La gratuité des transports en commun, c’est pour bientôt ?

29 Août 2018

En mars dernier, la maire de Paris Anne Hidalgo a relancé le débat public sur la gratuité des transports en commun après y avoir fait allusion dans un discours. Si l’idée est évidemment admirable, nombreuses sont les voix qui se montrent sceptiques, ou qui s’opposent à sa mise en place.

En 2013 déjà, nous avions tenté de questionner le modèle économique des transports en commun dans ces colonnes. Cinq ans plus tard, le renouvellement de cette institution fait toujours débat. Dans le texte qui suit, nous avons réunis quelques éléments permettant de comprendre les principales contraintes inhérentes à la mise en oeuvre d’une politique de gratuité.

La gratuité des transports

La gratuité des transports

Un concept prometteur…

Evidemment, sur le papier, la gratuité des transports en commun n’augure que du bon. Désengorgement des voies de circulation, solidarité avec les populations les plus précaires, baisse de la pollution… Les avantages sont innombrables. D’ailleurs, ce n’est pas qu’une utopie d’illuminés ou de grands rêveurs puisque de nombreuses villes européennes ont franchi le pas. Compiègne fait office de précurseur en France. On peut y utiliser le réseau de bus et d’autocars gratuitement du lundi au samedi depuis 1975 ! Elle a été suivie par Châteauroux en 2001, Aubagne en 2009 et Niort en 2017. Tallinn, la capitale estonienne, permet quant à elle à ses 450 000 habitants d’utiliser gratuitement l’ensemble des réseaux de bus, tramways, trolleybus et trains de banlieue depuis 2013 – devenue de fait la première capitale européenne à mettre en place cette politique !

Dans l’ensemble de ces territoires, l’expérience est concluante. Si le nombre d’usagers est évidemment en hausse, le réseau de transport en commun s’est aussi densifié en multipliant les stations desservies et ainsi répondre à un maillage élargi du territoire. En outre, les flottes de bus ou tramways ont augmenté, pour répondre à la demande. En France, la plupart de ces initiatives sont financées grâce à une large participation des entreprises de plus de dix salariés au Versement Transport (VT). Les particuliers ne sont ainsi pas imposés davantage, et ce Versement Transport a un poids minime pour les entreprises.

…mais des résistances

Le 1er septembre prochain, Dunkerque deviendra la plus grande ville moyenne française à mettre en place durablement cette politique. A l’avenir, les retours d’expérience de Dunkerque incarneront donc une étape essentielle avant d’envisager l’application de la gratuité des transports en commun à plus grande échelle.

Effectivement, la mise en oeuvre d’un tel service ne peut s’accomplir instantanément. Et son application effective ne donne pas forcément les résultats escomptés (du point de vue des usages comme économique), du moins sur un temps relativement court. A Tallinn, si l’utilisation des transports en commun a augmenté de près de 15% depuis la mise en place de la gratuité, cela ne signifie pas que la voiture ait disparu des rues de la capitale estonienne. Au contraire, dans les classes sociales plus aisées, la résistance par la voiture permet d’asseoir un statut : en voiture, on emmène ses enfants à l’école privée avant de se rendre au bureau, quitte à tourner de longues minutes pour trouver une place de parking parfois payante…

Des essais avant de se lancer

Pour en revenir à Paris, que nous évoquions en introduction, la municipalité compte bien prendre son temps avant de lancer un véritable chantier dédié à la gratuité des transports. Pas à pas, certaines décisions viennent cela dit ébranler le système tout payant. Dans un premier temps (depuis le 1er juin 2018) les personnes âgées de 65 ans et plus répondant à certains critères socio-économiques bénéficient du pass Navigo gratuit.

Si le premier pas peut paraître mince par rapport à d’autres expériences municipales, Paris ne souhaite pas s’en tenir à cette première action. Selon le premier adjoint à la mairie de Paris Bruno Julliard, la Ville compte entrer dans une phase de test plus étendue (et donc forcément plus risquée !).

Les questions qui restent en suspens concernent évidemment le financement d’une telle politique à Paris (augmentation du VT ?), de son application (uniquement pour les francilien·ne·s ?) et évidemment de ses conséquences politiques (puisque les transports ressortent davantage de la région que de la municipalité). Pour l’heure, la Ville de Paris souhaite fixer à 2020 un important débat sur la gratuité. D’ici là, il y a fort à parier que certain·e·s édiles parisien·ne·s se rendront aux Rencontres des villes du transport gratuit justement prévues à Dunkerque, les 3 et 4 septembre prochains !

{pop-up} urbain
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