peut on connaître la composition des engrais minéraux ou organiques dont sont nourries les plantes ?
Merci pour votre réponse.
FD
Comment on peut savoir la t° que on doit mettre pour une culture des légumes sous toit?.
la demarche pour les cultures hor sol! j’aimerais pratiquer mais la methode reste! Help me!