Dark design : la nuit sous un nouveau jour – 1/2
“La peur de la nuit, la peur du noir, la peur de s’endormir (…) autant de peurs qui peuvent nous habiter enfant et nous poursuivre toute notre vie. Des peurs que l’Homme connaît depuis des millénaires et avec lesquelles il se bat et se débat, parfois sans relâche. La nuit, lieu de crainte ou d’effroi.” En ville, comment la nuit urbaine se vit-elle ? Quel rôle la lumière joue-t-elle pour guider, orienter et rassurer le citadin dans la pénombre ? 21 étudiants du City Design Lab de l’École de design Nantes Atlantique ont imaginé des parcours lumineux modulables pour vivre la nuit avec plus de sérénité. Ils ont défini 3 actions-phares pour y parvenir.
Action 1 – Scruter les ténèbres de Nantes
Sentiment de sécurité, pollution lumineuse, identité
Les étudiants ont démarré leur quête en s’attardant sur la définition de termes tels que : « sentiment de sécurité », « pollution lumineuse » et « identité ». En effet, la physiologie du mammifère connaît une altération du principal repère sensoriel la nuit : la vision. Pour nous, humains, la réalité se teinte alors d’imaginaire et se construit grâce à d’autres sens, notamment l’audition.
L’obscurité se peuple de vide, d’angoisses et de ténèbres, phénomène d’ailleurs largement exploité par les réalisateurs de films et les auteurs de romans à suspense.
La pollution lumineuse, quant à elle, découle du phénomène d’éclairage artificiel permanent des villes. Elle engendre des conséquences néfastes : surexploitation d’énergie, dérèglement de nos écosystèmes et perturbation de nos horloges biologiques. Face à la crise énergétique actuelle provoquée par l’invasion russe en Ukraine, cette question reste criante d’actualité. Pour autant, peut-on envisager de vivre dans le noir complet ?
Focus sur le pont Anne de Bretagne
L’emblématique pont Anne de Bretagne, à Nantes, relie le cœur de ville à l’île de Nantes. C’est un axe majeur qui draine touristes, badauds, professionnels d’une rive à l’autre, tout en accélérant le développement des nouveaux quartiers de l’île de Nantes. Les étudiants ont choisi de se concentrer sur l’identité du pont, ses caractéristiques et son environnement immédiat. Leurs recherches sur la navigation nocturne, l’histoire de la lumière urbaine et le mobilier du pont ont ouvert des brèches prometteuses.
Action 2 – Jouer sur la luminosité et les matières
Pour réduire la pollution lumineuse, nous souhaitions éviter de nous positionner uniquement sur l’éclairage et ses contraintes réglementaires. Nous voulions plutôt aborder la question sous un angle innovant : en utilisant les propriétés des matériaux pour jouer sur l’intensité de la luminosité.
L’exploration des matières : des résultats surprenants
Les élèves ont rassemblé un panel de matériaux sur lesquels nous ils ont testé, un à un, les effets de la lumière. À la suite de ces tests et expérimentations, ils ont classé les matériaux en fonction de leur réaction à l’obscurité: clair/ sombre, brillant/mat, réfléchissant/absorbant sur une échelle définie allant de 1 à 5.
Pendant leurs expériences, les étudiants ont observé que selon la nature des matériaux et selon leurs usages et usures, ils réfléchissaient la lumière de façon inattendue.
La zone d’observation, par exemple, comporte des assises végétalisées avec une partie à l’arrière reflétant le soleil ou la lune. Le but recherché ? Créer un espace où les usagers peuvent faire une pause dans une “bulle” pour observer le coucher de soleil, rêver ou ne rien faire.
La zone de lien avec les nefs, elle, crée une continuité entre la ville très éclairée et le pont, immergé dans l’obscurité. Grâce à l’usage de mobilier fluorescent, des rails semblent émerger du sol et les routes vers les nefs ou le Mémorial de l’abolition de l’esclavage sont indiquées.
L’outil de détermination des ambiances nocturnes
Sur le modèle du soleil nous souhaitions que la nuit soit plus adaptée aux besoins du citadin, offrant une atmosphère proche des éclats du jour.
Avec la solide envie d’aller plus loin dans leurs recherches, les explorateurs nocturnes ont conçu un outil de détermination des ambiances nocturnes spécifiquement adapté au pont Anne de Bretagne.
Celui-ci utilise des catégories de type : saison – semaine – week-end – degré de luminosité. Il intègre 8 variants différents en fonction des saisons ou du trafic. Ainsi, le pont Anne de Bretagne illuminé lors d’une chaude nuit d’été ne ressemble en rien au pont immergé dans les frimas d’une nuit hivernale.
Ce travail de recherche expose les potentiels d’une obscurité urbaine retrouvée et acceptée. Parcours lumineux éco-sensibles et personnalisables, droit à l’autonomie individuelle en matière d’éclairage, exploration de l’éclat et de la combinaison de matériaux divers… Nos représentations de la nuit urbaine obscure et menaçante sont à réenchanter !