Contre l’isolement, le bus qui muscle le lien social

Chaque année en France, 300 commerces ruraux mettent la clé sous la porte tandis que 823 communes  nouvelles sortent de terre. Ces communes rurales, regroupées pour des raisons administratives, ont peu d’histoire et de liens sociaux en partage. Elles manquent de services, de commerces et ont un défi de taille à relever : se fabriquer une nouvelle identité. Face à cela, Clara Delattre, jeune designer à l’École de design Nantes Atlantique a réfléchi : comment raviver la cohésion sociale et fabriquer une culture commune à ces nouveaux villages ?

Un point de départ : Les Portes du Coglais

Le lieu d’expérimentation idéal

Clara Delattre, étudiante au City Lab de l’École de Design Nantes Atlantique, a choisi de projeter son expérimentation sur un territoire qu’elle connaît bien. Il s’agit des Portes du Coglais, dans le département d’Ile-et-Vilaine. En 2017, les communes de Coglès, Montours et la Selle-en-Coglès ont fusionné pour créer une commune nouvelle où vivent désormais 2359 Coglaisiens.

Un dialogue citoyen pour cerner les enjeux 

Sur place, la designer a cartographié le bien-être matériel et immatériel des habitants avec une matrice FFOM du territoire.  En collaboration avec 7 participants habitants des communes déléguées et du chef-lieu, ils ont identifié les enjeux suivants :

• créer du lien social ;
• consommer plus local ;
• favoriser la mobilité douce ;
• responsabiliser la population ;
• créer de l’emploi local ;

Ce dialogue citoyen a notamment fait ressortir qu’aucun lieu d’entraide n’était identifié et que les lieux de discussion se faisaient rares. Bien que “tout le monde se connaisse” et que des évènements associatifs rythment la vie locale, certaines pratiques sociales se perdent : l’entraide ou encore l’attachement à la commune.

Arrêt à Cogligne : le tiers-lieu mobile qui réinvente la vie de village

Des déséquilibres qui abîment le lien social

Le déséquilibre entre les anciennes communes se fait à 3 niveaux :

•  déséquilibre des flux entrants et sortants ;
• déséquilibre des services et commerces ;
• déséquilibre au niveau évènementiel.

Par conséquent, le phénomène de distance sociale et physique ainsi que le manque d’attrait pour la commune prennent de l’ampleur. Ces dynamiques encouragent les Coglaisiens  investir davantage le territoire avec des évènements ludiques et rassembleurs.

Face à ces constats, la designer a orienté son projet autour des objectifs subséquents :

• trouver un outil ou service qui créerait une culture commune aux 3 populations ;
• organiser la diffusion du bien-être immatériel à l’ensemble de la commune ;
• investir des lieux délaissés lors d’évènements festifs.

Cogligne: le bus qui fédère, unit et ravitaille

Ce bus possède de multiples fonctions. Tiers-lieu mobile, il dépasse la simple fonction de transport collectif en offrant un soutien quotidien aux commerçants et un accès à une série d’animations socioculturelles.

Scénarios d’usages

Une application dédiée permet à l’usager de réserver sa place sur le trajet de Cogligne. Prenons l’exemple d’Hélène, habitante de Montours, qui souhaite se rendre au vide-grenier de Coglès prévu samedi prochain.

Elle pourra :

• réserver sa place sur Cogligne ;
• passer l’après-midi à chercher la perle rare au vide-grenier ;

• repérer l’horaire de retour du bus ;
• rentrer chez elle satisfaite, les bras remplis de merveilles à prix doux.

Voici un autre exemple. Ce vendredi soir, le comité des fêtes organise une soirée guinguette à Montours. L’information circule sur l’application. Le bus, cette fois-ci, abrite du mobilier pliable provenant de la salle des fêtes municipale.  Une fois arrivé à Montours, le véhicule se transformera en bar, accueillant les passants et curieux des 3 communes.

Le bus, modulable, peut également se transformer en galerie d’art ou faire office de livreur. Imaginons qu’Alice, fringante octogénaire, ait tout de même du mal à se déplacer. Elle aimerait faire ses courses à la supérette du coin et réserver à la médiathèque les meilleurs romans de l’été… Grâce à Cogligne, elle pourra  :

• commander ses courses au supermarché ;
•  puis réserver en ligne ses livres favoris à la médiathèque.

                                                              scénario d’usage Cogligne

Lors de sa tournée, Cogligne s’arrêtera devant sa maison pour lui déposer victuailles et nourriture pour l’esprit !

 À l’arrivée : un modèle à essaimer dans l’hexagone

Les acteurs de Cogligne

Les mairies et mairies déléguées portent et développent le projet, en partenariat avec les associations et commerces locaux. Les usagers sont, bien entendu, les habitants de la commune.

Une communication numérique et papier

L’application Cogligne donne accès aux horaires, itinéraires de bus et programme évènementiel local. Une borne digitale permet à la fois de consulter le planning des évènements et de proposer une idée d’évènement.

                                                                  borne digitale Cogligne

Le magazine communal et des programmes imprimés complèteront cette stratégie de communication simple et efficace.

L’adaptation de ce projet se fera en fonction des vécus et expériences des utilisateurs. Le réseau d’acteurs s’élargira progressivement et permettra l’adaptation de Cogligne à d’autres communes, afin que la méthodologie du projet soit “franchisée”.

Ce projet met en lumière la manière d’habiter le territoire rural. Clara Delattre nous propose de le questionner : comment le vit-on au quotidien, quels sont ses manques et lacunes ? Comment le rendre plus agréable et plus vivant ? Comment rassembler des habitants provenant de différentes communes sous une identité nouvelle ? Cogligne est une solution agile, fûtée, plurielle qui conjugue mobilité douce, animation socioculturelle et développement économique pour réinventer la vie de village.