Festival d’Avignon : un théâtre urbain de la transition écologique ?

30 Juil 2024 | Lecture 3 min

Année après année, le Festival d’Avignon intensifie ses actions pour atténuer son impact écologique : limitation du nombre de tracts et prospectus, mise en place de navettes, fourniture en électricité verte… En tant que vitrine mondiale du spectacle vivant, il devient également une plateforme d’envergure internationale pour la sensibilisation environnementale.

Le rideau s’est levé le 29 juin pour la 78e édition du Festival d’Avignon ! Fondé en 1947 par Jean Vilar, cet événement est désormais l’une des plus prestigieuses manifestations internationales du spectacle vivant. Pendant trois semaines en juillet, le Festival transforme Avignon en une véritable « ville-théâtre », utilisant son patrimoine comme scènes diverses et variées. Toutefois, ces dernières années, Avignon et son festival doivent faire face à des températures de plus en plus extrêmes. Plus globalement, le Festival d’Avignon s’est engagé depuis dix ans dans une réflexion profonde sur son impact environnemental. Membre du collectif des Festivals Écoresponsables et Solidaires en région PACA, signataire de la Charte Éco-festival avec la ville d’Avignon, le Grand Avignon et Avignon Festival et Compagnies, ainsi que de la Charte Drastic On Plastic, le Festival a mis en place en 2020 une cellule de travail interne, collective et transversale, dédiée à l’action durable. Quels efforts le Festival d’Avignon déploie-t-il pour réduire son impact environnemental, et quelles initiatives peuvent inspirer d’autres villes organisatrices de festivals ou destinations touristiques ?

Le virage vert du Festival d’Avignon

“Le Festival d’Avignon est une formidable opportunité d’échange, de démonstration, et peut-être d’exemplarité sur l’évolution de nos pratiques”, déclare Eve Lombard, administratrice générale du Festival. En 2019, cette prise de conscience s’est fortement accélérée. Cette année-là, deux vagues de canicule ont frappé la région, juste avant et après le Festival. “Les festivaliers ont été épargnés. Ces moments sont restés invisibles pour le commun des mortels, mais c’était précisément les périodes de montage et démontage. Il devenait impossible ne serait-ce que de toucher les échafaudages !”, se souvient Ève. Avec le recul, l’administratrice du Festival et responsable de toutes les questions de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) considère l’édition 2019 comme un tournant. Elle explique que cela faisait déjà plusieurs années que la question environnementale avait été prise à bras le corps, mais que cette période a été le déclic qui les a poussés à passer à la vitesse supérieure.

Le défi énergétique du spectacle vivant

Le Festival doit d’abord relever un défi colossal inhérent à sa raison d’être : la tenue des spectacles, grands consommateurs d’énergie. “Nous avons signé un partenariat avec la coopérative Enercoop, qui fournit une électricité verte et locale”, indique Paul Rondin, ex-directeur délégué du Festival. En juillet 2022, sept de la vingtaine de lieux occupés par les artistes, dont la salle permanente la FabricA, étaient alimentés en électricité 100 % renouvelable. Une ambition du conseil d’administration du Festival est aussi de vêtir la FabricA de panneaux photovoltaïques.

Cette initiative vers une consommation énergétique plus responsable s’accompagne du remplacement progressif des éclairages halogènes par des LED, un chantier titanesque qui devrait s’étendre sur de nombreuses années. “Aujourd’hui, la LED correspond à 10-15 % de notre éclairage, note Nicolas Villenave, responsable de la coordination technique délégué au projet FabricA. “Nous estimons à plusieurs millions d’euros le renouvellement de l’ensemble du parc, mais il faudra également que les créateurs soient tous prêts à travailler avec la LED, qui modifie l’éclairage scénique, et que les lieux de diffusion, qui accueillent ensuite les spectacles, s’équipent à leur tour.”

Concernant la climatisation, le plan d’action 2020-2021 “Pour une culture de l’événementiel responsable” du Festival aborde un double enjeu : équiper les lieux de spectacles avec des blocs de climatisation plus performants et améliorer l’isolation énergétique des bâtiments. Par exemple, les deux nouvelles centrales de traitement d’air (CTA) installées en 2018 et 2019 au gymnase Aubanel ont permis de réduire de moitié la climatisation nécessaire.

