Faut-il interdire la publicité en ville ?

2 Mar 2015

Fin novembre 2014, la municipalité écologiste de Grenoble a choisi de ne pas renouveler son contrat avec JC Decaux pour retirer l’affichage publicitaire de l’espace public. Un coup politique qui en fait le laboratoire européen de la ville sans pub.

Tour publicités - Mexico ; Copyright : Keizers / Wikimedia

Publicités sur des tours d’immeubles à Mexico ; Copyright : Keizers / Wikimedia

La blague était facile. Alors forcément, sur Twitter comme dans les colonnes des grands quotidiens, ils ont été nombreux à la faire : en annonçant la suppression de l’affichage publicitaire dans sa ville, Eric Piolle s’est offert un joli coup de pub. Pourtant, la décision du maire écologiste du chef-lieu de l’Isère, prise six mois tout juste après le début de son premier mandat, en avril 2014, est bien plus qu’un simple effet d’annonce.

En prenant cette décision, le maire de Grenoble tient déjà l’une de ses promesses de campagne. « La municipalité fait le choix de libérer l’espace public grenoblois de la publicité en développant les espaces d’expression publique », a fait savoir la nouvelle équipe municipale. En clair, fini les affiches de 120 x 176 cm et les panneaux de 8 mètres carrés dans les rues de la ville. Seules les publicités intégrées dans les abribus seront toujours visibles. Plus de 2000 mètres carrés de publicité vont ainsi disparaître progressivement – jusqu’en mai 2015 – des rues grenobloises. Cet espace sera désormais utilisé pour un affichage à caractère culturel ou associatif, ainsi que pour la plantation d’une cinquantaine d’arbres.

Une première en Europe

Le non renouvellement du contrat qui liait la ville à l’entreprise JC Decaux depuis 1976 est aussi un « coup politique fort », comme l’a écrit Le Monde. La preuve : une fois cette décision rendue publique, tous les micros et les projecteurs se sont braqués sur Grenoble. Et tous les médias ou presque ont souligné qu’il s’agissait là d’une première pour une ville européenne. Bien sûr, des villes de tailles plus modestes ont déjà fait le choix de supprimer les panneaux publicitaires. En France, c’est par exemple le cas de Forcalquier, une commune de 5000 habitants située dans les Alpes-de-Haute-Provence, qui se passe de la publicité depuis l’été 2009. Mais c’est bien la première fois qu’une agglomération européenne de cette taille (160 000 habitants) choisit de se passer de la manne non négligeable que représente la publicité commerciale. Dans le cas de Grenoble, le « sacrifice financier » est estimé à environ 645 000 euros par an. Une somme importante, que l’équipe municipale estime avoir déjà largement compensée grâce à des économies portant sur le train de vie des élus. Quinze voitures de fonction ont ainsi été vendues ces derniers mois et remplacées par des vélos.

Si la décision prise par la mairie de Grenoble est bien une première en Europe, la ville brésilienne de Sao Paulo avait de même en 2007 avec le vote de la loi « Ville propre », dont l’ambition était de lutter contre la « pollution visuelle » que peut parfois représenter l’abondance de messages publicitaires dans la rue. Cinq ans après son adoption, cette loi était approuvée par 70% des habitants. Mais la municipalité a fini par revenir sur sa décision. En 2012, elle a signé un contrat avec JC Decaux pour installer dans les rues un millier d’horloges permettant de diffuser des informations municipales et météorologiques.

La fin d’une époque

En renonçant à l’affichage publicitaire commercial, la mairie de Grenoble entend aussi rompre avec une certaine idée de l’urbanisation. Il s’agit d’en finir avec la ville des Trente Glorieuses, façonnée par et pour la consommation, à grand renfort de parkings, de supermarchés et de murs transformés en supports pour la réclame : « Cette publicité est arrivée à un moment où la ville était construite comme un vecteur de la consommation de masse, avec des publicités faites pour les voitures, pour des profils nourris par cette publicité. Nous sommes maintenant arrivés à un virage où la ville va se construire au contraire sur son identité, et sur un commerce de ville », explique le maire dans une interview accordée aux Inrockuptibles.

Plus qu’un choix politique, le publicitaire Jacques Séguéla préfère voir dans la décision de la mairie de Grenoble une « attitude totalement idéologique », un « excès d’autoritarisme administratif » et même une forme de « ségrégation des espaces publics ». Pour le cofondateur de l’agence de communication RSCG, la décision de la mairie de Grenoble est un coup d’épée dans l’eau. Et la ville pourrait même rapidement revenir sur sa décision, tant l’impact de la publicité sur les ventes serait immédiat et négatif : « Je pense qu’il va y avoir tout de suite une mobilisation des petits commerçants qui vont voir leur chiffre d’affaire baisser dans les trois mois qui suivront. Si l’on veut finir de les asphyxier, après toutes les surcharges de ces deux dernières années et l’effondrement de la consommation, allons-y ! Ce sera le coup de grâce ! », déclare le publicitaire dans un entretien publié sur le site Place Gre’Net.

Laboratoire du futur

Beaucoup de communes ne peuvent pas se permettre de renoncer, comme Grenoble l’a fait, à la manne financière que représente l’affichage publicitaire. Mais les nombreux courriers de soutien envoyés par des maires de France à Eric Piolle dans la foulée de son annonce sont la preuve que son initiative a plutôt été accueillie avec bienveillance. En se passant de l’affichage commercial, Grenoble est devenu le nouveau laboratoire européen de la ville sans publicité. On peut donc imaginer quà terme, le « modèle grenoblois » finisse par faire des émules. D’ailleurs, la Communauté urbaine de Bordeaux s’apprête à supprimer d’ici juillet 2015 les panneaux de 12 m2 – les fameux « 4 par 3 » – aux abords de plusieurs zones commerciales.

À ce jour, il est difficile de dire si Grenoble suivra les traces de Sao Paulo en faisant machine arrière au bout de quelques années. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’une grande majorité d’urbains s’accordent à dire que « trop de pub tue la pub ». Et que pour capter l’attention des Grenoblois, les marques vont désormais devoir redoubler d’intelligence et de créativité.

Usbek & Rica
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Vos réactions

Louarn
5 mars 2015

Les marques vont désormais devoir redoubler d’intelligence et de créativité ! Oui et elles ne connaissent pas encore en France le média petibag® qui vient de Sao Paulo là où les panneaux publicitaires n’existaient !
http://www.petitbag.com

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