La démocratie participative au service du développement des villes
De plus en plus, de nouveaux rapports et de nouvelles organisations se créent au cœur de nos espaces urbains. A l’échelle mondiale, ils sont souvent la conséquence d’une crise de nos modes d’organisation politique. L’organisation de nos rapports ne fonctionne plus. On réinvente alors de nouveaux rapports, de nouveaux processus décisionnels.
Une crise de confiance s’est petit à petit installée vis-à-vis de nos politiques. Pour exemple, selon une étude Ipsos, 67 % des Français n’ont aujourd’hui plus confiance en leurs institutions. A l’échelle mondiale, nombre de citoyens ne se sentent plus compris par leurs représentants, menant parfois à la nomination de leaders que l’on pourrait qualifier de « populistes ». De toutes parts, les alertes tombent quant à la nécessité de changer nos modes de consommation pour sauver notre planète. En 2015, Demain, le documentaire de Cyril Dion, montrait au grand public qu’il était temps d’agir. Socialement, les inégalités sont de plus en plus criantes et indignent. Cet hiver, la Fondation l’Abbé Pierre diffusait son « tableau-reportage », « En Résistance contre le Froid » sur l’ampleur de la précarité énergétique au sein de notre pays. L’USH lançait un appel aux candidats à la présidentielle quant à la situation alarmante des conditions de logement en France.
Face à ces crises multiples, de nouveaux modes de gouvernances s’organisent pour changer les choses et agir individuellement vers un destin collectivement choisi.
Depuis les années 60, le modèle de la démocratie participative s’impose comme une solution. Si elle apparaît timidement, comme un soutien aux quartiers dits « sensibles », la démocratie participative est aujourd’hui au cœur de tous les discours. Aujourd’hui, le phénomène prend de l’ampleur. De plus en plus, la voix citoyenne compte à tel point que nous cherchons des modèles d’intégration efficients de la voix de l’habitant dans les projets. Quelles formes prend cette nouvelle définition démocratique ? Si ce modèle émerge doucement depuis quelques décennies, l’arrivée du numérique et d’internet propulse ces pratiques vers une nouvelle définition de la citoyenneté en ville.
Les timides commencements de la démocratie participative
Dans l’histoire française de la démocratie participative, les prémices s’installent dans les années 60 en réponse aux luttes urbaines. Dans les villes de banlieue, des dizaines de groupes d’action municipaux (GAM) voient le jour. Symbole de cette nouvelle forme d’organisation politique, Hubert Dubedout remporte les élections municipales de Grenoble en 1965. Après avoir expérimenté de nouvelles formes institutionnelles, et en s’inspirant des initiatives de mouvement social et participatif mis en place suite à la mobilisation sans précédent des habitants du quartier de l’Alma-gare à Roubaix, l’élu sort son rapport en 1983 au sein duquel il déclare que « rien ne se ferait sans la participation active des habitants ».
Dès lors, de nombreuses formes d’encouragement à la participation citoyenne s’institutionnalisent… sans grand succès. Avec plus ou moins de bonne volonté et d’efficacité, les structures politiques se sont organisées autour de comités de quartiers par exemple. Si les habitants font désormais partie des procédures, les processus sont largement critiqués. En effet, les idées citoyennes ne sont que rarement prises en amont des projets. Bien souvent, les institutions consultent sans pour autant que les retours n’aient d’influence sur la finalité des projets.
Si les intentions sont bonnes, les formes initiales de démocratie participative ont longtemps été accusées de créer de faux espoirs chez les habitants, qui, découragés, ont également perdu foi en leur capacité d’action via les politiques.
Les nouvelles formes de démocratie participative
Faute de voix citoyennes, de nombreux projets urbains par exemple, ont été réalisés à contre-courant des attentes des habitants. A plusieurs reprises, des projets de revitalisation de l’espace public ont échoué ne prenant pas en compte les attentes de ceux qui les pratiquent.
Il y a peu, nous partions à la rencontre de l’artiste Thierry Payet, actuellement en résidence à Trappes avec son projet Trappes Epopées. Son objectif ? Rétablir la communication entre les élus et les habitants en récoltant leurs histoires.
Après avoir travaillé à plusieurs reprises aux côtés d’architectes et d’urbanistes, il s’est rendu compte que quelque chose ne fonctionnait pas. Au cours de ses expériences, son intuition le pousse à penser que quelque chose manque dans le processus de construction des villes : les habitants. Si plusieurs formes de démarches participatives ont déjà pu être mises en place dans les projets d’aménagement, pour Thierry Payet, cela ne fonctionne pas ! S’il n’assure pas avoir trouvé LA solution, l’artiste en suggère une.
