Existe-t-il une bonne architecture ?

Base Nautique
23 Oct 2017

« L’architecture du futur ne pourra être que comestible et poilue ». Voilà le postulat du loufoque peintre Salvador Dali concernant l’avenir de nos villes. Surprenant ? Voyons voir…

A chaque époque et à chaque territoire son architecture. Ne serait-ce qu’en France, le Moyen-Âge dévoilait ses toits de chaume avant que le 19è siècle ne soit l’apogée des balcons haussmanniens en ville. La brique rouge s’impose dans le nord tandis que le granit est légion en Bretagne. Il existe autant de territoires que de modes de construction, dans tous les pays et dans toutes les régions du monde.

 

 

Les formes architecturales du bâti évoluent en fonction du climat ambiant, de la composition des sols, mais également des méthodes enseignées localement et ancestralement. Mais ne serait-il pas possible de créer un unique type d’habitat qui réponde à l’ensemble de ces éléments, en fin de compte à l’ensemble de ces territoires ? À quoi pourrait bien ressembler une architecture adaptable et adaptée à tous les contextes sociaux et environnementaux, qui plus est sur le long terme ?

De quelle manière peut-on s’interroger sur la perspective durable d’une architecture universelle ? Serait-elle d’ailleurs une réponse pérenne aux défis quotidiens de l’humain face a son propre environnement urbain ? Autant de questions légitimes, à laquelle nous tenterons de trouver une réponse…

A la recherche d’une ville idéale

Depuis l’antique Platon, bon nombre de personnalités se sont essayées à définir ce à quoi pouvait ressembler la construction idéale d’une cité. Architectes, philosophes, sociologues, tous en ont imaginé leur propre conception, parfois avec des divergences, parfois avec des ressemblances, mais systématiquement avec une évolution significative des méthodes de réflexion.

Dès l’Antiquité donc, notamment à travers la République de Platon, les idées d’une cité idéale commençaient à apparaître dans les esprits des philosophes pluridisciplinaires. Globalement, le point commun de leurs pensées intégraient des notions très diverses, mais complémentaires. Par exemple, le support physique de la société qui correspond à l’espace bâti devait être rationalisé de manière à optimiser les utilisations de chaque élément urbain. L’idée principale consistait principalement en la construction d’une ville en damier, dans lequel tous les services, logements etc seraient rangés d’une manière égalitaire en termes sociaux, spatiaux et temporels (temps de déplacements entre eux par exemple).

Au 16è siècle, l’utopie de Thomas More est représentée par une cité fictive qui lui serait idéale (Utopia, ouvrage paru en 1516). Justement, elle l’est. Mais uniquement dans le sens où elle ne correspond qu’à une image de l’esprit, qu’à une idée illusoire d’une cité fantasmée par son auteur. Mais de la même manière que les philosophes de l’Antiquité, la conception d’un tel projet semble ne pouvoir être régie que par les lois de la mathématique et de la science qui détermineraient les modes de vie des habitants, et donc de leur bonheur et leur prospérité.

« Là où naît l’ordre naît le bien-être »

C’est justement le fil conducteur de la pensée de Le Corbusier, selon qui l’architecture ne peut se concevoir qu’à travers une pintade d’éléments techniques et indissociables (1929, Les 5 points de l’architecture moderne, en collaboration avec Pierre Jeanneret). Depuis lors, les réflexions autour d’une « bonne » architecture sont régulièrement alimentées par les architectes du monde entier, mais pourtant sans jamais trouver de consensus général.

À mesure que le temps passe, les conceptions fantasmagoriques d’une cité idéale se restreignent au cadre de l’architecture et du bâti en tant que tels, ou en tout cas à des compartiments rarement hermétiques (économie, sociologie, architecture…). Typiquement, et en grossissant le trait, les ambitions du développement durable d’une cité sont analysées par les architectes sous le prisme de l’architecture, par les économistes sous le prisme de l’économie etc, et moins en tant que système global.

L’ambition d’une ville parfaite semble donc par nature compromise. En effet, l’utopie d’un idéal urbain (au sens des écrits de Thomas More) démontre l’impossibilité voire l’inexistence d’un tel lieu. La ville sans lieu, dont seule l’idée est extraite de fantasmes, est un paradoxe qui ne pourrait pas garantir un équilibre social, économique, environnemental, ni urbain. Mais si cette approche est encore très incertaine sur un territoire donné, elle le sera encore davantage à mesure que l’on essaiera de l’étendre vers une échelle globale.

