Gratte-ciel : la folie des grandeurs
Fin avril, les travaux de la future plus haute tour du monde ont démarré en Arabie Saoudite. Une annonce qui confirme que la construction de gratte-ciel interminables est pour les pays émergents une façon d’affirmer leur puissance géopolique.
Fin avril 2014, l’Arabie Saoudite a confirmé le lancement des travaux de construction de la plus haute tour du monde. C’est en 2018 que la Kingdom Tower devrait être inaugurée, dans la ville de Djeddah, sur les rives de la Mer Rouge. Long de plus d’un kilomètre, le building battra alors le record du monde établi en 2010 par la tour Burj Khalifa de Dubaï (828 m). Mais à quoi bon construire toujours plus haut ? Ces gratte-ciel contribuent-ils vraiment au prestige du pays qui les érige ? Ne faut-il pas plutôt voir dans l’érection de ces tours interminables une preuve de l’arrogance des hommes ? Autant de questions auxquelles il est devenu urgent de répondre, tant la course que se livrent les pays émergents pour savoir « qui a la plus grande » semble effrénée et dénuée du moindre bon sens.
Une démonstration symbolique de puissance
L’architecture a toujours été pour les puissants un moyen d’affirmer leur autorité, de laisser une trace durable de leur passage aux commandes. Seule la forme des bâtiments a changé au fil des siècles. Les temples et autres arcs de l’Antiquité ont ainsi laissé place aux gratte-ciel. Mais s’ils ne constituent plus la preuve architecturale d’un pouvoir personnel souvent autoritaire, ces monuments témoignent toujours de la bonne santé économique du pays qui les érige. Les gratte-ciel se révèlent ainsi être des baromètres particulièrement fiables de la foi d’un pays dans l’avenir et de son dynamisme géopolitique. Sans surprise : sur les dix plus hauts gratte-ciel actuellement en construction, sept sont donc chinois. Et au-delà de la Chine, c’est toute l’Asie qui a aujourd’hui la folie des grandeurs, puisque plus de la moitié des gratte-ciels géants (56%) sont construits sur ce continent. Au même titre que le lancement d’un programme spatial ou l’organisation des Jeux Olympiques, la construction d’une tour immense apparaît ainsi comme un passage obligé pour les pays aux dents longues. Du soft power sans risque et facile à mettre en oeuvre, du moins tant que la croissance est là.
Un fantasme d’architecture futuriste
Architectes et urbanistes n’ont pas fini de débattre des vertus et des limites de l’habitat vertical. Mais en attendant de savoir si la tour géante sera effectivement l’avenir du logement, reconnaissons qu’elle l’est déjà dans nos têtes. Dans les bandes dessinées, les films et les romans de science-fiction et d’anticipation emblématiques de la culture populaire, les villes du futur se révèlent toujours plus vertigineuses. Pour les architectes comme pour les citoyens lambda, impossible de mettre de côté cet imaginaire futuriste, forcément vertical. D’ailleurs, la tour est bien l’une des grandes frontières de l’architecture, sans cesse repoussée grâce à la découverte de nouveaux matériaux et aux moyens considérables que sont prêts à investir les pays d’Asie et du Moyen-Orient.
Un signal faible de l’excès financier
Si l’investissement initial est colossal, l’érection d’une tour peut vite s’avérer rentable à condition que celle-ci devienne une place financière importante ou qu’elle ait un intérêt touristique évident. Pour autant, un certain nombre de projets sont arrêtés en cours de route, faute de crédits. C’est le cas de la Tour de la Fédération, qui devait dominer l’Europe depuis Moscou, un projet abandonné en 2009, en pleine crise financière. Mais même lorsque les travaux sont achevés, les gratte-ciel peuvent être un signe de mauvaise santé financière. En 2012, une étude de Barclays Capital établissait ainsi une corrélation entre la construction de gratte-ciel et l’apparition de crises : « La construction de gratte-ciel reflète une mauvaise répartition du capital et annonce une correction économique imminente », pouvait-on lire dans cette étude. L’Empire State Building a ainsi été érigé peu avant la Grande Dépression, tandis que la Burj Khalifa a été achevée en pleine banqueroute de l’émirat de Dubaï. Une information qui n’a visiblement pas suffi à décourager les intentions d’érections démesurées de la Chine, de l’Arabie Saoudite ou de l’Azerbaidjan.
Vos réactions
Les hommes ont toujours voulu toucher le ciel
Les pyramides , le phare d Alexandrie , la Tour de Babel
Les pyramides , manathan. Et maintenant d un point de vue énergétique il est plus simple de climatiser une tour de grande hauteur qu un complexe au ras du sol !