Construire dans les jardins : une solution pour densifier les villes ?
Densifier la ville via les quartiers pavillonnaires pour éviter l’étalement urbain, c’est l’ambition d’un nouveau concept : le BIMBY (Build In My Back Yard, construis dans mon jardin). Un procédé d’urbanisme qui répond aux ambitions de la ville durable en proposant une solution collaborative entre les collectivités et les habitants à l’enjeu de l’artificialisation des sols.
Alors que le NIMBY (« Not In My Backyard », pas dans mon jardin) est un mouvement d’opposition des riverains qui consiste à refuser un projet urbain, petit ou grand, à proximité de son lieu de résidence, le BIMBY (« Build In My Backyard », construire dans mon jardin) vise au contraire à favoriser une densification des espaces résidentiels en construisant dans les jardins trop grands.
Ce procédé initié en 2009 par Benoit Le Foll et David Miet permet de développer une alternative à l’étalement urbain en mobilisant un foncier déjà urbanisé, celui des jardins pavillonnaires, pour construire de nouveaux logements, le tout grâce à des projets orchestrés par les collectivités territoriales et en collaboration avec les habitants.
Le but n’étant pas de détruire le bâti déjà existant, mais de s’inscrire dans une politique de densification douce en profitant d’un potentiel important de jardins trop grands en France.
Le parc français de maisons individuelles est estimé par l’INSEE à 19 millions d’unités, avec une taille moyenne de parcelle de 1 000 m2 et une taille médiane des jardins d’environ 600 m2. […] Si chaque année un propriétaire sur cent décidait de réaliser une opération BIMBY, ce seraient quelques 190 000 logements qui émergeraient sans aucun étalement urbain, soit l’équivalent de la production actuelle de maisons individuelles, ou encore l’équivalent de la production annuelle de logements collectifs – production qui s’effectue, dans les deux cas, essentiellement en extension urbaine
expliquent à ce sujet David Miet et Benoit le Foll dans leur ouvrage Construire dans mon jardin et résoudre la crise du logement.
Construire dans son jardin plutôt qu’étaler la ville
Le BIMBY, en apportant une réponse à la crise du logement sans pour autant artificialiser de nouvelles terres, s’inscrit donc dans une démarche de ville durable. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que le BIMBY est l’un des concepts à l’origine de l’entreprise Villes Vivantes en 2013. Cette entreprise, fondée par David Miet, se positionne comme l’acteur principal du BIMBY en France et expérimente cette pratique sur différents territoires français afin de proposer une solution d’urbanisme durable.
La première opération de Ville Vivantes a commencé à Périgueux, en 2016 et ce avec un objectif de production de 100 nouveaux logements dans les jardins des habitants de la ville. Alors que l’opération BIMBY, pilotée par l’entreprise prend la forme d’un service de conception proposé à tous les propriétaires souhaitant faire évoluer ou transformer leur patrimoine, ce sont au total 250 porteurs de projets qui ont participé à l’opération de Périgueux.
Au bout de 30 mois et de nombreux ajustements du protocole d’intervention, ce sont 101 projets qui se sont concrétisés. Une opération réussie qui a donc été reconduite avec un nouvel objectif de 150 logements BIMBY supplémentaires en 3 ans.
Mais construire à partir de ce qui est déjà là plutôt qu’artificialiser de nouvelles terres demande des compétences différentes que celles des projets d’urbanisme traditionnels. Transformer ce qui est déjà habité plutôt que construire sur un terrain vierge suppose de prendre en considération de nouvelles variables : relations de voisinage, accès empruntés quotidiennement, vis-à-vis…
En outre, il s’agit pour ces projets de faire comprendre à un habitant ce qui peut être fait de sa parcelle, de le faire arbitrer entre les enjeux de surconsommation spatiale et de sous-utilisation sociale, et de l’accompagner afin qu’il devienne le maître d’ouvrage d’un projet parfois complexe. Ce sont donc des projets qui doivent être menés main dans la main avec les habitants.
L’habitant comme maître d’ouvrage : une nécessaire collaboration
Mener à bien des projets BIMBY suppose effectivement de faire de l’urbanisme de façon horizontale. Car si le gisement foncier de la densification douce est immense, il n’en reste pas moins qu’il se situe en propriété privée. Plus que concerter les habitants, il s’agit donc d’établir un rapport de partenariat avec eux car ils représentent finalement « les véritables maîtres d’ouvrage des projets qui constituent la matière première de l’opération » expliquait à ce sujet David Miet, fondateur de l’entreprise Villes Vivantes.
