Demain la ville dans le rétro ! Marcher dans le bon sens

Devant la gare de Valence - Olivier Razemon
22 Déc 2022 | Lecture 2 min

« L’âge de l’automobile et de l’étalement urbain est derrière nous. Les métropoles l’ont bien compris, et mettent tout en œuvre pour créer de nouvelles proximités. Bienvenue dans l’ère des villes « marchables ». » 

Il y a 10 ans, nous annoncions – avec l’aplomb des optimistes – la fin de la voiture et le retour de la marche. Car la tendance était là, bien palpable. Le règne absolu de la voiture était déjà contesté : on parlait de pollution atmosphérique, de problèmes d’obésité et d’accaparement de l’espace public. La marche ressemblait à un levier magique pour adresser ces sujets, mais aussi redonner aux centres villes une urbanité, une ambiance désirable. Le poncif « no parking, no business » qui laissait entendre que sans accès aux voitures un commerce mettait la clé sous la porte, avait été battu en brèche. Des études avaient démontré qu’au contraire, plus une zone est marchande, mieux le petit commerce de proximité se porte. Partout des métropoles mondiales aux petites villes de campagne, on parlait de redonner la place à la marche et au piéton.

Travail de dentelle 

Pour autant, pas de grande révolution. Les transformations tardent car le territoire est lent à changer. À Paris, probablement une des villes les plus adaptées à la marche dans le monde, 50% des déplacements se font déjà à pied, 34% en transports en commun et quelque 3% en vélo. Chose étonnante, la voirie accorde 50% aux véhicules motorisés, alors que seuls 13% des déplacements des parisiens se font en véhicule motorisé et 35% d’entre eux ont un véhicule. Les nouvelles transformations de la capitale tentent de rééquilibrer cette répartition de l’espace public. 

La mairie doit donc faire des arbitrages pour réduire l’espace motorisé, apaiser certains carrefours puis mettre en place des aménagements de qualité pour les autres usagers. Un travail de dentelle qui s’illustre bien dans la récente annonce de réforme du stationnement. Près de 200 hectares de places de parking en surface peuvent être transformés à l’échelle de Paris pour les rendre à d’autres usages : bancs, jeux d’enfants, poubelles ou même arbres. Cette amélioration des espaces publics bénéficie globalement à la marche, mais elle se distingue d’approches plus spécifiques ou sectorielles. 

Espace public piétonnisé - PxHere

Espace public piétonnisé – PxHere

L’écosystème qui s’ignore

Ainsi on peut s’intéresser à la marche par l’angle de la sécurité, en mettant la loupe sur le ressenti du marcheur dans la ville. L’éclairage, la lisibilité d’un environnement, l’entretien du mobilier contribueront ainsi à une impression générale de sécurité qui encourageront à se déplacer à pied. Ce thème recoupe souvent une approche genrée de l’espace urbain. En effet, les femmes sont les premières à ressentir l’insécurité d’un espace public et à renoncer à la marche. 

On peut également s’intéresser à la marche par un angle de mobilité. En cas de saturation de l’offre de transports en commun par exemple, un opérateur pourra user de signalétique et d’information pour convaincre certains utilisateurs de faire une ou deux stations à pied par exemple. Enfin, on le disait plus haut, on peut dynamiser la marche dans une optique commerciale, écologique ou sanitaire.

Le problème c’est que la marche n’a pas de porte parole. À l’inverse de la voiture, des transports en commun ou du vélo, elle n’a pas d’opérateur, pas d’industriel pour la défendre, pas de service après vente, ni d’annonceur pour vanter ses mérites en prime time. Pour Tom Dubois, un des auteurs du livre Pour en finir avec la vitesse – Plaidoyer pour la vie en proximité, « il y a un écosystème énorme qui s’ignore autour de la marche ». L’imaginaire de la marche n’a pas irradié les consciences depuis la deuxième moitié du 20ème siècle comme l’a fait la vitesse. « Si on veut vraiment changer de système de déplacement, il faut des imaginaires alternatifs à la voiture et la vitesse. C’est difficile parce que cette vitesse a organisé nos territoires. » 

Le sens du vent

Le vent tourne-t-il ?  En juin 2020, trois associations se regroupent pour créer le collectif Place aux piétons, qui entend « favoriser la mise en place d’une politique globale et cohérente de développement de la marche en milieu urbain ou rural ». Elles réalisent une enquête d’opinion auprès de 68 000 personnes pour connaître la marchabilité de 200 villes françaises, c’est le premier baromètre des villes marchables. Pour Tom Dubois, c’est la direction à suivre :  « Le baromètre c’est bien. Il faut chiffrer la marche : mesurer le nombre de piétons, calculer le nombre de kilomètres… Il faut ce genre d’outils pour rendre la marche visible. » Elles organisent également les premières assises nationales de la marche en ville.

Baromètre des villes marchables - Cerema

Baromètre des villes marchables – Cerema

D’autres facteurs pourraient avoir un rôle à jouer. La mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) dans 11 métropoles en 2022 puis 43 agglomérations en 2025 pourrait contribuer à réduire la place des voitures en France. Autre dispositif, autre nom barbare, le zéro artificialisation net (ZAN) devrait limiter à l’avenir l’étalement urbain et encourager les pouvoirs publics à refaire la ville sur elle-même. Une occasion de corriger certains déséquilibres et de réfléchir à des espaces publics de qualité.

Usbek & Rica
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