Et si c’était la fin de l’architecture ?
Accusé d’avoir une approche trop verticale, déconnectée des territoires, conçue davantage pour briller que pour habiter, l’architecte doit réfléchir à sa posture. Demain, il devra avant tout réhabiliter, co-construire et pourquoi pas s’effacer pour laisser la main aux habitants.
2035, l’architecture n’existe plus.
Ou du moins, plus sous la forme que nous connaissions 15 ans plus tôt. Le nombre de constructions neuves en France a réduit comme peau de chagrin tandis que l’essentiel de l’activité de la construction s’est tourné vers la réhabilitation. Contestant les dérives de la fabrique de la ville, rejetant les projets hors-sol conçus par des architectes star, des groupements d’habitants se sont emparés de l’exercice architectural et le ramènent au plus près de leurs usages quotidiens. De la réalisation des premiers dessins, jusqu’au chantier en autogestion, ce sont eux qui mènent la danse. Les pratiques collégiales et de concertation sont désormais systématiques. L’élu et l’expert ne sont plus consultés que lorsque des projets sortent de l’ordinaire. Le développement de l’intelligence artificielle et la diffusion d’outils open source ont largement soutenu ce mouvement de démocratisation de l’acte constructif. Ainsi, le visage des villes évolue : moins hautes, en perpétuel rafistolage, elles font la part belle aux matériaux locaux et biosourcés. C’est le retour de l’architecture vernaculaire, sobre et circulaire.
Anarchy in the archi
La projection est un peu radicale, mais il faut voir les signaux faibles. La logique industrielle du BTP a été poussée à son extrême, les logements ont été standardisés et les habitants dépossédés de leur pouvoir d’habiter. “Nous assistons à la mort de l’architecture” déclamait l’architecte Jean Nouvel il y a quelques mois ; “C’est un métier gâché abonde Franco La Cecla, anthropologue et architecte. Les architectes des 50 dernières années ont tout raté, car ils n’ont pas compris qu’ils avaient un rôle à jouer pour changer les choses”. Des formules un peu dramatiques mais qui invitent à réinventer le métier.
De plus en plus, la question se pose de ne pas démolir pour reconstruire mais plutôt de rénover et de prendre soin. En témoigne le Pritzker 2021 attribué à Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal pour leur approche radicale de la réhabilitation. Et lorsqu’on construit, on le fait différemment, en s’éloignant des traditions modernistes pour se rapprocher de l’inventivité et de la sobriété vernaculaire. Dans toute la France, des chantiers participatifs et autogérés renouent avec les matériaux et techniques locales. L’architecte est alors incité à mieux travailler avec les habitants. C’est la démarche de “permanence architecturale” promue par Sophie Ricard. Le logement est pensé avec l’habitant et pour lui. Cet effort de co-construction va à contre-courant des enseignements traditionnels de l’architecture mais il restitue du pouvoir d’habiter aux occupants. C’est une manière de leur reconnaître un savoir-faire.
Archi-humble
Aux Rencontres d’Averroès, l’architecte Pauline Marchetti ne dit pas autre chose. Elle invite l’architecte à faire un pas en arrière, à ne pas aller jusqu’au bout du dessin : “C’est cet entre deux entre la fin du projet, la fin d’un dessin, la fin d’une idée de la ville et ce qu’on va laisser au citadin comme espace à apprivoiser qui va être intéressant. Si cet entre-deux est bien pensé, c’est là que le citadin va pouvoir s’engouffrer et trouver sa place”. À la 16ème Biennale d’Architecture de Venise en 2018, l’agence Encore Heureux présentait 10 lieux infinis, qu’elle définit comme des lieux « d’attention » et non pas « d’intention ». Des lieux qui continuent à se dessiner au fil du temps, pour le dire autrement.
Vos réactions
Avec le système actuel, c’est pas pour demain que nous retrouverons nos rues dédiées uniquement à la circulation des usagers, car avec les stationnements payants, les riches achètent les rues pour en faire leurs propres parkings comme on le voit progressivement arriver dans nos agglomérations saturées.