De quoi notre passion des ruines est-elle le nom ?

30 Juin 2014

Vestige d’une époque regrettée ou vanité contemporaine, le bâti délabré exerce sur nous un charme bien particulier depuis des siècles. Mais depuis la multiplication récente des crises économiques, le symbole de la belle pierre antique est peu à peu remplacé dans nos esprits par des friches industrielles… La question se pose donc : porte-t-on toujours autant d’affection à cette architecture en décrépitude ?

“Demolished Detroit Screw Works warehouse, Atwater & Riopelle.” Source : https://www.flickr.com/photos/angelariel65/3002988713 (compte Flickr d’Angela Anderson Cobb)

“Demolished Detroit Screw Works warehouse, Atwater & Riopelle.” Source : https://www.flickr.com/photos/angelariel65/3002988713 (compte Flickr d’Angela Anderson Cobb)

Portrait de ruines

Aux XVII-XVIIIèmes siècles naissait déjà un véritable courant de peintres envoûtés par la figure des ruines. Utilisées comme point d’ancrage spatial dans certaines techniques picturales ou représentation métaphysique de multiples concepts, les épaves du bâti jouèrent ainsi un rôle esthétique non négligeable dans l’histoire de la peinture occidentale.

De nos jours, les représentations d’édifices déliquescents attirent toujours, que l’on se réfère aux scènes fictives dans la culture populaire apocalyptique, ou aux photographies de guerre si impressionnantes relayées de temps à autres par nos médias. Qu’elles soient fausses ou réelles, ces images d’éboulement et de dégradation portent en elles quelque chose de fascinant, coincées entre un rapport cathartique au désastre et un certain sens esthétique.

Au delà du beau

Romantiques ou non, ces bâtisses délabrées demeurent bel et bien le fruit d’une forme de destruction, qu’elle soit militaire, économique ou vandale… Aujourd’hui, une ville entière est devenue le symbole ultime de la ruine moderne, tant du point de vue du déclin de son architecture que de la faillite d’un modèle socio-économique plus global.

La ville américaine de Détroit représente ainsi le miroir déformant d’une société fordiste en crise, tout en se faisant le laboratoire de la ville fantôme moderne. En effet, depuis son naufrage officiel en 2013, toutes sortes d’activités sont expérimentées à Détroit autour de ses épaves urbaines exclusives.

Un excellent article récemment publié par Courrier International décrivait alors comment la déroute de cette ville productrice historique avait permis de faire émerger des pratiques “touristiques” uniques. La majorité de ses visiteurs spontanés peuvent en effet s’imposer comme les explorateurs d’un monde perdu. Et les locaux qui auront envie de faire revivre leur Histoire urbaine trouveront aisément une occupation en jouant le rôle de guide touristique à travers ces récents vestiges. D’autres personnes ont même profité de l’hiver pour transformer la ville en friche en station de ski éphémère…

Les ruines plaisent donc toujours, même si à défaut de magnifier la civilisation antique, elles incarnent plutôt la chute de l’Empire de la consommation à l’américaine, l’effondrement d’un modèle d’organisation industrielle ou encore notre rapport (malsain) et galvanisant aux ravages spectaculaires lointains…

{pop-up} urbain
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