Sécurité et dignité pour les manutentionnaires
La manutention industrielle est le 1er pôle d’accident du travail en entreprise. En 2020, ce secteur avait généré non moins de 3421 accidents du travail en France ! Pourtant la manutention demeure le 5e fournisseur d’emplois dans l’hexagone. Face à cet environnement dangereux et à la pénibilité du travail humain générée par cet écosystème, un jeune designer a réfléchi : comment améliorer le confort des caristes et la cohabitation homme-machine ? Comment encourager l’émergence d’une industrie plus raisonnée et plus humaine ? Zoom sur trois outils qui révolutionnent le monde de la manutention industrielle !
Together : le chariot élévateur agile
Un poste de travail peu conçu pour l’humain
Aujourd’hui, la logistique industrielle fonctionne grâce à l’emploi de nombreux travailleurs intérimaires et temporaires (parfois à la semaine). Ces caristes manient des chariots élévateurs parfois complexes et dangereux. De plus, les travailleurs intérimaires doivent faire preuve d’agilité et d’adaptabilité, car ils changent régulièrement d’entreprise et intègrent de nouveaux environnements.
Le chariot élévateur est considéré comme étant le poste de travail du cariste. Cet engin a été élaboré comme un outil de travail permettant de maximiser la productivité sans prendre en compte l’humain, élément moteur du dispositif.
Une interface personnalisable génératrice de bien-être au travail
Clément Esnault, étudiant en design à l’École de design Nantes Atlantique a conçu une interface numérique personnalisable selon les besoins propres à chaque cariste. Ses terrains d’observation ? Essity et Manitou Group qui l’ont accueilli lors de ses phases d’immersions dans le vif du sujet.
Par exemple, un nouvel employé qui se perd un peu dans les entrepôts va privilégier l’interface principale qui dispose d’une aide à la conduite, sorte de « Waze » du pôle de stockage.
Une personne plus expérimentée va choisir l’interface « commande » qui affiche l’ensemble des tâches à réaliser. L’interface facilite également les échanges : échange entre travailleurs, dialogues avec les managers, grâce à une fonction « Chat ». La communication opère en direct et en temps réel, ce qui améliore l’efficacité de chacun.
De plus, l’interface intègre des fonctionnalités complémentaires telles qu’un traducteur automatique qui simplifie les échange avec les routiers étrangers. Un joystick active, quant à lui, toutes les fonctionnalités hydrauliques d’un chariot élévateur soit tous les mouvements du mât de chargement. Aujourd’hui, la plupart des chariots élévateurs disposent d’un bouton pour chaque mouvement, ce qui complexifie grandement la tâche des caristes.
360° seat : des postes de travail ergonomiques
De manière générale, les chariots élévateurs ont été créés autour d’un châssis intégrant une volumineuse batterie de plomb. Celle-ci représente une grande partie du volume du chariot. Le poste de travail a été contraint de s’adapter au peu de volume restant. Néanmoins, avec l’arrivée sur le marché des batteries lithium, plus légères, on peut désormais repenser l’architecture de ces chariots élévateurs.
Confort rudimentaire, lourdeur de l’engin, marches arrière (30 à 40 % des trajets) obligeant le cariste à adopter de mauvaises postures corporelles… Au vu de ces constats, le designer a imaginé un chariot élévateur plus flexible et plus adapté contenant :
- 1 siège rotatif ;
- 2 positions de sièges : l’une pour la conduite et l’autre pour la manutention ;
- 1 aide à la stabilité de la charge à l’arrière ;
Selon le responsable de projet BE : « La solution de deux postes, conduite et manutention, est l’idéal pour le confort du cariste ». Un travailleur interrogé confirme que : « Le siège pivotant peut réduire grandement les problèmes de dos ».
Longlife : réemploi et limitation des pièces
Les outils de manutention, tout particulièrement les chariots élévateurs, ont une utilisation de 1 700 à 2000 heures/an, raison pour laquelle leur durée de vie se situe entre 36 et 60 mois, soit 5 ans maximum. Pour des raisons de sécurité, il existe très peu d’engins de ce type de seconde main.
Clément Esnault a souhaité trouver un système qui :
- augmente la durée de vie des outils de manutention ;
- favoriser le réemploi ;
- simplifie la maintenance.
Il a élaboré un modèle astucieux et prometteur qui permet 4 utilisations du même chariot élévateur. Plateforme indépendante, châssis batterie, ensemble moteur-roues : tout est pensé pour intégrer le modèle économique circulaire ! À la clé : réemploi, prise en compte du facteur environnemental et réduction des coûts de fabrication.
Le positionnement du designer s’articule autour de 3 axes
forts : en reconnaissant les besoins des travailleurs et en améliorant leurs conditions de travail, il met l’accent sur la notion de dignité au travail. En favorisant une industrie plus raisonnée et alternative à la production de masse, il fait référence à un schéma économique plus juste. En créant un produit intrinsèquement lié aux enjeux écologiques, il s’engage dans une démarche assumée d’éco-conception. Ce projet global fournit des réponses pertinentes pour repenser les conditions du métier de manutentionnaire-cariste, au rôle clé dans notre modèle économique.