Demain la ville dans le rétro ! L’autopartage, encore de niche
Place à un nouvel épisode de notre série rétroprospective anniversaire « Demain la ville dans le rétro ! » à travers laquelle nous vous proposons un retour sur des prédictions énoncées il y a 10 ans.
Pour ce 5ème épisode, retour sur l’autopartage ! C’est le chiffre massue : une voiture individuelle reste inutilisée 95% du temps en moyenne. C’est pour rationaliser notre utilisation de la voiture que l’autopartage s’est développé, à partir des années 1970, et principalement depuis les années 2010. Alors où en est-on depuis 10 ans ?
Vers les modes alternatifs
À distinguer du covoiturage, où les utilisateurs partagent leurs trajets, l’autopartage consiste à partager le véhicule. Cela permet de réduire les frais d’entretien, mais pas seulement. Comme le montre différentes enquêtes de l’ADEME sur l’autopartage (l’édition 2019 est ici), la pratique « incite généralement à augmenter l’usage des principaux modes alternatifs à l’automobile : le vélo (+10% de jours d’utilisation par mois), les transports en commun (+6% mois), et la marche (+3%) ». Elle a donc des retombées positives sur la consommation d’énergie et les émissions de polluants.
Un autre aspect, qui a été très discuté chez les urbanistes, est la capacité de libérer de l’espace urbain occupé auparavant pour le stationnement. En effet, mettre en partage les véhicules, c’est réduire le nombre de véhicules stationnés et donc réduire le nombre d’emplacements nécessaires. Entre 1,5 et 3 stationnements en voirie libérés, estime l’ADEME. Quand on sait à quel point il est difficile de trouver de la place dans les villes en tension foncière, la question ne se pose pas longtemps. Avec l’autopartage, on peut rêver d’élargir les trottoirs, de mettre des jardinières, des parkings à vélo, des poubelles de tri sélectifs… Les idées ne manquent pas.
« Tremplin-lib »
À Paris, Autolib’ a été un tremplin de la démocratisation de l’autopartage entre 2011 et 2018. L’arrêt de ce service « ruineux », aux dires de Vincent Bolloré lui-même, n’a pas découragé les ténors de la construction automobile de se lancer sur le marché : ShareNow (Daimler et BMW), Zity (Renault) et Free2Move (PSA) opèrent dans la capitale, aux côté de Mobilib’, le service de la ville de Paris.
Calqué sur le fonctionnement des Vélib, le service était en « one way » ou « trace directe ». C’est à dire qu’en fin de course, l’usager dépose le véhicule dans n’importe quelle station. D’autres formules se sont développées depuis : le « free-floating », qui ne requiert pas de station, et l’autopartage « en boucle », qui implique de restituer le véhicule dans la station de départ. L’autopartage entre particuliers et les flottes d’entreprise en autopartage se sont démocratisés également.
La ligne ou la boucle
Ces distinctions d’offre ont leur importance, car elles déterminent les usages qui y sont associés. Dans un billet sur l’arrêt d’Autolib, le journaliste Olivier Razemon explique comment « l’autopartage en boucle amène l’adhérent à se passer de voiture, la trace directe l’incite à l’utiliser davantage ». Si le premier cas est adapté aux déplacements professionnels quotidiens par exemple, le second s’apparente à un taxi que l’on conduirait seul. Ces usages différents n’accompagnent pas de la même manière la transition vers les mobilités douces.
Avec moins d’un million d’abonnés en France, le secteur est une niche. Pourtant le concept d’autopartage a marqué une rupture importante de ces dernières années, dans la mesure où il a créé une alternative à la possession d’un véhicule : une économie de l’usage. Selon ses besoins, chacun est en mesure de faire son propre arbitrage en fonction des coûts du véhicule et de son impact environnemental. Ce qui était auparavant un marqueur de statut social n’en est plus.
Autopartage des riches ?
Et au contraire, d’après l’édition 2019 de l’enquête sur l’autopartage de l’ADEME, 61% des utilisateurs sont des cadres et professions intellectuelles supérieures. Par ailleurs, 75% des utilisateurs sont urbains. Ce profil-type explique peut-être le désamour manifesté par les Gilets Jaunes contre ces services de mobilité en 2019, et témoigne probablement d’une fracture territoriale. En effet, les zones périurbaines et rurales étant moins denses et plus dépendantes à la voiture, le marché de l’autopartage y est plus réduit et les investissements plus risqués.
Pour contrecarrer ces phénomènes, l’ADEME souligne « la puissance du couplage vélo-autopartage comme alternative à la voiture individuelle ». Ainsi, la présence à la fois d’aménagement de vélo et de solutions d’autopartage sur un territoire seraient particulièrement efficaces dans la lutte contre la voiture individuelle. L’agence ajoute que pour encourager son adoption, la mise en place d’une tarification solidaire comme la gratuité de l’abonnement sous conditions de ressources serait intéressante.