RER métropolitains – Retour vers le futur ?
2035 – Cela fait deux ans que la première ligne des « RER Macron » a été inaugurée à Bordeaux et la métropole bombe le torse devant les bons chiffres. La part modale d’automobilistes dans la région a diminué de manière sensible. Son succès est d’autant plus criant qu’en parallèle, le calendrier de lancement du RER de la région PACA reliant Marseille, Toulon et Nice ne cesse de prendre du retard. Ce bilan contrasté reflète assez bien ce qu’est devenue la promesse d’Emmanuel Macron, lancée un peu à la volée fin 2022 sur Youtube. Faute de portage politique suffisant de l’État, les dix réseaux express métropolitains sont à des stades assez différents d’avancement, certains ayant déjà leur rythme de croisière et d’autres étant enlisés dans des dépassements de budgets et des blocages institutionnels.
Pourquoi c’est un sujet ? Pour les franciliens, le RER est une évidence. Tant dans son existence que dans sa définition. Ce réseau de trains express régional existe depuis les années 1970 et transporte chaque jour presque 3 millions de personnes. Il forme les artères de l’Île de France et façonne le visage de la métropole, ses pôles d’activités et ses rases campagnes. Mais depuis des années, des collectifs de militants qui dénoncent le règne du tout-voiture réclament un réseau dans leur ville. Il est donc logique que la déclaration un peu légère du président – sans calendrier, ni budget – ait été attrapée au vol par nombre d’élus, de spécialistes et de citoyens.
L’idée centrale du RER métropolitain est un réseau de mobilité – pas forcément ferroviaire – qui assure les déplacements au sein de la métropole de manière régulière au cours de la journée. Il ne s’agit donc pas de TER qui passent deux fois par jour, mais d’un passage au moins toutes les demi-heures, heures creuses comprises. C’est ce qu’on appelle le cadencement. De cette manière, les utilisateurs savent qu’ils peuvent organiser leur journée sans trop se soucier des horaires de départ. Ce cadencement augmente en règle générale l’attractivité et la fréquentation des lignes. C’est donc un enjeu central si l’on veut réduire la dépendance à la voiture dans les grandes métropoles.
Un sens du timing
Quelques semaines avant la vidéo foire aux questions sur l’écologie d’Emmanuel Macron, une tribune publiée dans le Monde lançait un appel à un “new deal ferroviaire”. Les présidents de 15 régions françaises déclaraient que « le développement équilibré de nos grands ensembles urbains, qui sont nos moteurs économiques, aujourd’hui congestionnés par le trafic automobile, appelle la réalisation de “RER métropolitains”. » Les mêmes ont donc profité du moment pour réaffirmer leur intérêt. Parmi eux, certains avaient déjà lancé des études préliminaires.
L’opportunité est là. Selon les experts, la France a une quinzaine d’années de retard sur le sujet. Des réseaux respectables existent en Allemagne, en Belgique ou en Espagne. Au moment où le parc automobile français doit s’électrifier et où les zones à faible émission (ZFE) doivent entrer en vigueur, la question des transports métropolitains semble critique. Sauf qu’au-delà des villes candidates, des budgets et des tracés, de très nombreuses inconnues persistent.
Le tunnel de la dette
D’abord, faire construire un réseau de trains souterrains est extrêmement coûteux, c’est une solution très capacitaire qui concerne les métropoles les plus importantes. D’autres villes pourraient se retrancher sur les tramway ou les Bustram (un réseau de bus à haut niveau de service, circulant sur des voies réservées, prévu pour 2025 à Montpellier), beaucoup moins onéreux à mettre en place et plus circonstanciés. C’est en partie le message du géographe, Guy Burgel.
Dans une tribune, il dénonce l’emballement politique autour du sujet et clame que « le RER n’est pas la panacée de la mobilité urbaine ». Pour lui, « les villes ont des tailles, des topographies, des héritages, qui en font des cas uniques, aux expériences difficilement transposables ». Le modèle unique est donc à proscrire, pour favoriser les spécificités territoriales. Par ailleurs, en matière d’infrastructure, il défend une forme de sobriété : les élus « seraient souvent mieux inspirés, en matière de transport comme pour la ville entière, de réhabiliter et de moderniser l’existant, que de lancer à grands frais les travaux du siècle ». C’est vrai que l’annonce de RER métropolitains semble s’accommoder bien vite des retards et dépassements de budget du projet de Grand Paris Express. Ou même des difficultés de financement du RER francilien.
Une autre problématique a été soulevée par le maire de Toulouse : le RER augmenterait l’étalement urbain. Il peut aussi permettre la densification, selon son tracé. La mise en place du ZAN (Zero Artificialisation Nette) devrait donner du grain à moudre sur le sujet.
Portage politique
Aussi, le sujet de la billetterie pourrait sembler secondaire, il ne l’est pas. Pour parvenir à créer de l’intermodalité et ainsi remplacer la voiture, l’idéal est un système de billetterie unique permettant, avec un même ticket, de prendre les autres modes de transports à disposition. Selon les cas de figure, cela implique d’associer différents acteurs et strates institutionnelles existant sur le territoire, ce qui n’est pas toujours chose facile. Cela met en lumière l’importance du portage politique fort, qui permet au-delà des fonds, de réunir les acteurs. Justement, l’urbaniste Tristan Buteau plaide pour un même nom dans toutes les villes, à la manière du S-Bahn allemand, afin de mieux identifier les réseaux.
Très attendu, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures va sûrement aiguiller les décisions à venir, notamment concernant les investissements. En découlera la nouvelle trajectoire d’investissement dans les transports, qui sera annoncée d’ici l’été par le gouvernement. Mais souvenons-nous, il y a quatre ans, la ministre des transports Elizabeth Borne rétropédalait sur plusieurs points (vignette poids lourd et péage urbain) de la loi LOM à cause du mouvement des Gilets Jaunes. La tension sociale sur la réforme des retraites pourrait répéter les choses.