Demain la ville dans le rétro! Le vélo en vitesse de croisière

La vélorution est une manifestation revendicative et festive de cyclistes urbains qui a lieu une fois par mois © Vélorution
18 Mai 2022 | Lecture 2 min

Place au 4ème épisode de notre série «Demain la ville dans le rétro !» à travers laquelle nous vous proposons un retour sur des prédictions énoncées il y a 10 ans. Cette rétroprospective anniversaire est l’occasion de passer chaque prédiction au crible de notre présent, analyser sa fiabilité et sa justesse, et pointer les nouveaux éléments à prendre en compte qui vont (peut-être) changer la donne. Car sans ce retour critique sur les prédictions, nous ne sommes que des «marchands d’avenir» et nos paroles sont exemptées de toute responsabilité.

Pour ce 4ème épisode, retour sur le vélo en vitesse de croisière ! La renaissance de la petite reine que l’on annonçait il y a dix ans est-elle vraiment engagée ? Globalement oui, c’est une affaire qui roule. Entre 2001 et 2018, le nombre de déplacements à vélo en lien avec la Métropole du Grand Paris a été multiplié par 4 d’après l’APUR. Rien que depuis 2019, les déplacements à vélo ont augmenté de 30% en France. Force est de constater qu’il s’est passé quelque chose.

Biclou game

Voyons d’un peu plus près. D’abord, l’offre de services s’est enrichie et améliorée. L’arrivée des vélos en libre service (comme Vélib dès 2007) a été suivie par celle du free-floating (comme Jump) puis par les solutions de location longue durée (comme Véligo). Chacune a permis à des publics différents d’expérimenter un retour du vélo dans leur quotidien, que ce soit pour des balades ou pour du vélotaf. Les progrès techniques en matière de batteries ont facilité le déploiement de vélo à assistance électrique, ce qui a permis l’appropriation du vélo pour des trajets plus longs ou par un public moins sportif.

Plus important encore, les infrastructures ont bénéficié d’investissements importants. La ville de Paris a engagé 250 millions avec deux plans vélo successifs entre 2015 et 2026, la région Ile-de-France a signé pour 300 millions de plan vélo en 2020 afin de développer le « RER Vélo ». Quant au gouvernement, son plan vélo de 2019 atteint les 600 millions d’euros en 2019, sans compter 250 millions compris dans le plan de relance post-Covid.

Aménager le territoire

Et c’est là le nerf de la guerre : installer des voies cyclables continues et sécurisées et des parkings dédiés sur l’ensemble du territoire. Comme le rappelle l’épaisse et très attendue étude de l’Ademe sur l’impact économique et potentiels de développement des usages du vélo en France : « Les français font du vélo là où il fait bon en faire et où les collectivités se sont données les moyens pour qu’il en soit ainsi ».

La hausse récente n’a pas épargné les campagnes, où la pratique du vélo a augmenté de 15% depuis 2019. « Ce chiffre-là est le plus déterminant, décrypte dans La Croix Olivier Schneider, président de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB). Car ces dernières années, la pratique du vélo progressait en ville mais reculait dans les campagnes. Là, il y a une inversion de tendance très positive, qui est aussi le signe d’une démocratisation. »

L’importance des chocs

Le Covid a été un grand moment d’expérimentation. Au moment où l’on cherchait des alternatives aux transports en commun, des municipalités ont saisi l’opportunité pour tester des voies cyclables temporaires, les « coronapistes ». Embrassant les méthodes d’urbanisme tactique, elles ont évalué le succès des installations au cas par cas : les voies qui fonctionnaient ont été pérennisées et les autres retirées ou améliorées. En cela, le Covid a été un catalyseur de la transformation de l’espace public dans de nombreuses villes.

Cela vaut le coup d’être souligné, l’APUR nous rappelle que les interruptions des transports en communs ont souvent été des moments charnières du développement du vélo. À l’hiver 1995, Paris ne compte que 5 tristes kilomètres d’aménagements cyclables. La grève contre le plan Juppé qui suspend les transports pendant un mois va provoquer une forte hausse des achats de bicyclettes et du nombre de « vélotaffeurs ». C’est dans le sillage de ces événements que la capitale développe son premier schéma directeur du réseau cyclable. Ce dernier dépasse les 1 000 kilomètres vingt ans plus tard, juste avant la crise du Covid qui à son tour, relance la question du vélo comme moyen de transport à Paris.

Coronapiste à la Défense en 2020 © TCY/WIki

Coronapiste à la Défense en 2020 © TCY/Wiki

Encore minoritaire

Aujourd’hui, on ne peut pas vraiment parler de bouleversement dans la mesure où avec 4% de part modale, l’utilisation du vélo dans les déplacements reste marginale. La stratégie nationale bas carbone vise les 12% en 2030 et à titre de comparaison, elle est à 10% en Allemagne et presque 30% en Hollande.

Par contre, il est certain qu’une révolution a eu lieu dans les mentalités. Aux préoccupations environnementales, des questions de pouvoir d’achat, de santé publique, le vélo est venu offrir une réponse commune, certes modeste mais facile à mettre en œuvre. Le discours sur les mobilités douces est venu s’imbriquer dans la critique du modèle tout voiture. Et d’un coup, c’est un demi-siècle d’aménagement du territoire qui a été remis en question. Les biclous sont même devenus les héros de spots publicitaires télévisés, comme pour la marque Gazelle. L’interdiction de diffusion du spot VanMoof a provoqué un effet Streisand assez ironique sur les réseaux sociaux.

 

Panneau signalétique du tracé du Vélopolitain à Paris © Wiki

Panneau signalétique du tracé du Vélopolitain à Paris © Wiki

L’imaginaire vélo

Les acteurs aussi se sont organisés et structurés. L’association d’élus locaux Vélo et territoires rassemble les données officielles sur la pratique et produit des analyses via un observatoire. Côté industriels, une fusion a fait du syndicat Union Sport et Cycle un poids lourd du secteur. Le collectif vélo Île de France qui fédère 42 associations du territoire est à l’initiative du plan RER V (repris par la région) qui propose une continuité cyclable le long des lignes de RER. De son côté, la FUB a mis au point en 2017 un baromètre des villes cyclables, la plus importante contribution citoyenne au monde sur le vélo. Ces acteurs se sont alliés au sein de Parlons Vélo pour structurer leur plaidoyer. Et excepté l’extrême droite, aujourd’hui plus aucun programme politique ne fait l’économie de la promotion du vélo.

Un seul chiffre résume toute la situation, il fait grimacer ou sourire, selon la perspective. C’est le pourcentage de gens qui vont au travail en voiture lorsque celui-ci est à moins d’un kilomètre de leur domicile : 48,8%. Et ils sont 70% lorsque la distance est inférieure à 5 km. Une aberration révélée par l’Insee et qui laisse entrevoir un “énorme potentiel” pour le vélo pour reprendre les mots de Valérie Pécresse

Sur le même sujet, retrouvez des informations sur le clash vélo vs auto : https://www.demainlaville.com/clash-velo-vs-auto/ 

Usbek & Rica
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