Des déchets pour réfléchir et créer
Les friches à l’abandon en attente de restructuration urbaine sont autant de sites susceptibles d’accueillir une plateforme de stockage, de tri et de négoce d’éléments récupérés dans les chantiers de démolition. Cette activité, source d’animation, peut occasionner des occupations temporaires des lieux, notamment par des artistes. Des rencontres qui génèrent même des expérimentations et des manifestes.
Bellastock ou l’apologie du réemploi
La création en 2006 de l’association Bellastock par des étudiants en architecture, diplômés depuis, répond à un besoin nouveau d’expérimenter et de manipuler des matériaux grandeur nature pour mieux réfléchir à l’acte de bâtir dans la démarche du vivre ensemble. En organisant un festival annuel d’architecture, elle fournit un prétexte à des participants bénévoles de concevoir et construire leur habitat pour former une ville éphémère. Toute l’élaboration prend en compte le cycle de la matière et le réemploi de matériaux – éléments de construction ou déchets – pouvant servir dans un bâtiment.
Bellastock a installé son laboratoire Actlab à proximité du projet de l’écoquartier fluvial de L’Île-Saint- Denis. Il consiste à expérimenter à grande échelle une filière de réemploi sur un territoire en mutation, Plaine Commune, et ainsi rendre opérationnel le volet réemploi de la charte du projet. L’association organise des ateliers de construction à partir de matériaux récupérés sur le site. Ces actions suscitent des partenariats entre des acteurs de la réinsertion sociale et de la construction, ainsi que des rencontres avec les habitants ou les scolaires.
Le Marbre D’Ici
Les pratiques de réutilisation et de réemploi sont anciennes, et les villes se sont toujours bâties en partie avec les pierres taillées des différentes déconstructions. Aujourd’hui, le béton concassé ne sert qu’aux assises des chaussées, mais de nombreuses possibilités existent pour l’art, notamment à partir des poudres extraites des gravats de différentes couleurs. Pour réaliser le Marbre d’ici, le plasticien Stefan Shankland développe un procédé qu’il a mis au point avec l’Atelier Raum architectes dans le cadre du projet Trans305, à Ivry-sur-Seine.
La démarche HQAC (Haute Qualité artistique et culturelle), également créée par Stefan Shankland, a permis d’associer pour la ZAC du Plateau, artistes, habitants, « professionnels du genre urbain », étudiants, chercheurs, acteurs culturels, services de la ville et élus. Le Marbre d’ici a ainsi été intégré aux espaces publics de cette ZAC, sous la forme d’une grande dalle à motifs pour la réalisation de laquelle 10 tonnes de gravats (briques, tuiles, pierre calcaire…) provenant de la déconstruction des immeubles du quartier ont été triées selon leur couleur, concassées, réduites en poudre, mélangées à du ciment et de l’eau, puis coulées sur ce site en dessous duquel se trouve un ancien lit de la Seine. Les services d’entretien de la ville ont accepté d’effectuer les éventuelles réparations à venir – en cas de fissuration, par exemple – selon des consignes adaptées à l’idée d’enrichir l’œuvre d’art par la même occasion.
Frédéric Mialet, architecte et commissaire de l’exposition Réver(cités), et Eve Jouannais, journaliste.
Eléments initialement présentés dans l’exposition « Réver(cités), villes recyclables et résilientes » à la Cité de l’architecture & du patrimoine, du 12 octobre au 4 décembre. Plus d’informations dans la visite virtuelle de l’exposition.