Quelle définition de la smart city pour Casablanca ?

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15 Déc 2016

Au cours de l’année qui vient de s’écouler, le Maroc a été placé sur le devant de la scène internationale à deux reprises en ce qui concerne les questions de développement durable et intelligent. En novembre dernier, la 22conférence des parties de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP22) se déroulait à Marrakech. Quelques mois auparavant, la première édition de « Smart City expo » pour le développement des villes africaines lançait son coup d’envoi du 17 au 20 mai à Casablanca. Acteurs locaux et internationaux, grand public et professionnels y étaient présents pour débattre de l’avenir des villes africaines et notamment de celui de Casablanca. Historiquement, le Maroc a toujours été perçu comme un des pays africains les plus modernes. Aujourd’hui, en accueillant ces événements, le pays se pose comme initiateur d’un mouvement de redéveloppement urbain africain.

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Crédit photo : e-madina.org

Par la mise en place de « Smart City Expo », impulsé par Casablanca Events et Animation, en quoi Casablanca se positionne-t-elle aujourd’hui comme une smart city ? En quoi la ville répond-elle à la thématique énoncée Villes ouvertes, inclusives et innovantes ? Quel chemin Casablanca doit-elle parcourir pour y parvenir ? Si la smart city est un principe universel, ce concept est-il transposable, ou est-ce une définition mouvante et appropriable qui doit être adaptée à chaque territoire ?

La place de Casablanca à l’échelle continentale et nationale

Casablanca a toujours été une ville stratégique pour le Maroc. En effet, la ville portuaire est située entre orient et occident. Elle est l’interface qui relie économiquement le pays, le Maghreb et l’Afrique à l’Europe. Sa position centrale sur la façade Atlantique en a également fait une ville très convoitée. Tombée dans l’oubli pendant un temps, la ville renaît de ses cendres au début du XIXe siècle grâce à sa richesse, son port et son activité commerciale. C’est au début du XXe siècle que Casablanca subit sa plus grande mutation. Le premier protectorat français apporte avec lui des résidents généraux. Hubert Lyautey, le premier d’entre eux, arrive en 1912 à Rabat. Dans l’organisation stratégique de son protectorat, Casablanca est désignée comme centralisatrice de l’économie. Depuis, la ville ne cesse de se développer économiquement à l’échelle du pays, jusqu’à être aujourd’hui le premier pôle économique du continent. La locomotive économique et financière de l’économie nationale détient aujourd’hui 60 % des échanges du pays avec l’extérieur et représente 25 % du PIB. En concentrant 48 % des investissements, la ville voit s’ouvrir une porte en termes de redéveloppement. Casablanca est devenue la première ville du Maroc et l’une des plus importantes agglomérations d’Afrique, tout en confortant son positionnement de hub régional et continental.

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Crédit photo : e-madina.org

Pour construire le Maroc de demain, la ville de Casablanca a récemment choisi de se concentrer sur l’innovation et la restructuration urbaine, d’où l’intitulé de la conférence Smart City : villes ouvertes, inclusives et innovantes. Cependant, si le mot semble très usité aujourd’hui que signifie-t-il vraiment ? Qu’est-ce qu’une ville ouverte, inclusive et innovante ?

Qu’est-ce qu’une smart city ?

La ville intelligente s’inscrit dans le développement d’une ville en réseau, qui permettrait une meilleure gestion et une optimisation des moyens. Ainsi pensée, la ville est connectée sur plusieurs plans : culturel, économique, numérique, social et environnemental. Le schéma de base pourrait s’apparenter au célèbre schéma de définition des piliers du développement durable. Les prismes de la culture et de l’innovation technologique y sont ajoutés. La ville durable doit devenir intelligente pour optimiser ses ressources.

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Crédit photo : e-madina.org

La smart city se décline autour des thématiques de l’environnement, la connectivité, la mobilité, la santé, la gouvernance, l’habitat ou encore l’investissement citoyen. Les principes sont déployés par les capacités de réactivité et d’optimisation permis par les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.

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Crédit photo : e-madina.org

La mutation d’une ville en smart city s’exprime de manières très diverses. Elle peut aussi bien passer par le développement d’applications qui luttent contre le gaspillage que par l’aménagement des horaires de travail pour décongestionner les villes.

Face à la pression urbaine croissante, des solutions d’optimisation des moyens urbains sont également à trouver pour que la ville continue à être vivable et considérée comme un espace de bien-être pour tous. La notion de ville inclusive, elle, est conçue comme étant la prise en compte des besoins, des désirs mais aussi de la solvabilité des habitants, actuels comme futurs.

Les premières mesures pour Casablanca

C’est au cours de cette manifestation que la ville a présenté son projet de smart city. Son projet a été primé par l’Institut américain du génie électrique et électronique « Smart City Initiative », basé sur un concept de ville intelligente, frugale, sociale et durable qui place les citoyens au centre du processus de transformation, en créant des partenariats publics-privés-populations qui permettent aux citoyens d’être les acteurs et les constructeurs de la ville de demain. A travers cet évènement, Casablanca Events et Animation souhaitent ainsi contribuer à renforcer le positionnement de la capitale économique du Maroc en mettant en avant ses différents projets, et ce, en collaboration avec ses partenaires.