« Ce qui est important, c’est de demander aux gens ce qu’ils font et pas ce qu’ils voudraient faire. Ce qui est récurrent dans les rencontres, ce sont les promesses déçues de ces personnages, à qui on a demandé ce qu’ils voulaient, sans jamais rien en faire. »
Selon lui, la démocratie participative s’est longtemps réduite à demander aux habitants d’apporter des solutions d’experts à des problématiques de leur quotidien. Pour qu’un sentiment d’appropriation du territoire renaisse, il faut que les habitants participent à nouveau au processus de décision des projets. Pour cela, il s’agit de mettre en place des pratiques participatives durables en exploitant une expertise d’usage construite par les experts. La participation ce n’est pas attendre une solution expertisée de la part des habitants. Une dimension qui était également soulignée dans un rapport du Conseil National des villes publié en 2011. Ce dernier soulignait que certaines politiques menées relèvent nettement du registre de la « manipulation » car les habitants sont considérés « comme incapables d’avoir un point de vue argumenté et réfléchi sur les sujets des politiques publiques. Des démarches infantilisantes ou plus peuvent être observées ».
Le travail et les questions posées par Thierry Payet mettent le doigt sur de véritables thématiques du développement de la démocratie participative. Si le projet est actuellement en cours et que les retombées ne sont pas encore mesurables, cette réflexion souligne de véritables manques dans les processus de démocratie participative actuels : la communication et la médiation.
Le catalyseur numérique : et si la Civic Tech réinventait la démocratie participative ?
Selon l’Ipsos, 54 % des Français estiment qu’il n’y a pas assez de dispositifs de concertation dans leur commune et 72 % des citoyens souhaitent participer davantage aux décisions politiques. Comment répondre alors à cette demande et à ce manque de communication et de médiation ?
De nouveaux rapports doivent être inventés pour harmoniser les attentes. Dans un développement généralisé du retour vers le local, les actions participatives et l’empowerment citoyen prennent de l’ampleur. Dans cette dynamique, la ville participative invente des nouvelles formes d’expressions collectives et démocratiques en marge des actions institutionnelles. Aujourd’hui, l’outil numérique devient médiateur entre des élus et des citoyens trop longtemps déconnectés.
Le numérique parvient à optimiser nos pratiques et nos efforts. On parle de ville intelligente et connectée. Nos applications contribuent à faciliter la rencontre entre l’offre et la demande, à communiquer. En un glissement de doigt sur l’écran, on trouve une place de parking, un covoiturage ou un hébergement. Et si cet outil permettait aujourd’hui de faire se rencontrer les projets institutionnels avec ceux des habitants ? Et si cet outil permettait de renouer le dialogue entre les habitants et leurs élus pour construire une nouvelle expression de la démocratie ? Les Civic Tech, c’est ça !
Grâce aux outils numériques, une multitude d’initiatives visent à rénover le fonctionnement de nos démocraties en assurant une plus grande transparence et une participation accrue des citoyens aux prises de décisions politiques. C’est le projet que des start-up telles que Fluicity veulent défendre. L’application développée permet de rétablir le dialogue entre citoyens et élus. Chacun d’entre eux s’exprime sur les projets, les expériences et les attentes. Ces données permettent de construire une expertise d’usage par l’échange et de l’intégrer aux évolutions d’une ville. L’intermédiaire Fluicity permet lui, par sa transparence, d’installer une transparence dans les rapports et de rénover la confiance entre les acteurs.
D’autres applications, comme Tell My City, permettent aux citoyens de signaler les problèmes ou points positifs relevés dans leur environnement immédiat.
Si les citoyens veulent aujourd’hui se positionner comme acteurs au sein de leur environnement, les élus tendent de plus en plus vers ce modèle de coopération. 70 % des élus ont aujourd’hui fait de l’expression démocratique un objectif de leur mandat. Si les volontés sont là, le développement de la Civic Tech, via le numérique pourrait permettre de catalyser et d’optimiser les efforts de chacun, pour une démocratie participative plus efficiente. Il est évident que l’impact de nos Civic Tech bouleverserait nos rapports politiques et qu’elles aient de grandes chances de parvenir à remettre le citoyen au cœur des processus en réduisant la distance élus citoyens. Cependant, si elles émergent, elles ne sont, pour le moment, pas encore assez visibles pour faire advenir de tels changements.
Il est bien connu que la confiance qui cimente un couple se construit chaque jour sur un temps plus ou moins long. Lorsque l’on sait que l’enjeu actuel des politiques locales et globales est de regagner la confiance des citoyens, seule l’inscription de ces pratiques sur une politique territoriale à long terme, pourra sans doute permettre de concrétiser cet objectif. De la démocratie participative locale ponctuelle, irons-nous un jour vers une démocratie participative permanente ?