Illuminer La Baule-Escoublac de nuit   

4 Oct 2024 | Lecture 4 min

« Aujourd’hui, plus de quatre-vingts pour cent de la population mondiale vit sous un ciel entaché de pollution lumineuse, une pollution qui, à l’échelle mondiale, ne cesse de s’accroître. » Face à ce fléau, la plupart des villes françaises ont cessé leur éclairage public nocturne : 80 % des maires interrogés en France éteignent la lumière de leur municipalité après 22 heures. À la clé, économies d’énergie et protection de la nature. Pourtant, pour la majorité d’entre nous,  se déplacer le soir “dans le noir” provoque un fort sentiment d’insécurité. Alors, comment imaginer un éclairage nocturne qui concilie sécurité, sobriété énergétique et protection du vivant ? Des étudiants de L’École de design Nantes Atlantique y ont réfléchi. Ils proposent 3 dispositifs éclairés pour circuler la nuit, tout en douceur.

La lumière à tous les étages

L’éclairage public est apparu en 1667 à Paris. À l’époque, éclairer la nuit permettait  à la fois de surveiller les citoyens et d’assurer un minimum de sécurité. Les raisons évoquées pour éclairer la ville de nuit restent similaires à celles convoquées aujourd’hui : netteté, sûreté et clarté de l’activité urbaine. 

Néanmoins, l’éclairage public nocturne engendre une pollution lumineuse considérable : en France environ 9 millions de points lumineux s’allument tous les soirs. De plus, cela représente un coût de 2 milliards d’euros dont 1 milliard seul est alloué à la maintenance de ce réseau. Enfin, de nouvelles questions font surface au niveau national : 

  • la métropolisation nocturne respecte-t-elle les cycles circadiens de la faune et de la flore locale ? 
  • comment accompagner les mobilités douces de nuit ? 
  • comment développer la notion de tourisme nocturne ?

Les étudiants en design ont pensé leurs projets en gardant à l’esprit ces fils directeurs. Ils ont questionné les véritables besoins en lumière des usagers/de la biodiversité environnante.

La peur du noir

Selon un sondage IPSOS datant de 2015, 91 % des Français déclarent que l’éclairage public nocturne augmente leur sentiment de sécurité. 

Sur le remblais de Plage Benoit © City Design Lab

Sur le remblais de Plage Benoit © City Design Lab

Lors d’interviews terrain réalisées en juin 2024, les jeunes designers ont constitué 2 équipes et investigué à la fois la zone urbaine et une zone naturelle adjacente. Au programme : interviews d’usagers locaux, décryptage des systèmes d’éclairage et des typologies de luminaires sur place,  observation de la faune et la flore de nuit.

Concernant l’éclairage artificiel nocturne à La Baule, les avis d’usagers divergent : certains apprécient les jeux de lumière et l’illumination urbaine tandis que d’autres leur préfèrent la lumière naturelle de la lune et des étoiles. Bien que les noctambules disent se sentir plus libres la nuit, ils mentionnent la notion de sécurité à plusieurs reprises. Ils s’accordent sur un fait : l’éclairage, quel qu’il soit, dissuade. Il offre un sentiment de sécurité à un moment de l’année où La Baule est très fréquentée. Cette notion de sécurité apparaît comme étant centrale dans les projets design à concevoir.

3 projets lumineux, sobres et écologiques

À travers un panel d’observations effectuées sur le terrain, les étudiants souhaitent « (re)questionner les vrais besoins en lumière des usagers et de la biodiversité environnante. » L’idée est de proposer des parcours afin que l’usager puisse se repérer dans la ville de nuit. Il s’agit aussi de penser une collaboration entre les espaces privés et l’espace public de La Baule-Escoublac. 

Projet 1 : Boussole lumineuse

Durant la nuit bauloise, comment se déplacer d’un point à l’autre en générant sa propre lumière ? Les étudiants en design ont imaginé un outil nomade à porter sur soi. Il trace un parcours urbain sur-mesure selon l’itinéraire du noctambule.

Mise en contexte Projet 1 © City Design Lab

Mise en contexte Projet 1 © City Design Lab

Grâce à une sorte de porte-clés connecté, le noctambule peut se déplacer en toute sécurité. Pour activer sa « light de la Baule », il l’accroche à son sac, à sa ceinture ou à son tee-shirt puis trouve un lampadaire éclairé. Il y connecte sa tablette ou son téléphone à une application dédiée et choisit sa destination. 

Mise en contexte 2 © City Design Lab

Mise en contexte 2 © City Design Lab

Ensuite, il n’a plus qu’à se laisser guider par son porte-clés lumineux. Celui-ci s’allume et le guide à travers un parcours nocturne rassurant et fluide. Des points de repère lumineux s’activent également à son approche, lui permettant de sortir d’une impression de “nuit noire”.

