La démobilité : travailler le mouvement
La mobilité. Voici un thème omniprésent dans notre société. Que ce soit pour ses loisirs, pour ses obligations quotidiennes ou plus généralement pour son travail, l’homo mobilis du XXIème siècle est un homme nomade. Mais la mobilité, qui est à l’origine une notion qui peut faire rêver par son assimilation à la liberté, est aujourd’hui ressentie comme une contrainte, un moment que les travailleurs mobiles subissent au quotidien. Le fameux « métro, boulot, dodo » synonyme d’ennui décrit depuis des années nos déplacements pendulaires. Et le mouvement n’est pas prêt de s’arrêter avec le développement des travailleurs mobiles, de plus en plus nombreux. Quel est l’avenir de cette mobilité pendulaire ? Comment envisager de travailler le mouvement ?
Un transport subi
Au quotidien, ces temps de trajets nous transportent d’un point A à un point B, du domicile au travail, du travail au centre commercial, à la salle de sport, à l’école, etc. Mais ils nous transportent également dans un temps de vie à part entière. Ce moment peut être vécu de différentes façons, mais il reste indéniable qu’au quotidien, de nombreux individus subissent ce temps de transport. Ces individus sont pour la plupart des travailleurs mobiles, des personnes qui habitent la ville et qui la parcourent plusieurs fois par jour.
Aujourd’hui en France, plus de ¾ des salariés quittent leur territoire de résidence pour aller travailler. Les cadres sont la catégorie la plus mobile. Cette mobilité plus forte par rapport aux autres catégories socioprofessionnelles est particulièrement marquée pour ceux qui résident dans les plus grandes aires urbaines.
L’un des plus grands défis de toute ville est alors de parvenir à maîtriser ces déplacements quotidiens d’actifs afin de fluidifier la mobilité dans sa généralité. Ces temps de transports sont devenus des temps de vie à part entière. Un changement de paradigme qui modifie considérablement le rapport de l’homme au transport, ayant pour conséquence une transformation formelle de l’espace urbain, ainsi qu’une transformation des comportements urbains.
Aujourd’hui, nous affirmons que la mobilité s’est tellement développée qu’elle tend à congestionner nos villes. La manière dont on vit la mobilité aujourd’hui nous amène à repenser les espaces dans lesquels on la pratique. La ville de demain doit accompagner le courant de la vie en mouvement. Un défi que le designer est prêt à relever.
Design et mobilité
Pour le designer, il est difficile de cerner la place de la création dans un domaine où tout est en perpétuel mouvement. La stabilité est rassurante. Elle nous permet d’envisager l’avenir à partir de bases construites qui ne bougeront pas. Lorsque tout n’est destiné qu’à être éphémère, toute la difficulté de la création se trouve dans la capacité à pouvoir anticiper. La seule chose que nous pouvons prévoir c’est que cela va changer. Mais le changement ne doit pas être perçu négativement, car il permet d’évoluer. Ainsi le designer doit se montrer capable d’anticiper les changements et de cerner les potentiels obstacles aux évolutions de demain. En ce sens, la mobilité est un champ d’opportunités pour les concepteurs de demain puisque c’est un domaine où les paradigmes qui sont vrais aujourd’hui ne le seront sans doute plus dans le futur. Un domaine où le changement est en mouvement permanent.
Travailler le mouvement
Travailler le mouvement, c’est donc le défi que s’est lancé Florentina Carrier, étudiante en deuxième année de cycle master Ville Durable à L’École de design Nantes Atlantique, pour son Projet de Fin d’Études. Diminuer les déplacements pénibles tout en cherchant à accompagner les aspirations croissantes à la mobilité : voilà le point de départ choisi par Florentina. Et pour Florentina, certaines grandes villes comme Nantes possèdent un atout de taille encore trop peu exploité : leurs voies navigables. Elle a ainsi proposé le Flo’w, un espace de travail mobile pour optimiser les déplacements au quotidien qui prendrait la forme d’un bateau. Il s’agit de saisir les opportunités qu’offre la lenteur des voies fluviales pour développer le travail nomade et flexible. Le Flo’w constitue ainsi une réponse à la problématique de décongestion des voies urbaines. Il comporterait des espaces de coworking mobiles, des espaces à louer pour les sans bureaux fixes, une salle de séminaire à disposition des entreprises. En somme, il pourrait être un outil pour accompagner la flexibilité des travailleurs urbains. Avec cette solution, Florentina permet d’envisager une solution qui ne serait pas du côté de la vitesse, comme on a tendance à le faire, mais plutôt en faveur de la lenteur et de la qualité de vie.
Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique.