Un programme pour revitaliser les friches: Le réveil des géants endormis
En plein essor des projets d’occupation temporaire, de création de tiers-lieux éphémères et en lien direct avec les objectifs du ZAN, les friches sont plus que jamais sur le devant de la scène urbaine. Englobant une grande diversité d’enjeux de transition, de sobriété, mais aussi de créativité, de mémoire et de culture, le programme Urbact “2nd chance : waking up the sleeping giants” entend bien réactiver les espaces délaissés d’Italie, de Croatie, d’Allemagne et de France !
De nombreuses définitions qualifient la friche, selon sa fonction, ancienne ou actuelle, selon sa position géographique, en milieu urbain ou rural, ou encore selon son état, sauvage ou délaissé. Le dictionnaire Larousse la définit comme un “terrain dépourvu de culture et abandonné”. L’INSEE, quant à lui, propose de la délimiter, au sens statistique, à “un espace bâti ou non, anciennement utilisé pour des activités industrielles, commerciales ou autres, abandonné depuis plus de 2 ans et de plus de 2 000 m²“. Dans le glossaire de Géoconfluences, enfin, il s’agit de “terrains qui ont perdu leur fonction, leur vocation, qu’elle soit initiale ou non : friche urbaine, friche industrielle, friche commerciale, friche agricole”.
Des caractéristiques peu flatteuses pour des espaces qui peuvent ne pas paraître utiles, ou en tout cas inutilisés. Pourtant, ces derniers sont aujourd’hui le sujet de nombreux débats, réflexions et actions dans les secteurs de la promotion immobilière, de la construction, du service public ou encore de la maîtrise d’usage. La friche est au cœur des préoccupations et représente une opportunité, de plus en plus rare, pour répondre à des défis divers et variés, de la crise du logement et de l’immobilier jusqu’à l’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette).
Évoqué précédemment, le glossaire de Géoconfluences précise que “la situation n’a pas de caractère irréversible : la friche peut être réaffectée à une activité comparable ou être réaffectée à une autre activité […]. Il s’agit donc souvent d’un temps d’attente, d’une situation transitoire entre un usage et un autre, avant la reconversion”. Et c’est bien cette situation transitoire, cette capacité d’évoluer et de se transformer qui permet de passer d’un état d’abandon à un nouveau lieu de vie, qui intéresse tant les professionnels de la fabrique urbaine. Avec une reconversion, cependant, qui peut s’avérer lente et complexe, suivant la maîtrise du foncier concerné, le taux de pollution des sols ou encore l’acceptabilité du changement par une population.
Pour accompagner durablement et efficacement ces projets, le gouvernement français développe, depuis quelques années, des outils et politiques publiques en faveur de la réutilisation des friches. Le dernier en date est un dispositif expérimental mis en place pour 3 ans, instauré en 2021 par la loi Climat et Résilience : le certificat de projet dédié aux friches. Établi par le préfet à destination de potentiels porteurs de projet, le CP friches concerne, selon le code de l’urbanisme, “tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables”.
Les friches à l’échelle européenne avec le programme de développement urbain durable Urbact
Dans une démarche plus globale, c’est le programme Urbact qui s’est récemment lancé dans une mission de revitalisation urbaine centrée sur les reconversions de friches. Initié en 2002, et financé en partie par le FEDER, Urbact est un programme de coopération territoriale visant à promouvoir les échanges de savoirs, de bonnes pratiques, d’expériences et d’innovations entre villes européennes. Depuis 20 ans maintenant, les 27 États membres de l’Union européenne, ainsi que la Norvège et la Suisse, ont l’opportunité de rejoindre les différents projets Urbact et de s’investir dans des thématiques liées à leur développement urbain. Le programme s’est structuré autour de 4 phases majeures au cours desquelles les participants ont pu expérimenter et travailler sur des enjeux liés à la participation citoyenne, la croissance économique et l’accès à l’emploi ou encore les pratiques urbaines durables et intégrées.
C’est pendant la troisième phase du programme, nommée Urbact III, que se sont développés un nouveau réseau et un plan d’action portant sur la réactivation de bâtiments vacants et sites abandonnés : 2nd chance, waking up the sleeping giants. En se focalisant sur le devenir d’anciennes friches industrielles, l’objectif du programme est de valoriser l’héritage et la mémoire architecturale, humaine et collective de 11 villes européennes. Dans une approche participative, le programme est également pensé pour intégrer et impliquer concrètement les habitants et acteurs locaux à chaque projet afin de recréer des formes de cohésion sociale et de favoriser l’intérêt général.
Une démarche qui promeut les liens entre passé, présent et futur, qui engendre des synergies, des dialogues entre les institutions, les experts et les citoyens et qui prône le développement urbain durable. De Bruxelles à Dubrovnik en passant par Chemnitz et Porto, des retours d’expérience, des outils et des innovations sont partagés pour accompagner les territoires vers des pratiques plus responsables et collaboratives.
L’heureuse élue française : la presqu’île de Caen
En pleine reconquête urbaine de sa presqu’île, la municipalité caennaise a rejoint le réseau Urbact et le programme “2nd chance : waking the sleeping giants” à travers la reconversion de ses deux sites emblématiques : le tunnel et les tonneaux. Pour réveiller ces géants endormis, symboles d’un patrimoine industriel, d’un paysage portuaire et d’un lieu en transition, le groupe local Urbact mobilise, depuis 2016, près d’une vingtaine de partenaires. Habitants, universitaires, associations, propriétaires fonciers, experts de la fabrique urbaine s’engagent ainsi, sur le terrain, pour faire faire de ces espaces délaissés de futurs centres urbains attractifs et vivants.
Le premier site, nommé le tunnel, s’étalant sur une surface de près de 1 200 m2, sera dédié à la création artistique et culturelle. Il devrait permettre la construction de lieux de travail partagés et pluridisciplinaires, en partie ouverts au public lors d’expositions ou représentations, s’insérant en lien avec les besoins de la ville de Caen d’héberger des fabriques artistiques. Le deuxième, nommé les tonneaux, s’étalant sur une surface de près de 1 400 m2, devrait quant à lui accueillir un espace de production alimentaire urbaine, de circularité et de pédagogie, et se transformer en un véritable liant entre la ville et la nature.
Des thématiques centrées sur l’art, la culture, l’ESS et l’agriculture urbaine qui rythment le devenir de ces friches et proposent de nouvelles manières de (re)construire la ville. En mêlant l’action locale à un programme de coopération européen, la ville de Caen assure l’émergence d’innovations urbaines, architecturales, paysagères mais aussi sociales et d’usage et favorise le développement durable de son territoire.