EuroRennes, la gare comme point de départ d’un renouveau ?
À l’image de Nantes et Bordeaux ou Lille, la capitale de la Bretagne met toutes les chances de son côté avec l’arrivée de la ligne grande vitesse pour devenir une ville attractive, en créant un projet de grande ampleur autour de sa gare. Depuis 2010, la création de la ZAC EuroRennes vient en effet peu à peu transformer le quartier de gare par des bâtiments aux architectures singulières et devient peu à peu un véritable symbole d’attractivité. L’ambitieux projet d’EuroRennes annonce-t-il un tournant dans l’histoire de la ville ?
Eurorennes, quand un quartier de gare se redessine
C’est lors de la construction de la ligne ferroviaire Paris Montparnasse – Brest, que la ville de Rennes se dote la première fois d’une gare en 1854. L’implantation de celle-ci bouleverse déjà à l’époque la ville. Autour des ateliers de la gare s’installent les cheminots et leurs familles, construisant eux-mêmes leurs habitations et provoquant une urbanisation lente et peu contrôlée de ses environs. Ce quartier populaire reste pendant très longtemps, coupé du reste de la ville malgré sa proximité avec le centre urbain. Les grandes infrastructures ferroviaires sont en effet des barrières qui empêchent la communication des espaces urbains autour de la gare avec le reste de la ville, même si certaines percées et aménagements ont été mises en place.
Et depuis 2010, c’est l’entièreté de ce quartier de gare qui subit une grande transformation. Avec comme slogan : “EuroRennes, Porte d’entrée de la Bretagne cœur de Métropole”, l’ambition portée par la ZAC est clairement affichée. Au centre du projet, la reconfiguration du pôle ferroviaire apparaît comme la clé de voûte d’un projet d’envergure métropolitaine. Porté par Rennes Métropole et Territoires Publics, ce vaste projet de 58 hectares participe pleinement au renouveau urbain de la ville. Mais alors derrière cette reconfiguration, quelles sont les attentes des différentes parties prenantes du projet ? Comment la ZAC EuroRennes vient transformer, non seulement la ville, mais aussi son image ? Et plus généralement, qu’est-ce que les grands projets urbains racontent de l’évolution des métropoles ?
Reconnecter le quartier de gare avec le reste de la métropole rennaise
La transformation du quartier de gare permet dans un premier temps son ouverture sur le reste de la ville, mais aussi de gommer la fracture physique et psychologique propre à ce quartier. Prenant place de chaque côté de la voie ferrée, le projet cherche avant tout à recréer des liens physiques entre le Sud et le Nord de Rennes. La restructuration de la gare permet donc d’assurer cette continuité entre ces deux espaces : une nouvelle liaison piétonne est dessinée pour relier les deux parvis de la gare, et pour traverser les voies ferrées. Cet ensemble paysager se veut également être le pivot de ces deux parties de la ville, améliorant de fait les flux piétons et les mobilités douces.
Dans l’ensemble de l’aménagement de la ZAC EuroRennes, une attention particulière a été apportée à l’amélioration de la gestion des différents flux de circulation. Un pôle multimodal est intégré à la gare et au quartier, avec la volonté concrète d’apporter des solutions visant à pallier les mobilités motorisées polluantes (notamment la voiture). D’ici 2020, le quartier EuroRennes sera alors un lieu de connexion entre les différents modes de transport et permettra de meilleurs liens avec la ville, la métropole et le reste de la France. En effet, grâce à l’arrivée de la ligne Grande vitesse en 2017, il est désormais possible de relier Rennes à Paris en 1h25. La construction de la ligne B du métro rennais, qui desservira la gare en 2020, permettra également d’assurer des liaisons avec le reste de la métropole. L’aménagement de la gare routière, le développement des transports en commun, mais également la création d’une station de taxi, d’une station de vélos en libre-service et enfin d’un parking voitures-vélos-deux roues, placent le quartier d’EuroRennes comme le pivot de l’ensemble des mobilités rennaises. De quoi assurer une bonne liaison du quartier à différentes échelles : des espaces avoisinants, en passant par la métropole, et même avec le reste du territoire.
La création d’un quartier mixte et dynamique
Au-delà de cette réorganisation urbanistique, avec l’ambitieux projet de la ZAC EuroRennes, le quartier de gare se transforme peu à peu en quartier vivant. Cela se traduit en une programmation variée permettant à chacun de pratiquer le quartier et de s’y rencontrer.
Une large offre de locaux tertiaires a été déployée avec l’inauguration en 2018 du premier bâtiment de bureaux qui accueille désormais les premières entreprises. D’ici 2027, ce sera en tout 125 000 m² de bureaux qui seront inaugurés et 7 000 emplois, faisant d’EuroRennes un quartier d’affaires d’échelle importante. Viennent s’ajouter l’implantation de 30 000 m² de commerces et services qui serviront aux employés, mais également aux 3 000 nouveaux habitants du quartier des 1 500 logements créés. Le quartier accueillera également une large offre d’équipements, dont un cinéma d’art et d’essai qui devrait attirer quelques curieux.
La gare complètement reconfigurée sera en capacité de doubler le nombre d’usagers quotidiennement. Un besoin qui se fait déjà ressentir puisque la SNCF prévoit de renforcer les trajets TER de la région. Autour de la gare, les larges parvis et la passerelle piétonne, imaginés dans une continuité paysagère, ont été dessinés avec le principe d’être à terme des espaces publics de qualité ornés de mobiliers urbains, facilitant les échanges entre les différents usagers. La forte végétalisation du projet répond à la demande habitante locale : celle de disposer de plus d’espaces verts pour se détendre dans la ville de Rennes.