Dans les projets BIMBY, ce n’est pas la collectivité qui rachète les terrains, c’est bel et bien les habitants qui décident de leur réalisation ou non en fonction de leurs envies. Il s’agit donc de partir des besoins réels des habitants, invités à rencontrer des architectes qui peuvent les conseiller pour densifier leur parcelle.
Si ces besoins peuvent être très différents d’un habitant à l’autre, il n’en reste pas moins que plusieurs situations font d’une opération BIMBY une réponse pertinente à ces besoins. Et pour cause, sur les 4 000 entretiens individuels BIMBY réalisés par Villes Vivantes depuis 2013, 60% des ménages envisagent un projet de construction d’un nouveau logement sur leur parcelle à court ou moyen terme.
Pour beaucoup de ménages vieillissants par exemple, arrivés très tôt dans ces espaces, leur maison individuelle finit par devenir trop grande pour leur mode de vie. Avec le départ des enfants, le grand jardin n’a plus vraiment d’utilité et les habitations sur garage semi enterré deviennent inadaptées lorsque surviennent les problèmes de mobilité liés à l’âge.
Ainsi, la division de parcelles par des opérations BIMBY permet de prendre en charge plusieurs problématiques parmi lesquelles celles, non seulement de permettre aux ménages vieillissant d’aménager dans une construction adaptée à leur situation sans perdre de capital par l’achat d’un terrain, construction qui peut se situer à seulement quelques pas de leur ancienne habitation, mais aussi de densifier des territoires pour le moins diffus. De la sorte, les collectivités locales sont à leur tour en moyen de proposer une solution aux ménages qui cherchent à se loger à prix corrects sans trop s’éloigner des centres urbains.
Des projets d’urbanisme orchestrés par les collectivités locales
Du côté des collectivités locales l’objectif est donc double : produire du logement en dépassant les problèmes et les controverses relevant du NIMBY et réduire les coûts d’aménagement en limitant la consommation de foncier agricole. La démarche BIMBY en permettant de mettre en œuvre une densification douce maîtrisée semble donc être une réponse pertinente à ce double enjeu.
La collectivité impliquée dans le projet a donc un rôle opérationnel à jouer qui consiste à associer les propriétaires de maisons individuelles à un projet de territoire durable et fédérateur. Une ambition que les collectivités semblent prêtes à relever puisque par exemple entre 2014 et 2018 c’est environ 80 territoires, de toute taille, qui se sont engagés dans une opération BIMBY et qui ont fait preuve de ses bénéfices.
La Communauté Urbaine Creusot-Montceau qui bénéficie déjà de 80 logements BIMBY vise désormais la production de 100 logements BIMBY chaque année, soit 30% de ses objectifs de production neuve. Une solution qui est d’autant plus pertinente pour les territoires où l’accès au bâti est complexe. Dans un contexte de marché immobilier tendu, Périgny, la Communauté d’Agglomération de La Rochelle, Anglet, Bouloc, Annemasse ou encore Guérande ont fait le choix d’inscrire dans leurs règlements d’urbanisme des objectifs BIMBY ambitieux.
À l’échelle nationale, le projet BIMBY entame aujourd’hui une phase de passage à l’échelle et ambitionne de produire chaque année en France 200 000 terrains à bâtir sans étalement urbain, au cœur des villes et villages de l’ensemble du territoire. Un passage à l’échelle qui devra cependant se faire en étroite collaboration avec les collectivités afin de respecter les besoins et contraintes de celles-ci notamment en termes d’infrastructures qui pourraient sinon voir à terme leurs capacités dépassées.
Enfin, les collectivités pourraient avoir un rôle d’autant plus important dans ces projets que le scénario « diviser son terrain pour accueillir un voisin dans son jardin » ne représente finalement que la moitié des cas de BIMBY. En effet, il peut y avoir des projets très différents qui rentrent dans cette catégorie comme la reconfiguration de locaux ou zones d’activité privés ou publics. « Si le principe est le même en apparence, il y a encore de nombreux défis à relever pour ce type de projet. La recherche et développement est loin d’être finie ! » précise à ce sujet David Miet.
Vos réactions
Bonjour, je ne comprends pas en quoi c’est une solution contre l’artificialisation des sols. Les jardins ont une place importante dans les schémas de continuité écologique et travailler avec le particulier sur l’accueil de la biodiversité et la protection de l’environnement à partir du jardin est une force pour ces schémas. Il n’y a qu’à voir les chiffres sur les unités foncières et la moyenne des terrains présentés ici 19millions * 1000m2 d’espace vert, c’est colossal ! Ne faut-il pas travailler avant tout sur la restauration et la transformation de l’existant inhabité, voir habité ? Il y a aussi de très grandes demeures dans lesquels des personnes âgées ne vivent plus que dans la cuisine et dans la pièce d’à côté où un lit médicalisé a été aménagé.