Connectography, la montée en puissance des mégavilles
L’expert en relations internationales Parag Khanna dresse un état des lieux de la connectivité globale dans son dernier ouvrage Connectography: Mapping the Future of Global Civilization. Il annonce le transfert du pouvoir des États vers les mégavilles, avec des conurbations dont le rôle politique va continuer à s’affirmer.
L’essai de Parag Khanna révèle la démesure qui caractérise les mégavilles d’aujourd’hui. Les chiffres sont frappants : la population de Mexico et de son agglomération dépasse celle de l’Australie, soit plus de 22 millions d’habitants ; la superficie de Chongqinq, une « collection d’enclaves urbaines connectées », égale celle de l’Autriche ; la mégalopole japonaise, dite ceinture de Taiheiyo entre Tokyo et Osaka, représente les deux tiers de la population japonaise, soit 105 millions d’habitants sur seulement 6 % du territoire. L’heure est à la démesure.
Des villes fonctionnelles
Pour Parag Khanna, l’augmentation des échanges et des communications mène à la disparition progressive des frontières traditionnelles des États. Certaines mégalopoles comme Sao Paulo, Mumbaï-Pune ou celle du delta de la Rivière des Perles rattrapent en termes d’influence politique et économique les mégalopoles américaines et européennes. Faute d’États viables, les villes qui savent se montrer « fonctionnelles » tirent leur épingle du jeu dans la mondialisation et voient leur rôle et leurs responsabilités monter en puissance.
Indifférence envers les campagnes
L’auteur souligne un paradoxe intéressant : les mégavilles, toutes reliées entre elles par des câbles internet et des voies de communication, se trouvent souvent déconnectées du reste du pays. Les villes font office « d’îlots de gouvernance et d’ordre dans des États faibles, où elles prélèvent quelques loyers dans la campagne, tout en étant indifférentes à elle. C’est ainsi que Lagos considère le Nigéria, Karachi le Pakistan et Mumbaï l’Inde. Le moins d’interférence avec la capitale, le mieux ». L’émergence dans le monde des Zones Économiques Spéciales (ZES) témoigne d’une tendance pour les grandes villes à vouloir tirer un maximum de profit de ce système et de bénéficier d’une souveraineté adaptée.
Aerotropolis, des quartiers en voie de mondialisation
La notion d’aerotropolis – contraction de aéroport et metropolis – est reprise et développée par Parag Khanna. Ces quartiers voient le jour autour des aéroports et dessinent un développement urbain tourné vers le commerce et les échanges. D’un monde composé d’États-nations, nous serions désormais passés à « un monde de nœuds et de centres de transit (hubs »). L’auteur cite O’Hare à Chicago, Dulles à Washington ou Incheon à Séoul dont l’attractivité va de pair avec la connectivité mondiale. « Pour une entreprise, avoir son siège dans un aerotropolis est stratégique. L’aéroport est la porte d’entrée vers les marchés mondiaux alors que la ville voisine, et peu importe sa taille, est une destination pour la vente. » Parag Khanna dresse ainsi une cartographie adaptée à notre époque hyper-connectée et qui en dirait plus « sur les gens et l’argent que les cartes classiques avec 200 pays différents ». Sa philosophie ? « La connectivité, pas la géographie, est notre destin. »