Si ce constat s’applique donc à l’ensemble des populations et que les ambitions semblent similaires, comment peut-on alors expliquer l’existence de divergences et de courants architecturaux menés par les différents peuples du globe ?

L’architecture comme langage indissociable de sa société

Une des principales raisons concerne l’identité véhiculée par les territoires, notamment alimentée par la culture urbaine et architecturale. À la fois spatiales et temporelles, les évolutions des modes de construction étaient dans un premier temps liés à l’environnement dans lequel évoluait la société constructrice. À l’origine réalisés à l’aide de matières premières locales et facilement utilisables, les bâtiments ont très vite représenté les territoires sur lesquels ils se situaient, puisqu’ils sont l’écho de leurs composition naturelle. Dans le temps également, les méthodes architecturales ont évolué selon les mouvements culturels qui se sont succédé dans différents pays. L’identité des territoires s’en trouve ainsi renforcée par le biais de son architecture unique, véritable marque de fabrique à l’échelle internationale. Antoni Gaudí  a par exemple fortement influencé l’identité architecturale de Barcelone, désormais particulièrement reconnaissable et symbole d’un caractère local.

En ce sens, la ville est un langage. Celui de la société qui l’habite et le fait vivre. C’est (entre autres) la singularité d’un paysage urbain qui confère à un touriste l’envie de se rendre sur un espace précis. Quelle monotonie d’imaginer une architecture qui serait similaire en chaque ville des 5 continents ! Globaliser ce langage urbain reviendrait par conséquent à gommer les traces culturelles d’une architecture propre à un peuple, et donc d’en estomper la force de caractère et l’identité même.

Le principe même de rechercher une bonne architecture, adaptée à tous semble donc après réflexion être un contresens, dans la mesure où une uniformité du bâti diminuerait l’appropriation par ses utilisateurs, et donc de leur jouissance d’y évoluer. Par ailleurs, les difficultés techniques rencontrées ne pourraient pas pérenniser un tel concept : si des matériaux spécifiques sont utilisés dans chaque région, il s’agit avant tout d’un choix technique, économique, et donc durable.

Si l’objectif est donc d’atteindre une « bonne » architecture à l’échelle de la planète, il faut certainement intégrer une démarche plus innovante que par l’unique biais de l’architecture en tant que telle.

Prendre exemple sur l’évolution naturelle

Les enjeux sont pourtant les mêmes. En particulier en ce qui concerne l’environnement. On observe d’ailleurs une émergence certaine d’un nouveau type d’architecture, plus proche de la nature, de la biologie, de la vie. L’architecture biomimétique consiste en l’élaboration d’un bâtiment en s’inspirant des formes et des processus présents dans la nature. Celle-ci a eu le temps en plusieurs milliards d’années de s’adapter aux conditions locales afin de parvenir à trouver un équilibre qui leur permette de se développer et s’en inspirer prends alors tout son sens. Ce concept prend de l’ampleur depuis plusieurs années, par exemple à travers les projets novateurs de l’architecte belge Vincent Callebaut.

Mais l’idée n’est pas d’imposer une architecture commune à l’ensemble des peuples. Il s’agirait au contraire de réfléchir selon les territoires, à travers une inspiration commune certes, mais adaptée aux environnements biologiques de chacun… Malgré cela, on entrevoit encore dans cette réflexion une difficulté certaine à adopter des formes architecturales communes entre les peuples.

Quels compromis pour une « bonne » architecture ?

Il y a donc une réelle réflexion autour de la notion d’architecture parfaite, qui est loin d’être résolue. Si des styles architecturaux peuvent être envisagés sur un territoire particulier, il risque de dénaturer et de brouiller l’identité d’un autre. Nos ancêtres adaptaient leurs habitats selon leurs environnements, et ont pu développer leur propre culture, sans base initiale, sans socle matériel.

Les formes architecturales ne peuvent donc pas être adoptées de la même manière selon les territoires. Alors pourquoi ne pas penser l’architecture idéale non plus comme une manière de construire, mais comme une manière d’intégrer le vivant ? Voilà le principe même de l’architecture : celui de pouvoir s’épanouir au sein des enveloppes corporelles du bâti, mais aussi entre celles-ci. Intégrer l’ensemble des réflexions liées au vivant et à l’urbain dans les projets architecturaux afin d’y offrir une qualité immatérielle d’usage optimale et durable. Les enveloppes structurelles d’une architecture féconde représenteraient donc le support de l’identité territoriale. Comme le fruit fertile d’une culture locale mise en valeur dans l’espace et dans le temps. Comme le fruit séduisant d’une société du futur, voilà une architecture au poil !

LDV Studio Urbain
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