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Crédit photo : e-madina.org

Pour relever ces défis, il est nécessaire que l’ensemble des acteurs se coordonnent : universitaires, dirigeants, citoyens, etc. Pour harmoniser et fluidifier ces coopérations, le Cluster e-Madina est devenu l’acteur central pour la transformation urbaine qui attend Casablanca. Il devient médiateur d’un partenariat entre les entreprises, le secteur public et les citoyens. L’objectif d’e-Madina est de créer un écosystème Smart City pour faire émerger des initiatives collectives de transformation de la ville à partir des technologies numériques, des ressources matérielles et immatérielles locales et disponibles. La coopération s’établit également à une échelle internationale dans une démarche de benchmark.

Dans la mise en application, des mesures concrètes ont été annoncées. Parmi les objectifs de la ville, les déchets et l’énergie ont été placés comme prioritaires. Il s’agit dans un premier temps de gérer la production des déchets pour en réduire la quantité. Puis les déchets restants devront être récupérés et valorisés. Des systèmes de production d’énergie durable pourraient alors être établis par la récupération de ces ressources en déchets. L’espace public nécessite d’être éclairé. Les bâtiments devront être autonomes pour réduire les consommations.

A l’échelle municipale, le plan de développement de la ville pour 2015-2020 a été conçu de manière à placer le citoyen au cœur des processus décisionnels et de mise en application. Des caméras ont été mises en place pour la régulation du trafic automobile. Installées à chaque feu tricolore, elles permettent d’adapter la fréquence des feux tricolores en fonction de la densité de circulation.

En ce qui concerne la mobilité, un projet plus concret sort du lot : M’dina Bus, la compagnie casablancaise, a annoncé son équipement en bus électriques. Les appareils seront 100 % électriques et 100 % locaux dans leur construction.

Lors de Smart City Expo, la mise en place de capteurs dans les poubelles a été proposée. Cela permettrait de signaler aux services compétents le besoin de les vider. Connecter les poubelles permettrait de rendre la ville propre, problématique principale à l’heure d’aujourd’hui.

Les idées, les mesures, les partenariats existent. Pourtant, le concept de smart city ne devient-il pas une contradiction lorsqu’on parle de Casablanca ?

Casablanca = ville intelligente : un oxymore ?

Il est vrai qu’à l’échelle du contient, Casablanca est la ville de la modernité. Pourtant, Casablanca, c’est aussi la ville de toutes les contradictions. L’un de ses premiers caractères est sa diversité. Diversité culturelle, mais aussi sociale.

Comme évoqué dès le départ, la ville est actuellement l’un des centres financiers les plus importants en Afrique. Les investisseurs affluent, les rencontres internationales s’y préparent. Elle devient une des places majeures de l’économie et de l’industrie. C’est également le premier pôle d’enseignement supérieur à l’échelle du continent Africain.

L’idée de la smart city, du développement technologique et de l’optimisation des ressources est une aubaine pour ce hub économique. Pourtant, dans sa diversité sociale, Casablanca accueille aussi les bidonvilles d’Anfa sur son territoire. Considéré comme l’un des arrondissements les plus huppés, Anfa regroupe pourtant 36 bidonvilles qui représentent 5 600 ménages. La ville n’aurait-elle donc pas d’autres défis à relever avant de vouloir devenir une ville connectée ?

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Crédit photo : 24info.ma

Quelle plus-value Casablanca apportera-t-elle à la smart city ?

Conscient de ce défi, le Gouvernement du Maroc lançait en 2004 le programme « villes sans bidonvilles ». A l’époque, 388 400 ménages étaient touchés par le phénomène du logement insalubre. Dix ans après une évaluation du programme a été présentée par l’ONU. Les conclusions montrent que sur 85 villes initiales, 55 ont été déclarées sans bidonvilles. 82 % des ménages concernés ont eu accès à un logement décent.

Ces actions, ainsi que la mention de « ville inclusive » dans l’intitulé de Smart City Expo ne sont-ils pas les indicateurs de la potentielle création d’une redéfinition de la smart city à visage plus humain ?

En effet, la définition de smart city est relative. Des valeurs sont certainement universellement reconnues, mais le concept est mouvant. Chaque culture y apporte sa spécificité et sa plus-value en se l’appropriant.

L’année dernière, lors du lancement du Forum Smart City de Bordeaux, Carlos Moreno présentait sa vision de la ville connectée et citoyenne. La ville de demain doit aller au-delà du développement intelligent en accédant au caractère humain.

Par ces défis de logement insalubre que le Maroc commence à relever, le pays n’apportera-t-il pas à la définition de la smart city la dimension humaine qui manquait partout ailleurs ? La plus-value de Casablanca ne sera-t-elle pas l’ingrédient mystère qui rendrait la smart city démocratique et égalitaire ?

 

LDV Studio Urbain
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