Cycle-terre à Sevran, la première brique pour des villes plus naturelles !

Le projet Cycle-terre réunira des acteurs complémentaires autour de la construction en terre crue
9 Oct 2018

Avec la construction du métro du Grand Paris Express, c’est 43 millions tonnes de terres qui sont extraites du sous-sol ! La Société du Grand Paris s’est donc lancé un défi, celui de revaloriser 70% d’entre-elles. C’est dans ce cadre que Grand Paris Aménagement a lancé un projet nommé Cycle-terre, visant à réutiliser les matériaux des déblais issus des travaux de la prochaine gare Sevran – Livry du Grand Paris Express. Un projet qui vise aussi à mobiliser un réseau d’acteurs afin de mener une réflexion plus globale sur la revalorisation de la terre dans la construction.

Véritable chantier d’expérimentation, Cycle-terre est voué à devenir un démonstrateur industriel pour la ville durable, mobilisant acteurs du territoire, acteurs de l’aménagement, experts et laboratoires dans le but de se pencher pleinement sur cette problématique dans une logique de circularité et de renouvellement de l’approche constructive de nos villes ! Il s’agit de remettre au cœur des projets, ce matériau oublié, local, écologique, naturel et disponible, utilisé depuis la naissance des premières villes.

Alors qu’est-ce que Cycle-terre ? Quelles sont les ambitions de ce projet et comment va-t-il permettre de faire émerger une nouvelle filière en lien avec les territoires et les métiers de la construction ?

Des montagnes de terres au site de stockage de Villeneuve-sous-Dammartin

Des montagnes de terres au site de stockage de Villeneuve-sous-Dammartin ©Schnepp Renou

La terre, un matériau d’avenir !

Comme on l’a dit, ce projet cherche à revaloriser les terres excavées pour le Grand Paris Express, et plus généralement, pour l’ensemble des projets d’aménagement. Aujourd’hui encore considéré comme un déchet, ce projet cherche à changer l’image de ce matériau. En effet, aucune valorisation des terres n’est mise en place actuellement, puisque les terres sont envoyées dans des sites de retraitements dans la région, pour être stockées. De plus, sur place, les terres de bonne qualité sont mélangées avec d’autres bien plus médiocres. Un gâchis à réparer ! De plus, la plupart des sites de stockage sont saturés et les anciennes carrières sont comblées. La réutilisation des terres, en plus d’être garante d’une approche circulaire et écologique évidente, est un enjeu pour les territoires.

S’ajoute à cela un constat frappant, celui d’une grande méconnaissance de ce matériau dans le domaine de la construction. Les constructeurs savent utiliser le béton mais peu sont conscients des propriétés de la terre. Il faut dire qu’il s’agit d’un matériau complexe, qui dépend du contexte des sols récupérés et qui nécessite une approche sur mesure. En effet, la terre, selon les lieux et l’histoire, est bien différente. Une contrainte qui permettrait aussi de reterritorialiser l’architecture. Avec ce matériau, nous sommes dans un nouveau paradigme pour la construction de la ville : au lieu de chercher comment mettre en œuvre une idée de conception, il s’agit de partir du matériau, de ses propriétés pour le transformer et en faire de l’architecture.

On assiste cependant aujourd’hui à un véritable attrait pour la terre, notamment parce qu’elle questionne la conception, aussi pour les raisons écologiques évoquées, mais aussi car elle possède de très bonnes propriétés pour la construction. Le sous-sol de la région parisienne est propice à son utilisation, avec par exemple 5 à 20% d’argiles, un liant important pour la réalisation de briques.

Un champ d’expérimentation

Le projet Cycle-terre est un prolongement de la réflexion « Du déblai à la brique de terre crue » menée par Joly&Loiret architectes, deWulf et amàco. Il s’agissait d’une expérimentation, qui dura six mois en 2017, et qui consista à transformer des déblais de chantier en briques de terre crue pour le bâtiment. Cycle-terre va plus loin, change d’échelle en proposant de créer une filière terre pour les matériaux de construction de la ville de Sevran. Les terres seront en effet triées en fonction de leur composition, puis réutilisées pour tout un ensemble d’éléments (brique, panneaux d’argile, terre allégée, enduits) qui alimentent l’opération d’aménagement « Sevran Terre d’Avenir ». Pour mettre en œuvre leur conception, une Fabrique sera créée.

Actions Innovatrices Urbaines (AIU) a pour objectif de fournir aux villes européenne les ressources pour expérimenter des solutions innovantes

Actions Innovatrices Urbaines (AIU) a pour objectif de fournir aux villes européenne les ressources pour expérimenter des solutions innovantes ©uia-initiative.eu

C’est le soutien du fonds européens « Actions Innovatrices Urbaines » qui a permis de monter le projet, avec un financement significatif qui montre aussi qu’on attend des retombées au-delà du projet lui-même. Ce dernier a pour but de soutenir la mise en œuvre de solutions nouvelles et innovantes pour répondre aux futurs défis des aires urbaines de l’Union Européenne. Cela a permis un financement de près de 80% du projet « Cycle-terre ». Une véritable chance, qui vise à permettre au projet d’être testé grandeur nature et de concrétiser différents prototypes sans craindre de prendre des risques. “On finance l’échec possible, ce qui rend possible la réussite. En ayant la liberté d’échouer, on prend plus de risques à réussir l’incroyable”, évoque lors d’une conférence sur le projet à la Cité de l’architecture, Magali Castex, pilote projet démonstrateur industriel Cycle-terre pour Grand Paris Aménagement.

