Faut-il peindre les rues pour réduire les accidents de la route ?
Aux États-Unis, un programme de recherche porté par Bloomberg Philanthropies finance de grandes fresques colorées peintes sur des intersections dangereuses. Plus de 40 projets ont été menés à travers le monde, qui semblent avoir des effets positifs sur la vitesse des automobilistes et la fréquence des accidents. De quoi donner des idées aux collectivités pour des villes plus colorées mais aussi plus sûres ?
Et si le street-art pouvait sauver des vies ? De nombreuses villes à travers le monde adoptent l’art comme une stratégie efficace et relativement peu coûteuse de revitaliser l’espace public. Mais en plus de colorer la ville et d’apporter de nombreux avantages : améliorer l’esthétique de quartiers défavorisés ou dégradés en créant des espaces plus attrayants pour les résidents et les visiteurs, contribuer à la revitalisation économique d’un quartier en attirant les touristes et les commerces, créer un sentiment de communauté en impliquant les résidents dans la création d’œuvres d’art et enfin sensibiliser les gens à des causes sociales ou environnementales.
Mais en parallèle de ces bénéfices, le fait de peindre les rues pourrait aussi s’avérer utile en matière de sécurité routière. C’est en tout cas les conclusions du programme de recherche Asphalt Art Initiative porté aux États-Unis et en Europe par l’organisme Bloomberg Philanthropies, un organisme fondé par l’ancien maire de New-York, Michael Bloomberg.
Ce programme inédit dans le monde se concentre sur ce que l’organisme appelle “l’art asphalté” : c’est-à-dire des interventions d’artistes directement sur les routes et les espaces piétons, et plus particulièrement au niveau des intersections jugées dangereuses et des passages pour piétons ainsi qu’au niveau des trottoirs et des places piétonnes. L’idée, ici, est de faire appel à des collectifs d’artistes mais aussi de collaborer avec les municipalités et les habitants dans le but de créer des fresques colorées qui permettraient de revitaliser certaines zones urbaines, mais aussi de repenser la façon dont nous concevons le partage de la route et la signalétique.
Les deux premières séries de ce programme ont soutenu 42 projets dans des villes américaines et 3 projets pilotes en Europe, installés de 2020 à 2022. Une troisième série de subventions a été annoncée en octobre 2022 pour des projets dans 19 villes européennes, qui seront mis en place en 2023 : Bruxelles, Zagreb, Helsinki, Rome où Madrid en bénéficieront notamment.
Aucun projet n’est encore prévu en France à ce stade. Mais cela pourrait peut-être changer à l’avenir, alors que la question de la place de la voiture en ville agite le débat public. D’autant que ces programmes de street-art semblent avoir une incidence sur la réduction des accidents impliquant les automobilistes et les autres usagers de la ville.
Peindre les rues pour réduire la vitesse des automobilistes en ville
Quel est le rapport entre ces fresques peintes sur les routes et la sécurité routière ? Eh bien une étude menée par Bloomberg Philanthropies sur les statistiques des incidents dans 22 sites où le revêtement a été décoré démontre que les accidents impliquant des piétons et d’autres usagers de la route vulnérables avaient été réduits de moitié depuis la mise en place des fresques. De manière plus globale, les auteurs de l’étude ont enregistré une baisse de 17% des incidents de la route.
Dans de nombreux cas, cette baisse de l’accidentalité est à mettre en parallèle avec une forte réduction de la vitesse des automobilistes, qui ralentissent à l’approche de ces fresques et peintures. Par exemple, à Kansas City, dans le Missouri, la refonte d’une intersection historiquement dangereuse a permis d’abaisser la vitesse moyenne de la circulation de 45% (soit une baisse de 18 km/h).
“Ce type d’informations donne aux maires, aux membres de la communauté et aux décideurs nationaux les preuves nécessaires pour montrer que, non-seulement ces projets ne feront pas de mal, mais qu’ils empêchent en fait de nuire en premier lieu” commente Janette Sadik-Khan, directrice des transports chez Bloomberg.
Ces aménagements n’impactent d’ailleurs pas que les automobilistes et ont également des répercussions sur le comportement des piétons. Car, dans de nombreux cas, les fresques peintes aux intersections permettent de mettre en évidence les passages piétons où les pistes cyclables, ainsi que les virages dangereux. Des repères visuels qui incitent à ne pas traverser hors des clous ? D’après les données récoltées par la fondation, cela semble être le cas puisque la proportion de piétons qui traversent en dehors des passages cloutés à ces intersections colorées a également diminué, en moyenne, de 38%.
Une initiative complémentaire au passage des villes à 30 km/h ?
Cette initiative n’est pas sans rappeler un autre phénomène similaire qui a émergé dans certaines villes ces dernières années, à savoir la pratique du Nudge, une technique qui vise à orienter les choix des usagers en douceur, et dont les exemples sont aussi relatifs à l’usage de l’art : des passages piétons peints en reliefs pour inciter les automobilistes à ralentir où des escaliers peints en forme de piano pour inciter les piétons à la marche.
C’est également un phénomène à mettre en parallèle avec la baisse généralisée de la vitesse à 30km/h en ville. D’après les chiffres de la sécurité routière, un piéton a 20% de chance de survivre à une collision avec une voiture qui roule à 50km/h alors qu’il a 80% de chance de survivre à un choc à 30 km/h. En France, de nombreuses métropoles (Grenoble, Lille, Nantes, Paris, pour ne citer qu’elles) ont donc décidé ce changement ces dernières années.
Des mesures qui ont eu un fort écho médiatique mais qui ne sont pas complètement suivies dans les faits. Alors, peut-être que le coupler avec du street-art pourrait être une bonne alternative pour obtenir des progrès considérables ?
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