Demain, la ville collaborative

11 Mar 2015

Cela n’aura échappé à personne : depuis quelques années, le numérique vient chambouler la manière que nous avons de fabriquer nos villes. L’une des évolutions les plus saillantes, et peut-être la plus influente pour les citadins, réside dans l’émergence d’un urbanisme dit “collaboratif”. Un terme porteur de nombreuses applications concrètes, mais qui revêt aussi sa part de chimères. Construire la ville avec – et par – ses habitants, une utopie pragmatique ?

Minecraft city ; Copyright : hobbymb

Minecraft City ; Copyright : hobbymb

Aux prémisses, la ville 2.0

Le sujet n’est pas vraiment nouveau, du moins sur le papier. A la fin des années 2000 – ce qui représente une éternité dans le monde de la prospective -, quelques sociologues et urbanistes avaient flairé l’émergence d’une “ville 2.0”, en référence à l’émergence des pratiques collaboratives sur Internet : blogs, Wikipedia, cartographies, etc. Cette ville 2.0, “complexe et familière” selon le titre d’un ouvrage de Fabien Eychenne, préfigurait déjà les fondations d’un urbanisme “collaboratif”, dans lequel seraient intégrées les doléances et propositions des habitants. L’essor de la ville intelligente a acheté ce mouvement, en rendant la question du numérique encore plus prégnante dans nos villes contemporaines.

Mais à dire vrai, l’urbanisme collaboratif n’est pas proprement lié au numérique. Les processus de concertation sont désormais monnaie courante pour la majorité des projets urbains, malgré de nombreuses limites dont nous ne ferons pas la liste. En effet, l’objet de ce billet n’est pas de tirer à boulets rouges sur les outils participatifs existants, mais de montrer ce que certains outils numériques peuvent apporter à l’ensemble du processus. Le webzine Gizmodo, connu pour son enthousiasme technologique, ne se trompait d’ailleurs pas en titrant, à propos d’applications essentiellement non-numériques : “User-generated urbanism may be the future of cities”…

La co-construction numérique, tâtonnements réjouissants

Les exemples sont nombreux, et ceux ici n’ont pas l’ambition de fournir une liste exhaustive, mais simplement de souligner les points les plus saillants de ce qu’est “l’urbanisme 2.0”. Commençons par citer l’application Unlimited Cities (originellement “Villes sans limites”), développée par l’agence UFO, l’une des représentantes les plus emblématiques de ce courant en France. Cet outil permet ainsi à un nombre supposément infini d’habitants de “dessiner”, grâce à une interface ergonomique et intuitive, l’idée qu’ils se font de leur territoire. Il faut la voir en action pour mesurer le potentiel d’une telle application !

Néanmoins, nul besoin d’une tablette dernier cri pour faire participer les habitants. C’est en tout cas le point de départ de nombreuses plateformes participatives sur Internet, qui invitent les habitants à donner leur avis sans avoir à se déplacer de chez eux. La Mairie de Paris en a donné une illustration assez notable, récemment, en proposant aux Parisiens de voter pour les projets de leur choix (parmi une sélection préalable de quinze projets), dans le cadre de sa démarche “Budget participatif”. 40 000 votants auront donc décidé du sort de ces 20 millions d’euros, qui seront répartis entre les neuf projets sélectionnés. Évidemment, les critiques sont nombreuses à l’égard de cette démarche, dont on peut reprocher le caractère finalement assez dirigiste et non-inclusif. Néanmoins, l’initiative a le mérite d’augurer de nouvelles gouvernances locales, et c’est déjà un grand pas.

Et bientôt, la “wiki-construction” ?

Car en effet, le fond du problème tient en un passage de relais entre les “anciens” décideurs (élus, bâtisseurs et… promoteurs immobiliers), et les habitants qui réclament une partie de ce pouvoir de décision. Après tout, est-il vraiment nécessaire d’être un architecte DPLG pour imaginer un bâtiment ? A Haïti, les habitants conçoivent ainsi les aménagements dont ils rêvent pour leurs villes… dans le jeu vidéo Minecraft, bien connu des bâtisseurs vidéoludiques.

En France aussi, le phénomène est en passe de franchir un nouveau palier, avec la naissance du “wiki-building”. Construire un bâtiment comme d’autres écrivent des biographies sur Wikipedia, une utopie bientôt réalité ? C’est en tout cas l’opinion de La Tribune, qui en fait l’éloge suivant:

“Le bâtiment sera construit en mode wiki, tous les plans et expérimentations étant en open source, chacun pourra y puiser et exploiter, améliorer ou expérimenter. Les bailleurs ou les assureurs pourront tester et expérimenter avec les habitants, les commerçants également, et 5% de la surface seront réservés à un living lab. Dès le chantier ce Wikibuilding devrait être un lieu d’expérimentation ouvert à l’école d’architecture de Paris Val-de-Seine, et conçu en Open design pour intégrer des mises à jour permanentes.”

Derrière ce type d’initiative, encore toute fraîche et sur laquelle il est évidemment impossible d’avoir un retour d’expérience, se dessine sûrement le futur de la ville. Réversible, évolutive, et surtout partagée par les habitants parce qu’ils l’auront conçue eux-mêmes. Cela ne se fera pas sans frictions, comme l’explique Loïc Haÿ dans la présentation ci-dessous, mais cela se fera certainement ! D’ici là, nul doute que les outils collaboratifs essaimeront, pour toucher un public toujours plus large.

Pour aller plus loin :

 

{pop-up} urbain
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Vos réactions

iehl
5 avril 2015

Ils nous ont piqué l’idée ! Nous on l’a fait, mais d’abord avec du dessin : il faut le faire en présentiel et en beta avant, puis accompagner les habitants dans une démarche avec les outils numériques, sinon, c’est toujours les mêmes qui participent !

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