Un écosystème d’acteurs riche mobilisé

Utiliser de la terre des déblais des chantiers pour construire la ville durable de demain peut apparaître comme simple, et pourtant cette ambition a demandé la mise en place d’un projet long, complexe et mobilisant de nombreuses compétences. Le projet Cycle-Terre a pu naître grâce à un alignement de planètes trouvant son origine dans une volonté politique et citoyenne forte pour ce sujet, dans l’optique de changer le domaine de la construction vers une ville plus circulaire et durable. La mutation des territoires en raison de la crise environnementale est aussi une des raisons de ce nouveau défi et enfin, la redécouverte de l’histoire de construction en terre par une mise à disposition toujours plus grande de ce matériau dans les chantiers a influé positivement sur la mise en place d’un tel projet.

Le projet Cycle-terre réunira des acteurs complémentaires autour de la construction en terre crue

Le projet Cycle-terre réunira des acteurs complémentaires autour de la construction en terre crue ©darchitectures.com

L’ambition fut donc aussi de créer un réseaux d’acteurs autour d’une filière de construction nouvelle. Ainsi, l’opération menée par 5 laboratoires (Laboratoire IFFSTAR, CraTERRE, Amaco et Sciences Po Paris) et toute une chaîne de compétences. Parmi eux, le laboratoire CraTERRE qui depuis 40 ans développe un savoir sur la terre et qui est devenue une référence mondiale sur la terre crue, mais aussi un cabinet d’architecture Joly&Loiret Architectes, qui se sont spécialisés dans la construction en terre crue. Ses acteurs sont source de connaissances scientifiques fondamentales, et l’enjeu de ce projet est de puiser dans celles-ci pour développer des innovations et des techniques contemporaines afin de répondre aux besoins actuels dans le domaine de la construction afin de faire de la terre un matériau comme les autres.

Un projet pionnier pour la création d’une filière Terre !

Le projet Cycle-terre ambitionne donc de devenir le premier exemple de production industrielle de matériaux en terre pour une opération d’aménagement, l’écoquartier “Terres d’avenir de Sevran”. Grand Paris Aménagement souhaite à partir de ce projet constituer toute une filière. Dans ce but, Cycle-terre est un projet complet qui développe un atelier-fabrique pour l’expérimentation et la fabrication des matériaux en terre crue (notamment les briques). On y formera tout le réseau de la construction – architectes, promoteurs, artisans, constructeurs – selon leur besoin avec des formations très courtes d’une journée (pose de briques) à des formations plus longues visant à savoir comment concevoir avec la terre.

En prolongement, Grand Paris Aménagement utilisera la commande publique comme levier pour le développement de cette filière, à travers ses cahiers des charges de cession de terrain et en intégrant des prescriptions sur les matériaux de construction. L’écoquartier “Sevran – Terres d’avenir” intégrera donc la construction en terre crue et sera le point de départ du développement de la filière qui ensuite se développera dans d’autres projets pour entrer doucement dans les pratiques de l’ensemble des acteurs et communes.

L’écoquartier Sevran - Terres d’avenir se veut exemplaire pour ses actions en faveur d’un développement durable du territoire

L’écoquartier Sevran – Terres d’avenir se veut exemplaire pour ses actions en faveur d’un développement durable du territoire ©citedelarchitecture.fr

D’ailleurs, la suite de cette phase test est déjà toute trouvée ! Grand Paris Aménagement envisage la publication d’un livre, bible de la construction terre, pour que chaque acteur puisse se former sur le sujet. De plus, une unité de fabrication fonctionnelle sera développée en 2019, et une exposition nommée « Terre de Sevran » verra le jour pour capitaliser les connaissances développées grâce au projet et permettre un maximum d’acteurs d’en apprendre plus sur ce matériau.

Cycle Terre semble donc être la première étape pour l’émergence de projets en terre crue dans le paysage de nos villes. Demain, après la renaissance de ce matériau, on peut imaginer des quartiers en terre plus durables et circulaires, en parfaite harmonie avec la nature et les enjeux écologiques actuels et futurs.

LDV Studio Urbain
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Vos réactions

Kaitandjian
19 octobre 2018

C’est bien si on est certain qu’il n’y a pas de polluants dedans: des liants nécessaires à la tenue mécanique, produits chimiques dont on voit plus tard que leurs émanations détériorent la santé (pesticides, plomb, solvants), fibres dangereuses (amiante), vapeurs, radiations, germes dormants, etc

Barbier
15 décembre 2018

Bonjour
A la lecture de cet article ke m interroge sur le lieu choisi poir cette fabrique.
Elle va se situer sur une avenue et collée à la sortie du rer b sebran livry et également au pied des résidences.
Avec les problèmes de circulation qui handicape le centre ville il aurait été plus judicieux de l installer sur une surface plus éloignée. Surtout qu il y a de la place sur sevran.
Et les camions, ne pensez vous pas que les allers et venues vont à l encontre des principes écologiques .
Je suis perplexe…et un peu choquée
Bien à vous.

MAMADOU Claude
30 octobre 2019

Je suis très intéressé par ce type de projet pour l’exporter en Afrique qui fait usage des briques en agglo pur les constructions de maisons ou des briques en terres cuites, ce qui a un impact considérable sur la déforestation.
Je souhaite rencontrer les promoteurs de ce projet pour tout échange. Vaste projet pour l’Afrique et créateur de milliers d’emplois dans le bâtiment et travaux publics.

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