Des cars scolaires pour briser les ghettos
Favoriser la mixité sociale et la mobilité entre quartiers dans le cadre scolaire : c’est l’objectif du busing, une politique souvent contestée. Coup de projecteur sur la ville d’Asnières, où l’expérience a fait ses preuves.
Il y a la ghettoïsation subie, celle des citoyens les plus pauvres dans les quartiers isolés et les banlieues défavorisées. Et puis il y a la ghettoïsation choisie, celle des plus riches qui recherchent l’entre-soi à tout prix. Pour favoriser la rencontre et le mélange entre populations, le « plan banlieue » initié en 2008 par Fadela Amara, alors ministre de la Ville, prévoyait d’expérimenter dans plusieurs quartiers classés en zones urbaines sensibles (ZUS) le busing : une politique visant à extraire les élèves de classes réputées difficiles pour les intégrer, grâce à des cars scolaires, dans d’autres établissements plus côtés de leur commune. Une réponse géographique à la discrimination sociale, apparue en 1971 aux États-Unis pour lutter contre la ségrégation raciale.
Recomposer les territoires scolaires
Cinq ans plus tard, force est de reconnaître que le bilan est mitigé. La plupart des villes ont abandonné le busing, jugé trop coûteux et dont il est difficile de mesurer l’impact sur les résultats scolaires. Mais pas Asnières. « Ici, le busing a permis d’impulser la mobilité entre quartiers » note Marie-Christine Baillet, adjointe au Maire chargée de l’éducation, qui se félicite d’avoir obtenu des dérogations pour mettre en place un système « à la carte ». Plutôt que de déplacer une classe entière, la cité des Hauts-de-Seine s’est concentrée sur l’intégration de deux enfants pour chaque niveau scolaire. « Le busing n’a pas tout résolu, mais quand on voit les enfants de milieux différents s’inviter à leurs anniversaires respectifs, on peut dire que le système porte ses fruits. Après, c’est sûr que les élèves de CP s’intègrent plus facilement que ceux de CM2. » La cité des Hauts-de-Seine est allée encore plus loin. En 2009, elle a créé dans les quartiers nord des pôles d’excellence avec une classe de théâtre, une classe orchestre et une classe bilingue. Une forme de busing à l’envers qui pourrait permettre, à terme, d’attirer plusieurs élèves des « beaux quartiers ». S’il n’est pas la panacée, le busing apparaît donc comme un dispositif transitoire efficace, à condition de laisser les municipalités s’approprier et adapter le dispositif. Président de l’Observatoire des zones prioritaires (OZP), qui lutte contre l’échec et l’exclusion scolaire, Marc Douaire est favorable au busing, mais estime que la mixité sociale passe par une réponse géographique de plus grande ampleur. Pour lui, les exemples à suivre sont ceux de Brest et Tours, qui n’ont pas hésité à découper et recomposer leurs territoires scolaires pour casser les logiques de ghettos. Du busing à grande échelle sûrement plus utile qu’un simple service de déplacement ou de transport des collégiens.