Dunkerque, l’exemple d’une transition écologique réussie grâce au local ?
La ville de Dunkerque est assez réputée en matière d’environnement, notamment grâce à sa politique de transports en commun. Elle doit aussi cette réputation à ses travaux avant-gardistes en matière d’économie circulaire appliquée à l’industrie.
L’économie circulaire appliquée à l’industrie, c’est aussi ce qu’on appelle l’écologie industrielle. Elle repose sur une gestion optimisée des stocks et des flux de matières, de l’énergie et des services, en créant des synergies entre différentes industries. Les déchets des uns deviennent ainsi les ressources des autres, et cela contribue à créer un cercle vertueux.
Vertueux, d’abord sur le plan économique, puisque cette méthode favorise grandement le tissu économique local. Vertueux, ensuite, sur le plan environnemental. C’est aussi une source d’apprentissage collectif, d’innovation et de diversification des activités économiques d’un territoire. Bref, il y a beaucoup d’externalités positives à explorer cette méthode.
À Dunkerque, c’est dans les années 1960 que les premières pierres de cette vision locale et circulaire de l’industrie ont été posées, via un rapprochement entre EDF et l’aciériste Usino (désormais ArcelorMittal). EDF y a implanté une centrale thermique qui fonctionne sur la récupération des gaz de l’aciériste. Toujours fonctionnelle aujourd’hui, elle permet de valoriser chaque année 5 milliards de m3 de gaz sidérurgiques provenant d’ArcelorMittal.
Mais la récupération du gaz produit par l’aciérie locale n’est qu’une partie du potentiel circulaire possible via cette usine. Et, en 1986, un autre aspect de cette logique circulaire est exploré : la ville décide alors de créer un réseau de chaleur – l’un des plus importants de France – basé sur la récupération de la chaleur émise par les hauts-fourneaux. Aujourd’hui, ce réseau permet notamment de chauffer 16 000 logements collectifs et bureaux et ainsi d’éviter l’émission de 30 000 tonnes de CO2 par an.
S’en suivent d’autres exemples similaires sur le territoire Dunkerquois : dans les années 1990, par exemple, EDF décide de faire profiter des eaux réchauffées du circuit secondaire de la centrale nucléaire de Gravelines à une ferme aquacole – Aquanord – qui produit 1 500 tonnes de poissons chaque année. Plus récemment, en 2007, la Communauté urbaine de Dunkerque a ouvert le CVE (Centre de Valorisation Énergétique) et le CVO (Centre de Valorisation Organique), qui récupèrent et valorisent les déchets du territoire. À titre d’exemple, le CVO transforme chaque année 22 000 tonnes de déchets organiques en 6 700 tonnes de compost utilisé pour fertiliser des terres agricoles.
Un facteur de résilience et d’attractivité
Cette interconnexion entre les acteurs locaux possède également d’autres vertus, et notamment celle d’avoir apporté au territoire davantage de résilience pour faire face aux contextes économiques volatiles de ces dernières années. En particulier lors de la crise des Subprimes de 2008, qui a perturbé l’économie et l’industrie mondiale. Mais, grâce à cette “toile industrielle” créée dans le Nord, les entreprises et élus locaux ont réussi à identifier des leviers pour se prémunir des fermetures d’usines.
Depuis quelques années, cette logique circulaire est même devenue un facteur d’attractivité pour le territoire et permet de faciliter l’implantation de nouveaux venus. C’est le cas par exemple de l’entreprise Irlandaise Ecocem, qui récupère des coproduits de la sidérurgie d’ArcelorMittal pour fabriquer un ciment écologique.
Récemment, la crise sanitaire a mis en avant les limites d’un monde globalisé où la fabrique de nos besoins se situe à l’étranger, et la relocalisation de notre industrie sur le territoire est désormais une priorité portée par l’État. Une priorité qui fait écho à la tendance au local qui, de l’alimentation à la mode, en passant par le monde du bâtiment, est en train de redevenir la norme. À ce sujet, l’exemple de cette écologie industrielle réussie à Dunkerque pourrait inspirer plus d’un territoire en France.