Projet 2 : Ambiances et repères luminescents

Les étudiants ont dressé plusieurs constats : La Baule-Escoublac, de nuit, révèle divers éclairages sans cohérence esthétique ou identitaire apparente. Certaines zones, très fréquentées, sont bien éclairées. Les éclairages répondent alors à des besoins spécifiques : créer des ambiances, proposer une meilleure sécurité, éclairer un chemin ou une façade… On remarque que ces luminaires sont parfois inutilisés, cassés ou éteints. 

Dans une certaine zone dénommée la “zone morte” par les étudiants, les maisons sont plongées dans le noir, car leurs occupants dorment. Les oiseaux s’y réfugient, eux aussi, pour dormir.

L’objectif  ?  Ce projet vise un double but : 

1- concevoir des ambiances et des repères pour les usagers ;

2- créer une identité visuelle fluide et reconnaissable grâce à l’illumination nocturne de la ville.

Comment ? En imaginant un parcours scénographique qui pourra guider l’usager dans différents points de la ville : « Nous avons commencé par questionner la relation entre l’éclairage public et privé, ensuite nous nous sommes penchés sur la création d’une ambiance générale et de points de repères visuels en ville et en forêt. »

Sous quelle forme ? Une typologie d’éclairage unique, proposée et financée par la Ville serait uniquement présente en vitrine de magasin. 

Tout comme la déambulation dans un aéroport, la circulation en ville nécessite des repères visuels. À l’instar d’un Gobo, des symboles en lien avec les points forts de la ville sont conçus et projetés sur un mur ou sur un sol. 

Ce principe d’aménagement d’ambiances permettrait aux usagers deux options :  sillonner la ville à travers un circuit commercial ou suivre un parcours estival. Les zones résidentielles, quant à elles, sont traitées avec sobriété.

Puisque la population de la ville s’accroît fortement en été, certains symboles serviraient à orienter les touristes estivaux (événements locaux, gare, etc.) tandis que d’autres concerneraient les riverains en hiver : l’allumage indiquant l’ouverture d’un établissement, par exemple.

Mise en contexte Projet 2 © City Design Lab

Mise en contexte Projet 2 © City Design Lab

Projet 3 :  Cohabitation éclairée entre êtres vivants

Quel est l’impact de la pollution lumineuse sur les oiseaux ? Une docteure en ornithologie nous informe des conséquences désastreuses que l’éclairage urbain peut avoir sur eux : « Lors de la migration, la lumière peut impacter les oiseaux en les attirant vers les villes ou les confondre dans l’espace, ils peuvent se mettre à tourner en rond au-dessus des zones lumineuses, et se perdre, se désorienter et s’épuiser (…) Un bon exemple est le mémorial du World Street Center à New York où deux énormes spots lumineux ont été installés et éclairent le ciel en permanence. Toutes les nuits, des oiseaux tournent dans ces flux lumineux jusqu’à épuisement. »

Mise en contexte Projet 3 © City Design Lab

Mise en contexte Projet 3 © City Design Lab

Afin de faire cohabiter diverses formes de vies à La Baule, les étudiants ont imaginé un éclairage public qui respecte à la fois la sécurité des usagers et la biodiversité environnante. Les jeunes designers ont observé les habitudes des usagers du remblai, de jour comme de nuit. Où se posent les humains ou les oiseaux, par exemple ? Peut-on les apercevoir la nuit ? 

Ils ont identifié deux pistes à suivre : 

1- Réhabiliter des mâts inutilisés en centre-ville et en périphérie ;

2- Repenser les usages du remblai et la disposition de ses éclairages.

Mise en contexte Projet 3 © City Design Lab

Mise en contexte Projet 3 © City Design Lab

Un mât pourrait diffuser, à sa base, une lumière douce et ambrée. La lumière qui surgit près du sol permet également de bien distinguer les irrégularités du revêtement et les obstacles présents sur le chemin. En évitant l’usage de LED blanches qui diffusent des ondes bleues et perturbent insectes et oiseaux, on protège la diversité du vivant et on crée une atmosphère apaisante pour les piétons.

Les Français doivent savoir que la plupart des communes n’ont pas rénové leur éclairage depuis 30 ans ! Rappelons que 75 % des installations d’éclairage public sont « vieilles » ou « obsolètes ». Ces trois projets design raisonnés et respectueux du vivant donnent à voir un autre visage nocturne de la fameuse station balnéaire. Un visage neuf, lumineux, singulier et accueillant de toutes les déclinaisons du vivant.

L'École de design Nantes Atlantique
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