Francesca Pick : « Le concept de sharing city séduit de plus en plus »
Du 5 au 7 mai 2014, le Cabaret Sauvage de Paris a accueilli la deuxième édition du Ouisharefest, le grand raout mondial de l’économie collaborative. Co-organisatrice de l’évènement, Francesca Pick fait le bilan.
La ville était au centre des débats lors de l’édition 2014 du Ouisharefest. Pourquoi ?
La ville est le meilleur écosystème possible pour tester de nouveaux modèles économiques. Pour une raison simple : un maire peut mettre en place dans sa ville un dispositif d’autopartage plus facilement que Barack Obama à l’échelon national. Et puis, la ville permet de multiplier les expériences, de favoriser une approche bottom-up plus efficace pour régler la plupart des problèmes que rencontrent les citoyens.
Lauren Anderson, l’une des responsables de la plate-forme Collaborative Lab, estime que seulement 5 à 10 villes dans le monde peuvent prétendre aujourd’hui au titre de « sharing city » : San Francisco, New York, Londres, Paris, Berlin, Sao Paulo, Sydney… L’économie collaborative est-elle réservée aux mégapoles ?
Non, pas forcément. La majorité des projets collaboratifs ont évidemment besoin d’une masse critique d’utilisateurs au départ, donc c’est plus simple de développer son programme ou son application dans une grande ville. Et puis, on sait bien que les early adopters sont toujours des urbains. Après, il faut encore inventer des modèles adaptés aux villes de plus petite taille et aux zones rurales. Si on lance une plate-forme de covoiturage à la campagne, il faut une technologie complexe, sinon ça ne marche pas. Des sociétés allemandes travaillent d’ailleurs là-dessus. Mais comme le dit Rachel Botsman, « l’économie collaborative n’est encore qu’un bébé ». Il reste beaucoup à faire. Cela dit, les choses bougent. On voit de plus en plus de villes nouer des partenariats entre elles, notamment dans le cadre du réseau des villes collaboratives (Sharing cities network), qui a permis de lancer une centaine de projets dans une centaine de pays différents, qu’il s’agisse d’échanger entre start-ups ou d’aménager des tiers-lieux. La ville de Bordeaux, par exemple, discute aujourd’hui avec Barcelone pour envisager une déclinaison possible du concept de fab city (la ville espagnole entend aménager un fablab dans chacun de ses quartiers d’ici à 2020).
Quelles sont aujourd’hui les villes les plus « collaboratives » ?
C’est très difficile d’établir un palmarès car chaque ville a ses spécificités. La France est très forte pour lancer des projets dans un cadre public, avec des réussites comme Vélib’ et Autolib’. En Allemagne, par contre, les projets collaboratifs passent plutôt par le privé avec des sociétés comme Drivenow, qui se débrouillent sans passer par l’échelon public. Ce qui est certain, c’est que le concept de sharing city séduit beaucoup aujourd’hui. Une ville comme Séoul, en Corée du Sud, a déjà lancé une vingtaine de programmes ambitieux visant à soutenir l’économie collaborative. D’autres villes sont en pointe, comme Gand en Belgique ou bien San Francisco, qui a déjà commencé à faire bouger le cadre juridique pour aider les modèles économiques émergents à trouver toute la place qu’ils méritent.
Les regards prospectifs de deux autres acteurs de la ville collaborative, qui ont participé au Ouishare Fest 2014 :
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Lauren Anderson, chief knowledge officer pour le Collaborative Lab, la plate-forme de conseil de référence en matière d’économie collaborative :
« Sydney est bon exemple de ville collaborative. Ces trois dernières années, la ville a vraiment émergé grâce au lancement de plate-formes comme Openshed ou Glomy (…). La ville est grande, avec beaucoup d’espace physique disponible, et a créé des incitations économiques pour permettre aux business les plus créatifs d’émerger. Cela dit, je ne pense pas que toutes les villes suivront ce modèle. »
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Thomas Diez, fondateur du premier fablab barcelonais et responsable du programme fab city, qui prévoit l’aménagement d’un fablab dans chaque quartier de la cité catalane :
« Les villes sont la plate-forme idéale pour l’économie collaborative car elles permettent d’accéder à tout ! Elles existent grâce au partage : nous avons bâti des villes parce que nous avions besoin de partager. Et c’est justement ça que nous avons oublié quand nous avons aménagé les banlieues »
Le Ouishare Fest 2014 s’est clôturé par la remise des Ouishare Awards
Ces prix ont récompensé cinq projets collaboratifs parmi une sélection initiale de plus de 200 projets à travers le monde. Voici la liste des lauréats :
Copass
Réseau international qui permet à ses utilisateurs d’accéder à toute une série d’espaces de coworking, de fablabs et de makerspaces en passant par une plate-forme unique.
Common libraries
Projet visant à redéfinir le rôle d’une bibliothèque publique en y intégrant la logique de partage à l’oeuvre dans les hackerspaces et les makerspaces.
Guerilla Translation !
Plate-forme espagnole de traduction collaborative visant à partager les grands textes et les idées venues du monde entier qui méritent de l’être.
Sofa Concerts
Plate-forme d’origine allemande, qui fédère une communauté d’amateurs de musique et permet d’organiser des concerts à domicile.
Symba
Projet de monnaie complémentaire en Ile-de-France fondée sur un réseau de confiance coopératif.