Des architectures singulières comme symbole d’une attractivité renforcée
L’ambition programmatique portée par les aménageurs se traduit également dans les architectures proposées pour les nouvelles constructions. Matériaux modernes, formes assumées, ces bâtiments se veulent être une nouvelle vitrine pour la ville de Rennes : une ville moderne, ambitieuse et attractive.
Ce pari semble pour le moment assez porteur puisque l’image renvoyée des premiers bâtiments sortis de terre et de ceux encore en construction attire de nombreuses entreprises et acquéreurs. En effet, avec l’arrivée de la ligne grande vitesse reliant Paris à Rennes en moins de 1h30, quelques entreprises ont décidé de s’installer dans ce nouveau quartier prometteur : Samsic, leader européen des services en entreprise a établi son siège social dans l’un des ensembles architecturaux les plus remarquables de la ZAC. Point culminant du quartier, avec une tour signal de 26 étages, et 4 autres bâtiments, cet ensemble livré en 2024 illustrera l’ambition portée par la ZAC, celle d’inscrire Rennes dans une logique d’attractivité économique.
Les choix architecturaux donnés par les différentes équipes d’architectes appuient cette ambition : bâtiments de grande hauteur, matériaux contemporains (acier, verre et bois), des projets phares menés par des équipes internationales, pour justement placer la métropole rennaise sur la scène internationale.
Des choix portés par les aménageurs qui semblent cependant être quelques fois critiqués. Comme tout projet d’envergure, il est soumis aux avis extérieurs. L’ambition pour le projet apporte cependant des effets secondaires : prix du m2 élevé dans un ancien quartier aux origines populaires, retard dans les livraisons de chantier à cause des choix de matériaux et des modes constructifs… Une chose est certaine, Rennes se voit métamorphosée par la transformation de son quartier de gare et affiche clairement sa volonté de prendre sa place sur la scène nationale et internationale.
Qu’est-ce que les grands projets de restructuration de gare racontent de la mutation des villes ?
La ZAC EuroRennes est loin d’être un cas isolé dans le paysage français. Depuis une dizaine d’années, ce sont de nombreux quartiers de gare qui ont connu de profondes mutations, comme par exemple à Bordeaux, Nantes, Lille ou encore Lyon… Derrière ces divers projets se trouvent en réalité des enjeux assez similaires.
Tout comme à Rennes, ce sont majoritairement des quartiers qui sont porteurs d’enjeux urbains en terme de ruptures de flux : les infrastructures ferroviaires ont tendance à scinder les villes, mettant à l’écart des pans entiers de celles-ci. Une des premières motivations est donc d’améliorer l’intégration de ces quartiers par la transformation concrète des espaces et des mobilités. Un enjeu de plus en plus présent dans des métropoles où l’étalement urbain ne semble plus tant d’actualité, et où l’optimisation des espaces internes est porteuse.
Avec en prévision la diminution significative de la place et l’utilisation des voitures, la profonde modification des mobilités urbaines en une cinquantaine d’années pousse également les villes à repenser l’aménagement autour des nœuds de transport tels que les gares. Promouvoir de nouvelles mobilités, plus douces et respectueuses, en intégrant des logiques de continuité de déplacement à travers plusieurs modes, oblige également les métropoles françaises à partir de leur quartier de gare à refonder l’entièreté des logiques de déplacement de leur territoire.
Les quartiers de gare sont devenus au fur et à mesure de nouvelles vitrines pour ces villes qui y voient de forts potentiels économiques et attractifs. Phénomène d’autant plus visibles en France, où Paris a longtemps centralisé les sièges sociaux des entreprises et les capitaux économiques français. La mise en réseau des différentes métropoles européennes et la volonté de se détacher de l’influence parisienne des françaises leur ont offert de nouvelles opportunités dont elles se saisissent au quotidien. Les noms des différentes ZAC des quartiers de gare sont extrêmement révélateurs de cette envie d’intégration à une échelle européenne : EuroRennes (Rennes), EuraLille (Lille) ou encore EurAtlantique (Bordeaux), il s’agit bien d’être connecté, notamment par le TGV, au reste de l’Europe à l’heure où les échanges entre entreprises sont de plus en plus digitaux et où il est désormais possible de travailler n’importe où.
À travers la verticalisation de ces quartiers, c’est également l’architecture qui a été mise au service de cette volonté d’inscrire une image plus attractive et dynamique dans les esprits. À Bordeaux, la tour Hyperion, par Jean-Paul Viguier Architecture, en est un bel exemple : livrée en 2021, elle sera la première plus haute tour en bois d’habitat jamais construite en France. Lyon se dote également de nouveaux bâtiments de grande hauteur sur le parvis de sa gare, avec la tour To-Lyon par Dominique Perrault, qui culminera à 170 m dans le ciel dès 2022. Des logiques communes belles et bien révélatrices des ambitions de chaque métropole.
Autant de projets de réaménagement et de restructuration de ces quartiers de gare qui questionnent cependant la place de l’inclusion sociale dans ces nouveaux morceaux de villes. Les ambitions portées par ces métropoles sont-elles réellement celles des citadins ? Ces nouveaux quartiers sont-ils en capacité d’accueillir les populations les moins favorisées ? Rien n’est moins sûr…