Demain, des villes waterproof
En architecture, la mode est aux villes flottantes. Mais certains voient encore plus loin, imaginant l’installation prochaine de l’homme sous les mers. Des hôtels sous-marins de l’allemand Jonathan Hauser au « gratte-mer » du malaisien Sarly Adre Bin Sarkun, présentation des projets d’urbanisme sous-marin les plus ambitieux.
Dans cent ans, Shanghai, Le Caire et Londres pourraient bien avoir disparu de la carte, englouties sous les eaux. Les pires scénarios de réchauffement climatique (+5 ou +6°C d’ici 2100) prévoient, en effet, une hausse du niveau des océans de plusieurs mètres, qui pousserait des centaines de millions de réfugiés à chercher une terre d’accueil. Ou plutôt une mer d’accueil, tant l’espace urbain a déjà grignoté les terres émergées un peu partout dans le monde. Pas la peine de s’accrocher à une hypothétique colonisation martienne : si ça tournait mal, les océans, qui couvrent 70% de la surface de la Terre, pourraient faire office de précieux refuge, à condition d’être aménagés. L’idée peut paraître saugrenue. Pourtant, elle séduit aujourd’hui de nombreux architectes, alertés par le péril climatique mais aussi par une croissance démographique mondiale galopante. Comment, en effet, loger 9 milliards d’individus sans transformer les océans en des espaces habitables ?
En 2010, les hollandais de l’agence DeltaSync ont présenté leur concept de « sphères flottantes » lors de l’exposition universelle de Shangai. Dans le même esprit, l’architecte belge Vincent Callebaut a imaginé des « cités flottantes et autosuffisantes pour réfugiés climatiques ». Mais plusieurs de leurs collègues vont encore plus loin, imaginant des villes non plus flottantes mais sous-marines. Jacques Rougerie en fait partie. « C’est de l’océan que dépend le destin des civilisations à venir » déclare l’architecte océanographe, qui a conçu ses premiers concepts d’habitats sous-marins dès le début des années 1970.
Plus d’espèces dans les abysses qu’à la surface de la terre
La découverte récente de l’existence d’une vie sans photosynthèse au plus profond des océans ouvre de nouvelles perspectives. D’après les premières estimations, il y aurait plus d’espèces animales et végétales vivant dans les abysses qu’à la surface de la planète… Et puis, le monde sous-marin est plein de ressources. Fer, charbon, pétrole, sables diamantifères… Les richesses minières du plancher océanique sont bien connues. Les océans constituent aussi – et surtout – un immense réservoir d’énergie renouvelable. L’éolien offshore et l’énergie des marées pourraient, sans difficulté, répondre aux besoins des colons sous-marins.
La mer nous semble un environnement hostile, mais l’humanité est pourtant bel et bien capable de s’y adapter. Des scaphandres remplis d’hydrogène permettent déjà de descendre à plus de 60 mètres de profondeur. Mais dans les cités waterproof de demain, faudra-t-il vivre avec cet encombrant attirail au quotidien ? Se déplacer en sous-marin ? Et quels matériaux permettront aux murs des maisons de résister à la pression de l’eau ? Ces questions passionnantes, Jonathan Hauser, Dennis Chamberland et Sarly Adre Bin Sarkun ont tenté d’y répondre à travers trois projets architecturaux futuristes.
Hydropolis, le premier hôtel sous-marin
Hydropolis devrait voir le jour en 2015. Après un projet avorté à Dubaï, l’architecte allemand Jonathan Hauser projette de construire un bâtiment de 135 m sur 70m en mer de Chine méridionale. Le chantier, estimé à quelques 225 millions de dollars, devrait débuter en 2014 en Europe, avant d’être acheminé en Chine par bateau. Doté de 140 chambres pouvant accueillir 200 personnes, l’hôtel sous-marin sera alimenté en énergie grâce à des panneaux solaires et son système de refroidissement fonctionnera grâce à l’eau de mer. Pour passer une nuit sous l’eau, il faudra débourser 13 000 euros. Comme le tourisme spatial, le tourisme sous-marin sera donc réservé, dans un premier temps, à une clientèle premium.
HO2+ Scraper, le premier gratte-ciel sous-marin
Sarly Adre Bin Sarkun présente son projet HO2+ Scraper comme « une antithèse poétique aux immeubles toujours plus élevés. » Long de 400 m, le premier « gratte-mer » sera composé d’une partie émergée de 125 mètres de diamètre, qui accueillera une forêt d’éoliennes. Grâce à l’énergie du vent, du soleil, mais aussi des courants, H2O+ Scraper devrait être autosuffisant sur le plan énergétique. Pour nourrir ses habitants sous-marins, l’architecte a imaginé d’immenses tentacules bioluminescentes se déployant autour du bâtiment pour attirer la faune aquatique et créer ainsi des récifs artificiels. Le reste des besoins alimentaires sera comblé par une ferme « aquacole », située sur la partie émergente de la tour.
Aquatica, la première colonie sous-marine
Las d’envoyer des hommes dans l’espace, l’ancien ingénieur de la Nasa Dennis Chamberland rêve aujourd’hui de les faire plonger sous l’eau. Depuis son bateau, qui mouille à Key Largo, en Floride, il organise des missions d’exploration afin d’installer la première colonie sous-marine en 2015. Le « New World Explorer », son module d’habitation, devrait pouvoir accueillir deux personnes. Accrochées les unes aux autres, ces capsules sont censées former le foyer de la première génération d’humains vivant sous la mer. Appelée « League of the New Worlds », la communauté compte déjà plusieurs dizaines d’explorateurs, dont le réalisateur James Cameron. Si tout se passe selon les plans de Dennis Chamberland, le reste de l’humanité les aura rejoint d’ici la fin du siècle…
Voir aussi : http://underseacolony.com/core/media.php