Design et participation citoyenne 1/2
Ce n’est pas un scoop, notre système démocratique aurait besoin d’un bon coup de dépoussiérage. Les dernières élections ont mis en lumière la défiance de nos concitoyens face aux partis traditionnels, des tentations à exprimer une colère en se tournant vers les extrêmes ou encore une abstention record aux dernières Législatives. Voilà pour le verre à moitié vide. Car si on analyse la situation dans son ensemble, on se rend compte de l’existence d’un certain nombre de leviers qui forment autant d’espoir de voir la situation évoluer. Et parmi les outils qui peuvent aider à retrouver de l’intérêt pour la chose publique et la participation citoyenne, le design a le vent en poupe ! Alors comment les designers généralement vus comme des fabricants de tables et de chaises peuvent-ils bousculer notre approche de la démocratie et favoriser la participation citoyenne ?
Pourquoi le design ?
A priori, tout éloigne le design et la politique. Et pourtant, petit à petit, les designers se sont immiscés dans le débat public et commencent à devenir des acteurs importants de la scène politique. Car nous ne parlons pas ici de politique au niveau macro, semblant inaccessible, mais bien de la vie et de la fabrique de la cité, d’un niveau de décisions plus local impactant notre vie quotidienne. Quel rapport alors avec les tables et les chaises ? Et bien pour construire sa chaise, le designer a besoin de notions de physique, d’ergonomie, etc. mais surtout d’un usager pour qui il va devoir créer son produit. Cet usager va être au cœur de sa réflexion. Il en va de même pour la fabrique de la ville, en replaçant le citoyen au cœur du sujet urbain, le designer s’attache à mettre en lumière son expertise d’usage. Et c’est bien « en faisant avec » et non plus « en faisant pour » qu’on arrive à créer des villes plus humaines, plus durables. C’est donc bien le cœur du métier du designer que de s’attacher à mettre en avant ce fameux usager. Au-delà de la définition même du métier, le designer possède plusieurs outils, autant de cordes à son arc pour favoriser cette participation.
Créer les conditions du dialogue
Première capacité du designer, et non des moindres, la possibilité de créer les conditions du dialogue. Car nous ne sommes pas tous égaux dans la compréhension des enjeux des débats, des attentes des uns et des autres, des difficultés à affronter… Le designer, grâce à des outils de facilitation graphique et de visualisation peut contribuer à vulgariser ces données, à les rendre plus tangibles, plus compréhensibles. Il s’agit de créer un langage commun autour du projet, condition sine qua non au dialogue. Par exemple, lorsqu’il s’agit de consulter les citoyens pour mettre en place un Fab Lab, il faut pouvoir être en mesure d’exprimer simplement à la fois le but, les enjeux et le processus de création de la chose. Et, comme depuis Napoléon on sait que mieux vaut un petit schéma qu’un long discours…
Se mettre en empathie
Une autre difficulté relevée dans le débat public et la participation citoyenne est la capacité des uns et des autres de s’extraire de leurs propres problèmes et ressentis pour davantage penser communauté. En pensant usager, le designer a intrinsèquement la capacité de se mettre en empathie avec eux. En multipliant les jeux de rôle et l’approche par les personas, le designer va inviter les citoyens à prendre la place d’autres citoyens et ainsi débloquer certains rouages. Car si je dois me mettre dans la peau d’une mère active de famille nombreuse, je vais forcément penser différemment que ce que mon statut d’homme retraité m’invite à envisager. En s’ouvrant et en s’obligeant à voir les choses avec un nouveau regard on peut donc sortir de débats bien souvent stériles.
Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique