Décloisonner la ville à petites mailles
Les grands défis de notre époque que sont le réchauffement climatique et l’accroissement des inégalités sont observables à l’échelle de la ville. Ils vont notamment se traduire par une spatialisation de plus en plus marquée des habitants en fonction de leurs revenus. Cette fragmentation va donner lieu à une nouvelle distribution géographique des populations. Comment sortir de l’opposition entre les urbains et les périurbains ?
Le futur, une histoire en commun
Il y a quelques décennies, la question ne se posait pas : le progrès – et ses promesses d’émancipation de l’humanité – était le seul horizon de nos sociétés occidentales. Aujourd’hui nous en sommes orphelins. Or, c’est bien connu, « la nature a peur du vide » et c’est pourquoi nous voyons naître – ou renaître – des récits sur le futur : de la collapsologie*, à la décroissance en passant par le transhumanisme**. Mais, à la différence du progrès, ces phénomènes sont souvent anxiogènes et dessinent des lendemains bien sombres.
Écrire un nouveau récit
« Décloisonnons la ville ! » est une exposition qui se veut le terreau d’un autre récit, à une autre échelle. Un récit qui n’est pas anxiogène mais au contraire qui pousse à l’engagement, à l’action sans tomber dans la facilité d’un repli sur soi trop commode. Un récit qui n’est pas écrit à l’avance mais dans lequel chacun peut trouver son chemin. Un récit qui n’oppose pas des populations mais qui construit un horizon commun. Un récit à un autre niveau, qui, à l’inverse des plateformes san-franciscaines, ne nous parle pas de passage à l’échelle supérieure, de marché monopolistique ou oligopolistique mais de notre quotidien,
de notre ville, de notre quartier.
Les petites mailles
Les auditions qui ont précédé la réalisation de cette exposition le montrent : des initiatives qui bâtissent le monde de demain, il y en a plein, partout ! Mais ces initiatives reposent souvent sur les épaules d’un créateur et sont tellement ancrées dans un terreau socioculturel local qu’il est inenvisageable de les dupliquer telles quelles et encore moins de penser à un quelconque passage à une autre échelle. Impossible à industrialiser, l’innovation sociale se pense et se fait localement. L’innovation sociale, c’est un ensemble de petites mailles faites sur mesure pour les territoires où elles sont implantées. C’est pourquoi, plutôt que de vouloir les faire passer à l’échelle supérieure, nous devons mettre en place les conditions de synergie pour donner à ces projets une croissance exponentielle. Pour cela il faut les identifier, les valoriser et les mettre en réseau, il faut en somme tisser de petites mailles.
Un enjeu au quotidien
Décloisonner la ville, cela signifie faire tomber les murs, qu’ils soient géographiques, sociaux ou culturels ; c’est également participer à l’écriture de ce nouveau récit, un récit qui donne à voir et favorise la multiplication de ces petites mailles en tissant la toile d’un futur commun.
* Collapsologie ou étude de l’effondrement de la civilisation industrielle qui est
la nôtre.
** Transhumanisme : mouvement en faveur des sciences et des techniques permettant
d’améliorer les performances humaines.
Eléments initialement présentés dans l’exposition « Décloisonnons la ville ! » à la Cité de l’architecture & du patrimoine, du 30 janvier au 11 mars 2019. Plus d’informations dans le catalogue de l’exposition.