Free-floating, overflow et velib’ à l’épreuve de la transition
Après l’apparition des scooters en libre-service dans la capitale, puis les expérimentations de trottinettes en libre-service à Montrouge ou Saint Denis, c’est au tour du vélo en libre-service d’opérer sa mue. Entre le changement d’opérateur du Vélib’ et l’apparition de concurrents en free-floating (sans borne d’attache), la mobilité parisienne à deux roues doit faire face à un certain nombre de défis.
Détenue depuis dix ans par le spécialiste de la publicité urbaine JCDecaux, la concession du Vélib’ change de main. En effet le 5 mai dernier, le syndicat francilien Autolib’ Vélib’ Métropole réunissant Paris et une trentaine de communes de banlieue a préféré confier le contrat de 700 millions d’euros au groupement Smoovengo dirigé par la jeune PME montpelliéraine Smoove. Ce bureau d’études créatif, dépositaire de nombreux brevets a su convaincre avec de forts atouts, comme la station légère (facile à installer sur la voirie), les 30% de sa flotte électrique, son dispositif overflow permettant d’accrocher un vélo même quand la station est pleine, ou encore sa fourche antivol à trois sécurités.
Le défi écologique et social de Vélib’
Si depuis quelques mois les bornes Vélib’ sont progressivement désactivées pour être démantelées par l’ancien opérateur, le repreneur a entamé la lourde procédure d’installation et d’un parc de 20 000 Vélib’ pour un lancement en janvier 2018. Une opération a priori peu responsable écologiquement, mais habituelle dans les contrats de mobilier urbain et pour laquelle JCDecaux s’est engagé à recycler les équipements. « Nous avons des règles et des process très clairs en termes d’économie circulaire, de développement durable et de recyclage », explique Albert Asséraf directeur général stratégie, data et nouveaux usages de JCDecaux. « L’intégralité des pièces détachées, que ce soit un dérailleur, une roue ou un cadre, sera révisée. Soit elles sont en bon état et seront reconditionnées à neuf. Soit les pièces ne sont pas réutilisables et iront alors vers nos filières de recyclage ».
L’autre enjeu concerne les 267 employés en contrat à durée indéterminée de Cyclocity, filiale de JCDecaux gestionnaire de Vélib’, dont le sort est encore incertain. Alors que Smoovengo a besoin de personnel qualifié dans des délais de plus en plus courts, le transfert des contrats n’a toujours pas eu lieu et Cyclocity ne donne aucune information à ses employés. La transition entre les deux opérateurs est particulièrement scrutée, puisqu’à Lyon JCDecaux détient également un contrat de vélo en libre-service qui fait l’objet d’un nouvel appel d’offre. À Paris, Vélib’ reste un joyau de la Mairie, aimé des touristes et symbole de la capitale verte, le moindre faux pas serait très préjudiciable au lancement, dans un contexte de forte concurrence.
Fallait-il anticiper l’arrivée du free-floating ?
Car en parallèle une concurrence frontale est apparue avec le franco-hongkongais GoBee.bike ou la start-up de Singapour oBike. Sur le modèle de Cityscoot, ces vélos en libre-service ont la particularité de ne pas être dépendants d’une station. Géolocalisés grâce à une application smartphone, ils peuvent être récupérés et déposés n’importe où en ville. Une offre qui pourrait rendre caduque le Vélib’ tant elle semble facile et sans contrainte. Dans cette course au dernier kilomètre plusieurs entreprises venues de l’étranger tentent de s’imposer en Europe, notamment le géant chinois Ofo. Cette licorne pékinoise qui a réussi une levée de fond de 700 millions de dollars, est présente dans 15 pays et 180 villes, avec une flotte mondiale de 10 millions de vélos. Sa flotte jaune poussin devrait envahir la capitale dans quelques mois et tenir la dragée haute au Vélib’ subventionné par la Mairie de Paris.
Et justement, la régulation de ces nouveaux acteurs est en négociation, alors que la ville souhaite leur demander l’acquittement d’une redevance pour occupation commerciale de l’espace public. L’augmentation du nombre de vélos inquiète en effet la Mairie de Paris sur qui repose la responsabilité des épaves et de la lutte contre le stationnement gênant. Dans un communiqué, la ville déclare avoir rencontré le 16 novembre l’ensemble des opérateurs de vélo en libre-service et sans station intéressés, avec pour ambition « de fixer des engagements à respecter en termes de qualité de service et de critères de performance, par exemple avec un code de bonne conduite ».
Si la coopération semble régner jusqu’ici, les semaines et mois à venir pourraient être le théâtre d’une compétition qui sera déterminante pour l’avenir du vélo parisien.