L’ingénierie environnementale « représente les usagers de demain »
L’ingénierie environnementale appliquée aux projets urbains et architecturaux, avec les enjeux qu’elle concentre, tend aujourd’hui à imprégner de manière transversale différents corps de métiers. Nous décryptons son évolution au sein de la fabrique urbaine, de son intégration dans les formations universitaires jusqu’à sa mise en œuvre lors de projets urbains.
Gestion des eaux pluviales, efficience énergétique, confort thermique… l’ingénierie environnementale place la science au cœur des projets architecturaux et urbains. Outre la conception technique du bâti par les architectes, lors de la conception des divers projets, les enjeux environnementaux et de société poussent les acteurs de la fabrique urbaine à aborder de façon plus transversale la science de la construction. Ce secteur, et celui du BTP plus généralement, est en effet l’un des plus énergivores et consommateur de matières premières en France et dans le monde, avec le béton comme principal responsable des ravages écologiques. Des réflexions globales doivent donc être menées lors de la conception de projets urbains
A ce titre, et pour obéir aux besoins de constructions nouvelles, la démarche scientifique derrière chaque projet doit être affinée de sorte à respecter l’environnement d’une part, lors de la construction desdits projet et lors de l’exploitation du bâtiment. En parallèle, le confort des usagers est également un enjeu majeur de l’architecture et de l’urbanisme. Pour ces aspects, de nombreux prix et distinctions sont attribués chaque année aux projets urbains et architecturaux qui promettent d’être les plus vertueux.
De la qualité d’usage à la qualité environnementale
Dans ce cadre, c’est bel et bien l’ingénierie qui sera une actrice principale de la conception des projets, et de leur éventuelle vertu environnementale et sociale. « On représente les usagers de demain, et la planète », assure Florian Dupont, fondateur du bureau d’études techniques Zefco. A mesure que l’écologie prend davantage de place dans les enjeux architecturaux et urbains, les dimensions environnementales prennent elles aussi plus d’ampleur dans les bureaux d’études, ne limitant plus la discipline à l’unique confort usager. « Ces notions liées à l’environnement à la gestion des ressources vont être essentielles », estime Florian Dupont, qui n’hésite pas à parler même « d’ingénierie de l’efficience » ou encore « d’ingénierie de la sobriété ». Pour lui il n’y a pas de doute, ces questions seront prochainement au centre des réflexions de la fabrique de la ville, ce qui était jusqu’à présent peu concrétisé, remarque l’ingénieur.
Un secteur clé dans les projets urbains
L’ingénierie environnementale a d’ailleurs pris une telle envergure dans l’élaboration des projets urbains que sa mise en application intervient dès le début des conceptions. L’expertise des bureaux d’études est en effet nécessaire pour présenter les ambitions des projets lors des éventuels concours et autres demandes de labels environnementaux et / ou sociaux. Mais la concrétisation de cette implication se fait sur le temps long. Un constat approuvé par Florian Dupont, qui fête fin 2022 la première livraison de projet de Zefco, alors que le bureau d’études existe depuis 5 ans.
Parce que la construction du béton est ultra nocive pour l’environnement, l’usage raisonné et adapté des matériaux est aussi une préoccupation de premier ordre de l’ingénierie environnementale. Pour Florian Dupont par exemple, l’usage des matériaux biosourcés, c’est-à-dire issus de matières végétales, peut être tout à fait pertinent, à condition de bien comprendre la façon dont ils agissent. L’idée n’est pas simplement de montrer que ces matériaux sont utilisés par simple acquis de conscience, mais de les utiliser de la meilleure façon possible.
L’ingénierie environnementale apporte aussi sa marque sur le temps long de l’exploitation des bâtiments. Une réflexion par exemple sur les mobilités autour des projets est également effectuée. « On essaie d’être à la hauteur des enjeux de la chaîne de mobilité », explique l’ingénieur, conscient que l’un des objectifs est de réduire au maximum l’usage des mobilités polluantes. « Quand on livre un bâtiment aujourd’hui, le local vélo doit avoir une capacité telle que si tous les occupants du bâtiment l’utilisent, le local puisse n’être plein qu’aux trois quarts », explique-t-il, insistant sur la nécessité d’inciter les futurs utilisateurs à exploiter les mobilités douces.
Des recrutements difficiles
Pour l’ingénieur, la discipline peine cependant à recruter de jeunes professionnels. Selon lui, « peu de formations spécialisées » permettent aux jeunes d’acquérir les connaissances nécessaires à la fois aux expertises de l’architecte et de celles des ingénieurs. Cette double casquette étant principalement le critère de sélection des candidats, ce qui réduit souvent le nombre de potentielles embauches.
En revanche, les écoles et universités accueillent régulièrement des étudiants qui se redirigent après des premières études en ingénierie, avant de se rediriger vers les filières spécialisées dans des études urbaines et d’architecture, ce qui leur permet d’obtenir la double compétence tant recherchée par les bureaux d’études… et par les impératifs de la fabrique urbaine.