Demain la ville dans le rétro! Les mésaventures des véhicules autonomes

En 2020, Waymo (filiale de Alphabet) lançait un service de robot-taxi à Phoenix aux États-Unis © Waymo
24 Mar 2022 | Lecture 2 min

Place au 2ème épisode de notre série « Demain la ville dans le rétro ! » à travers laquelle nous vous proposons un retour sur des prédictions énoncées il y a 10 ans. Cette rétroprospective anniversaire est l’occasion de passer chaque prédiction au crible de notre présent, analyser sa fiabilité et sa justesse, et pointer les nouveaux éléments à prendre en compte qui vont (peut-être) changer la donne. Car sans ce retour critique sur les prédictions, nous ne sommes que des « marchands d’avenir » et nos paroles sont exemptées de toute responsabilité.

Pour ce 2ème épisode, retour sur les véhicules autonomes !

« Dans les villes et sur les autoroutes du futur, les véhicules 100% automatisés pourraient bien être les seuls à circuler. Plus sûre, plus écologique, plus confortable, plus pratique, la voiture sans pilote fera partie de notre quotidien d’ici à 2020. Elle devrait même rapidement s’imposer comme la norme en matière de déplacements urbains. »

Notre article de décembre 2013 était bien optimiste sur les développements futurs du véhicule autonome. En 2022, le véhicule autonome ne fait pas partie de notre quotidien… Notre enthousiasme à l’époque faisait sans doute écho à l’engouement des années 2010 pour le sujet, lorsque les géants de la tech et les constructeurs automobiles se lançaient dans la course.

À l’époque, les progrès techniques en termes de radars et d’objets connectés laissaient présager une forte accélération du secteur. Le grand public connaissait encore assez peu le véhicule autonome et ses capacités, il imaginait la voiture de Minority Report, un bolide surdoué capable d’apporter une réponse unique à tous les problèmes. Tesla et Google prévoyaient des mises en circulation 100% autonomes dès 2020. Le véhicule autonome allait changer les paysages urbains, désenclaver les campagnes et transformer en profondeur les mobilités.

Faire redescendre la fièvre

Depuis, l’élan est retombé. La voiture sans volant n’est plus vraiment à l’ordre du jour. En 2018, John Krafcik qui était alors le PDG de Waymo (la filiale voiture autonome de Google) faisait une déclaration retentissante lors d’une conférence du Wall Street Journal : « l’autonomie aura toujours des contraintes ». Détaillant les difficultés qu’ont les véhicules autonomes à interpréter leur environnement dans certaines conditions météorologiques, il semblait dire que l’autonomie totale n’existera jamais. À ce coup de massue, PSA répondait quelques mois plus tard par l’annonce de l’arrêt de ses investissements dans l’autonomie des niveaux 4 et 5, trop coûteux pour l’entreprise et pour les clients.

En effet, depuis 2014, il existe une classification des différents niveaux d’autonomie de 0 à 5 (0 correspondant à un véhicule complètement manuel et sans autonomie, 5 correspondant à l’autonomie totale, où aucune intervention humaine n’est nécessaire). Aujourd’hui, personne ne prend le risque d’annoncer la mise en circulation de véhicules autonomes de niveaux 4 et 5. Le rêve est relégué à un futur incertain. La plupart des véhicules « autonomes  » en circulation sont de niveau 2, comparable à de la conduite assistée. Seuls Mercedes en Allemagne et Honda au Japon ont obtenu des autorisations de circuler pour des véhicules de niveau 3, qui permet de lâcher le volant tout en restant prêt à reprendre le contrôle à n’importe quel moment.

Les différents niveaux d'autonomie d'un véhicule

Les différents niveaux d’autonomie d’un véhicule

Arrivée à tâtons

Pour être satisfaisante, l’intelligence artificielle du véhicule autonome a besoin de grandes quantités de données. Mais pour cela, le meilleur moyen est de faire rouler le véhicule. La plupart des véhicules autonomes de niveau 3 sont testés dans des situations de circulation simples comme des campus ou sur des voies dédiées. Ailleurs, les systèmes de conduite autonome peuvent être activés ou désactivés, pour prendre la main lorsque la conduite le permet comme sur l’autoroute, dans les bouchons ou pour faire un créneau. La communication entre les véhicules et les infrastructures fait l’objet de nombreuses expérimentations et devrait contribuer à favoriser l’analyse de l’environnement par les algorithmes.

La nécessité d’un cadre légal a également pu freiner le déploiement du véhicule autonome. En 2016, la commission économique pour l’Europe des Nations unies avait révisé la Convention de Vienne, le document régulant la circulation routière, afin de permettre la circulation des véhicules autonomes. Le 1er juillet 2021, première en Europe, la France publiait un décret encadrant les litiges concernant des véhicules autonomes. Le décret ouvrait la possibilité d’une responsabilité autre que celle du conducteur : si la conduite automatisée était activée et utilisée correctement, l’opérateur du véhicule pourrait être reconnu coupable de l’accident. Des zones de circulation doivent être annoncées d’ici la fin de l’année et permettront de faire avancer les choses.

Gagner la confiance

Si la fièvre du véhicule autonome est retombée, on sait maintenant que l’autonomie complète sera très difficile à atteindre, tout comme la cohabitation avec les autres véhicules, en milieu urbain notamment. Une étude de Research and Markets prévoit quelques 100 000 véhicules autonomes dans le monde en 2026. Drone de livraison à l’intérieur d’un entrepôt, navettes dans un campus ou taxi… Il n’existe pas un véhicule autonome, mais des véhicules automatisés. Ceux-ci prendront des formes variables et auront des capacités adaptées selon les usages et les besoins. Dans les années à venir, ils apparaîtront progressivement dans l’espace public.

Mini-bus autonome à Berlin © Pixabay

Mini-bus autonome à Berlin © Pixabay

Le pire ennemi du véhicule autonome est désormais la mauvaise presse. Alors que les véhicules de Tesla sont impliqués dans plusieurs accidents, dont un particulièrement impressionnant à Paris en décembre dernier ayant causé un mort et 19 blessés, l’agence de sécurité routière américaine (NHTSA) multiplie les enquêtes. En janvier, une campagne du groupe Dawn Project qui milite pour l’interdiction des logiciels dangereux, avertissait les lecteurs du New York Times : « Ne devenez pas un mannequin de crash-test pour Tesla ». Qui sait quelle réputation est en train de se tailler le véhicule autonome ?

Sur le même sujet, vous pouvez visionner la vidéo de la websérie « Fenêtre sur la ville » : pourquoi la voiture autonome va tuer nos villes ?

Usbek & Rica
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