Démétropolisation, une hypocrisie française ?
Alors que certains parlent d’exode urbain, ou de réduction volontaire de la taille des villes pour mieux affronter les défis climatiques, une table ronde à Sciences Po s’est penchée sur l’hypocrisie de la démétropolisation. Quelles seront les géographies pratiques, désirables et soutenables d’ici 2050 ?
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L’aménagement en prime time
X (anciennement Twitter) est en fusion. Il est 22h et le hashtag #legranddébat est en tête des tendances. Ce qui ne devait être qu’un simple débat télévisé entre deux candidats aux municipales de Paris s’est transformé en formidable joute verbale autour de l’aménagement urbain et la métropolisation. Tout a commencé lorsque le candidat autonomiste a déclaré son objectif de réduire la population parisienne de moitié. Le chiffre phare de son programme n’ayant jamais été révélé, il a eu l’effet d’une déflagration. Entre éclats de rire, balbutiements, crise de colère, ses adversaires se sont tous lancés à corps perdus dans des argumentaires passionnés sur l’autonomie alimentaire, le modèle économique ou la souveraineté industrielle du Grand Paris. C’est comme si, pendant quelques minutes, les éléments de langage, les postures et les égos avaient disparu. De mémoire de téléspectateur, on n’avait jamais vu ça.
Scénario possible ou récit de science-fiction ? Analyse.
Métropole subie ou choisie ?
Les 18 et 19 janvier, la “start-up d’urbanisme” Villes Vivantes a voulu battre en brèche l’idée d’un exode urbain, très médiatisée pendant la pandémie (contestée depuis par l’étude du Popsu « Exode urbain : un mythe, des réalités »). Elle a rassemblé pour cela différents experts de la métropolisation et de l’industrialisation. Xavier Timbeau, directeur de l’OFCE, a rappelé que l’urbanisation est un très vieux phénomène, aussi vieux que la révolution néolithique pourrait-on dire. La métropolisation reste une tendance forte en France et dans le reste du monde, dans la mesure où elle fait rimer bassin d’emploi et offre de logement.
Elle est un lieu d’expérimentation et de solution majeur pour les défis environnementaux.
Dans l’ombre de la question de l’emploi, Magali Talandier de l’université Grenoble Alpes a présenté ce qu’elle appelle l’économie ordinaire des métropoles. Un sujet peu documenté alors qu’il représente 45% des emplois salariés en métropole et participe du phénomène de métropolisation. Encore moins visibles que les “premiers de cordée” applaudis à 20h tous les soirs de confinement, ce sont tous les métiers de sous-traitance centrés sur la disponibilité et la mobilité des travailleurs, du nettoyage à la logistique en passant par la sécurité. Pour la chercheure, ces gens au service de l’économie métropolitaine n’y trouvent pas leur place, notamment faute de politique publique à leur égard.
Mini-métropoles ou maxi-village ?
Enfin, deux derniers intervenants se sont intéressés aux questions de (ré)industrialisation. La chercheure Anaïs Voy-Gillis et l’ancien ministre de l’économie Arnaud Montebourg ont tous les deux rappelé le regain d’intérêt actuel pour l’industrie dans de nombreux pays, notamment pour la souveraineté économique qu’elle offre. Ils ont rapidement convergé vers les questions d’aménagement du territoire et de planification. « Il faut relancer la Datar » a conclu le promoteur du Made in France. Malheureusement, pas de candidat à la décroissance autour de la table. Dans son livre “Pour en finir avec les grandes villes” paru en 2020, le géographe Guillaume Faburel expliquait en quoi les modes de vie métropolitains étaient des “carnages écologiques”. En croisant les données, il estimait qu’au-delà du seuil de 30 000 habitants, une ville n’était plus soutenable, notamment sur la question de l’alimentation.