Depuis 2021, ce sont chaque année 15 000 programmes en moins d’imprimés soit 3,75 tonnes de papiers économisés chaque année ©flickr

Depuis 2021, ce sont chaque année 15 000 programmes en moins d’imprimés soit 3,75 tonnes de papiers économisés chaque année ©flickr

En route vers une mobilité écoresponsable

La transition écologique du Festival d’Avignon ne concerne pas uniquement les organisateurs, mais aussi le public, qui achète plus de 110 000 billets chaque année et se presse entre les murs de la Cité des papes. “Le déplacement des spectateurs constitue la part la plus importante de notre empreinte carbone”, souligne Lauren Laffargue, ancienne responsable d’administration et RSE du Festival. “Les gens prennent leur voiture, car ils n’ont pas d’autre solution. L’offre de transports en commun n’est pas suffisante et pas adaptée aux horaires des spectacles.” En 2023, dans la région, en pleine saison touristique, trains et bus s’arrêtaient encore en début de soirée.

Face à cette réalité, le Festival a mis en place un système de navettes pour accéder aux lieux de spectacle situés en dehors du centre-ville, tels que Pujol, Barbentane, et Boulbon. En 2021, plus de 39 % des spectateurs ont utilisé ces navettes pour se rendre sur ces sites. Le Festival encourage également les mobilités actives : des bicyclettes sont achetées et louées pour les déplacements des salariés pendant le Festival, et des triporteurs sont utilisés pour le transport des charges lourdes dans les rues du centre-ville.

Des spectacles qui sensibilisent

Les thématiques du dérèglement climatique et du respect de l’environnement sont de plus en plus présentes dans les spectacles du Festival d’Avignon, où les artistes jouent un rôle clé de sensibilisation. En 2022, des œuvres comme « Futur proche » du chorégraphe Jan Martens et « Anima » de Noémie Goudal et Maëlle Poésy ont abordé ces questions. Inspirée par les travaux de paléoclimatologie, « Anima » ne délivre cependant pas de message explicite. “C’est le rôle des scientifiques, pas le nôtre. Nous nous situons davantage dans un rapport au sensible, à la poésie”, explique Maëlle Poésy. La metteuse en scène confie également son dilemme personnel : “Je suis très sensible aux questions environnementales dans ma vie privée, mais il est vrai que le théâtre n’est pas vraiment écologique.”

De plus en plus de spectacles se déroulent directement dans la nature. Par exemple, “Le Jardin des délices » de Philippe Quesne, Caroline Barneaud et Stefan Kaegi invite le public à explorer plaines et forêts avec leur ensemble de sept pièces intitulé « Paysages partagés« , une balade de sept heures ! Clara Hédouin, quant à elle, a conçu « Que ma joie demeure », un spectacle alternant jeu et marche en pleine nature.

“Dans les spectacles présentés, le lieu de la nature et ce rapport au vivant sont beaucoup plus présents. On aspire à un lien plus fort avec le vivant. Présenter des spectacles en plein air et dans la nature est moins facile, mais ce rapport au spectacle interroge notre rapport au monde”, explique Eve Lombard, administratrice du Festival.

En conclusion, le Festival d’Avignon se distingue non seulement par son rayonnement culturel mais aussi par son engagement croissant en faveur de la durabilité environnementale. À travers des initiatives ambitieuses telles que l’utilisation d’électricité renouvelable, la transition vers des éclairages LED et l’amélioration de l’efficacité énergétique des infrastructures, le Festival montre la voie vers une gestion plus responsable des ressources. Cependant, le défi reste de taille, notamment en matière de mobilité et d’empreinte carbone liées aux déplacements des spectateurs. Une autre piste réside aussi dans la réutilisation des costumes et décors, à l’instar d’Olivier Py qui, pour sa pièce “Ma jeunesse exaltée”, a recyclé et retravaillé ceux de ses précédentes productions.

LDV Studio Urbain
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