Culdesac, le quartier résidentiel sans voitures

Culdesac se veut être piéton, végétalisé, avec des commerces et une vie de quartier © Culdesac
12 Oct 2022 | Lecture 2 min

Cela ressemble en tout point au suburb typiquement américain, à un détail près. Dans ce projet immobilier de la banlieue de Phoenix en Arizona, pas de parking ni de voitures : la résidence prône le rapprochement des habitants et met à disposition différentes solutions de mobilité à la demande.

Le nom fait penser à un échec annoncé et pourtant le projet de Culdesac a de beaux jours devant lui. Culdesac est un promoteur immobilier et gestionnaire d’immeuble américain qui est en train de construire de toutes pièces le premier quartier sans voiture aux États-Unis. Reprenant à contrepied le terme des impasses spécifiques à l’urbanisme des suburbs, il en propose une version rafraîchie, tournée vers les mobilités douces et la vie de quartier.

Voiture interdite

Le projet consiste en une parcelle de 70 000 m2 (soit 10 terrains de foot) qui accueillera à terme 636 appartements et près de 1 000 habitants. Elle sera composée de sept petits immeubles de deux ou trois étages pouvant loger plusieurs familles. En signant le bail, les locataires s’engagent à ne pas garer de véhicule dans un rayon de 400 mètres. Les seules places de parking seront celles réservées aux clients du restaurant, du supermarché ou aux livreurs. Les habitants pourront donc prendre le tramway (dont le pass est compris dans leur loyer) et encore le bus Orbit (gratuit) qui s’arrête devant la résidence. Pour compléter l’offre de mobilité, Culdesac a noué des partenariats en masse. Sur place on pourra louer des véhicules électriques Envoy ou des trottinettes Bird à tarif préférentiel. Le géant du VTC Lyft a rejoint le conseil d’administration du promoteur et le magasin de vélo local est aussi partenaire.

Sur son site, l’entreprise alimente un blog qui détaille sa démarche. On est surpris d’y découvrir des petits cours d’urbanisme aux accents progressistes : un article sur Jane Jacobs et les conditions pour une bonne vie de quartier, un article sur le cercle vicieux des réglementations pour la voiture, un autre sur les techniques de construction permettant de créer de la fraîcheur ou encore un papier sur l’aménagement en faveur des femmes. En fait, la plupart des bonnes pratiques évoquées sur Demain la Ville y sont discutées.

Dans cette ville exposée aux très fortes chaleur, l'architecture est pensée pour créer de la fraîcheur © Culdesac

Dans cette ville exposée aux très fortes chaleur, l’architecture est pensée pour créer de la fraîcheur © Culdesac

L’immobilier politique

Le projet de Culdesac à Tempe assume de briser des tabous sur l’aménagement américain. En premier lieu, il conteste le modèle de développement centré sur l’automobile. Les fondateurs se présentent comme les « promoteurs immobiliers de l’ère post-automobile ». La tâche n’a rien de gagné d’avance : Tempe est une ville de la banlieue de Phoenix, capitale de l’Arizona. Elle se situe sur l’ancienne Highway 60 qui compte parmi les voies historiques de migration vers l’ouest. Haut lieu de la « car culture », l’agglomération compte 5 millions d’habitants et elle affiche l’un des plus mauvais scores de marchabilité des grandes villes américaines. Dire qu’elle est entièrement conçue autour de la voiture n’a rien d’excessif.

D’ailleurs, il ne s’agit pas simplement des infrastructures routières dont la ville hérite mais aussi d’un environnement économique et légal. Comme dans la quasi-totalité des villes américaines, le règlement urbain prévoit une surface minimum dédiée aux parkings pour chaque projet immobilier. Ce pré-requis force à rester dans le modèle tout-voiture, il augmente le coût final des opérations et rogne sur les mètres carrés habitables ou les espaces verts. Pour récupérer ces mètres carrés, Culdesac a dû négocier des dérogations aux règlements d’urbanisme avec les autorités pour un complexe zéro parking, une première aux USA.

Photo aérienne du chantier : la forme urbaine entend dynamiser la vie piétonne © Culdesac

Photo aérienne du chantier : la forme urbaine entend dynamiser la vie piétonne © Culdesac

La maison manquante

Autre tabou, Culdesac s’attaque au modèle des suburbs et de la maison individuelle. Cela peut sembler difficile à comprendre d’un œil européen, mais le développement urbain aux États-Unis n’a jamais (ou très rarement) laissé la place aux bâtiments de moyenne densité. « Depuis soixante-quinze ans, nous n’avons que deux modèles de construction dans ce pays. Soit des maisons individuelles, soit des immeubles élevés » explique Daniel Parolek.

Cet architecte urbaniste a justement développé le concept de « logement intermédiaire manquant » (missing middle housing), pour désigner l’absence de solution intermédiaire. Pour lui, les bâtiments de quelques étages où peuvent vivre plusieurs familles permettent la bonne densité, au carrefour de l’efficacité économique, de la vie de quartier et de la durabilité. Par ailleurs, c’est une solution à la crise du logement et à certains mécanismes de ségrégations. Son concept inspire de nombreuses villes aux États-Unis qui tentent de défaire peu à peu les blocages économiques et réglementaires. En 2019, la ville de Minneapolis et l’État d’Oregon ont voté des textes dans ce sens.

Aux États-Unis, il n'existe quasiment aucune solution entre la maison individuelle et les tours élevées © Missing Middle Housing

Aux États-Unis, il n’existe quasiment aucune solution entre la maison individuelle et les tours élevées © Missing Middle Housing

Usbek & Rica
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