Inspirations africaines : les nouveaux usages du numérique en ville

“Charge your phones here” (Ghana)- Crédits Carsten ten Brink sur Flickr
17 Mar 2016

Lentement mais sûrement, l’Afrique commence à se faire entendre dans les discours et articles sur l’innovation numérique. Sur la toile, on ne compte ainsi plus les classements des start-up africaines les plus prometteuses ; de même, certains projets de smart city illustrent la vitalité du continent en termes de nouvelles technologies. Mais ceux-ci ne sont que la partie immergée de l’iceberg ! Il existe en effet foultitude d’initiatives et innovateurs locaux qui tentent de répondre à l’émergence du numérique dans les usages africains. Nous vous en proposons aujourd’hui deux spécifiques, qui témoignent de solutions à la fois ingénieuses, locales, low tech, agiles et conviviales… et tout à fait inspirantes !

Téléphone portable en charge, Côte d’Ivoire - Crédits Maxence sur Flickr

Téléphone portable en charge, Côte d’Ivoire – Crédits Maxence sur Flickr

Connexion nomade en bord de gare

C’est évidemment vers les « intelligences urbaines » que nous nous sommes tournés ; celle qui suit arrive d’ailleurs en haut de la liste de nos coups de cœur. C’est l’histoire d’un jeune ivoirien du nom de Stéphane Anaky, qui s’est improvisé à la fois entrepreneur et designer pour répondre à une demande… liée aux nouveaux usages du pays, et du continent plus généralement. Car, s’il y a bien une pratique que les Africains se sont massivement appropriés ces dernières années, c’est bien celle du téléphone mobile. Comme le rappelait un article récent du Monde, « d’ici à 2017, plus de neuf habitants du continent sur dix détiendront un appareil, et pour près de la moitié d’entre eux, ce sera un smartphone ». Preuve en est, la multitude d’applications qui sortent sur les mobiles africains, renforcée par l’explosion des start-up locales évoquée en introduction. Tous les domaines – santé, pédagogie, agriculture, énergie, communication, religion, travail etc. – sont ainsi ciblés par ces innovations numériques.

“Charge your phones here” (Ghana)- Crédits Carsten ten Brink sur Flickr

“Charge your phones here” (Ghana)- Crédits Carsten ten Brink sur Flickr

La petite entreprise de Stéphane Anaky se place ainsi comme ressource complémentaire – mais non accessoire – de cette révolution mobile généralisée. Ainsi, le jeune homme de 21 ans a bricolé de ses propres mains une plate-forme pour recharger des téléphones portables :

« Ses bureaux : un box d’appel et une plaque où est fixée une cinquantaine de prises électriques. »

Proposé aux voyageurs de la gare de Grand-Lahou – à l’ouest d’Abidjan -, c’est un service payant en plein air tout à fait ingénieux. Innovante et low tech, cette activité demeure précaire et Stéphane Anaky doit tout de même exercer un métier plus traditionnel pour subvenir à ses besoins. Mais l’idée reste exemplaire de la capacité d’intervention des innovateurs pour apporter des réponses pertinentes et « agiles » à l’appétence du continent pour le téléphone mobile…

Des « téléchargeurs » à la rescousse des non-connectés

Un autre exemple de métier à même la rue a été observé par le musicologiste américain Christopher Kirley au Mali en 2009 : celui des « téléchargeurs » de musique ! Le principe est simple : les amateurs de bon son n’ayant pas d’accès internet peuvent ainsi se rendre dans ces points relais musicaux pour garnir leurs téléphones de leurs titres préférés. A quelques centimes de dollars la chanson, le service s’est imposé localement comme une commodité culturelle de premier ordre.

« Les téléchargeurs transfèrent les titres achetés directement sur le téléphone du client ou sur une clé USB. Une fois une playlist ou un album acheté, les utilisateurs peuvent échanger des titres avec des amis qui sont à proximité via Bluetooth. »

Un autre service nomade consiste à vendre des minutes de communication téléphoniques, pour les personnes n’ayant pas d’unités dans leur téléphone. Ici : sur la route entre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso - Crédits Carsten ten Brink  sur Flickr

Un autre service nomade consiste à vendre des minutes de communication téléphoniques, pour les personnes n’ayant pas d’unités dans leur téléphone. Ici : sur la route entre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso – Crédits Carsten ten Brink sur Flickr

Ce service innovant nous rappelle un phénomène similaire développé à Cuba : celui de la livraison à domicile chez des particuliers, sur une clé usb, des dernières informations et produits culturels (films, musique, magazines) dénichés sur le web… En Europe, certains artistes avaient d’ailleurs imaginé un système analogue de clés USB permettant de contourner les interdictions de téléchargement…

Si les situations politiques et culturelles sont bien différentes dans les trois pays mentionnés ci-dessus, les pratiques évoquées se ressemblent et montrent toutes que l’arrivée du numérique et d’objets novateurs amènent les populations concernées à bricoler l’existant pour optimiser l’introduction de ces nouveaux outils. Contrairement aux centaines de start-up mises en avant dans une partie des médias ciblant le développement économique des pays émergents, les deux services mentionnés ici appartiennent à un genre entrepreneurial bien différent de la « jeune pousse » à l’américaine. Et, en plus de répondre aux nouvelles demandes issues d’usages inédits, ces services de proximité bricolés et bon marché créent de nouvelles convivialités urbaines. Installés à même la rue, « rechargeurs » et « téléchargeurs » contribuent ainsi à rendre la ville plus agile et plus fonctionnelle. Et si, nous aussi, on jetait un œil du côté des services à la sauvette qui essaiment nos espaces publics pour inventer les métiers de demain ?

 

Pour aller plus loin :

{pop-up} urbain
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