Comprendre, informer, visualiser : comment appréhender la smart city ?
La « ville intelligente ». Si cette notion est aujourd’hui le cœur du business d’un bon nombre d’entreprises dans le monde, elle semble avoir toujours du mal à passer la barrière du grand public. Car ce que l’on met derrière ce terme « intelligent » paraît encore bien flou pour la fameuse Mme Michu. C’est ce que nous montre cette étude de Toluna (2014) dans laquelle 19% des Français déclarent qu’une « ville intelligente est une ville regroupant un nombre élevé d’établissements d’enseignement supérieur » ! Alors comment passer cette première barrière de la méconnaissance, comment amener davantage de personnes à envisager les possibilités offertes par la smart city et, ainsi, à favoriser son acceptation ?
Entre méconnaissance et méfiance : une smart city difficile à accepter
La non connaissance ou la méconnaissance de la smart city entraîne la méfiance de ses futurs utilisateurs. Peur du piratage, syndrome Big Brother, non adhésion … nombreux sont les freins à une acceptation massive du concept.
Et pourtant, ces craintes viennent souvent des mêmes personnes qui affichent leur vie sur les réseaux sociaux. Car le nerf de la guerre c’est la récolte de la data, une data difficile à appréhender et dont l’usage n’est pas toujours certain. L’aspect marketing à outrance est également un des facteurs de la difficulté à se projeter dans une smart city. Citons le cas des objets connectés, qui aujourd’hui peuvent davantage faire penser à des gadgets plus ou moins utiles. Brosse à dents, balance, ceinture ou même couches, aujourd’hui tout peut être connecté au « augmenté ». Et cette profusion contribue à alimenter la confusion : la smart city n’est-elle qu’un gadget parmi tant d’autres ?
Vers plus de lisibilité, de visibilité et d’accessibilité
Nous avons tous un petit côté Saint Thomas qui fait qu’on ne croit que ce qu’on voit. Et en matière de smart city, les difficultés sont nombreuses : non seulement la matière première est intangible, difficilement appréhendable, mais en plus les bienfaits ne sont pas forcément immédiats voire parfois à très long terme.
La Ville de Nantes a fait le pari du développement intelligent. Lisibilité, visibilité et accessibilité sont les mots d’ordre de cette mise en marche. Pour Francky Trichet, élu en charge du numérique et de l’innovation, « il faut d’abord proposer des démonstrations pour favoriser l’adhésion, adapter selon les quartiers et les temporalités ». Une des illustrations de cette politique, l’application « Nantes dans ma poche » propose aux citoyens des applications concrètes et pratiques de l’utilisation de leurs données : info trafic, horaires des transports en commun en temps réel, agenda des manifestations, demande d’intervention sur la voirie… Le plus ? L’application a été co-construite avec les habitants afin de répondre réellement à leurs besoins.
Le designer au service de la smart city
Pour faciliter l’acceptation des smart cities, le rôle des designers est indispensable. En plaçant les individus au cœur de leurs recherches, ils permettent de réaliser des projets répondant aux attentes et besoins de la population. Et quand les besoins physiques et émotionnels sont pris en compte, les projets de villes intelligentes sont alors compris et deviennent pertinents aux yeux des usagers. De plus, le designer peut recréer le lien parfois perdu entre représentants et individus. En effet, les discours des collectivités et entreprises ne paraissent pas toujours clairs et des modes de représentation plus accessibles et universels sont nécessaires. Croquis, scénarios d’usages et maquettes sont souvent appréciés pour leur faculté de sensibilisation et d’information tout en étant une alternative aux interfaces actuelles.
Par exemple, l’un des enjeux des smart cities est la mesure et la compréhension de la qualité de l’air extérieur. En effet, grâce aux capteurs, nous pouvons désormais connaitre la qualité de l’air extérieur à l’endroit où nous sommes. Pourtant, l’accès à cette information capitale est encore restreint et peu didactique. Floriane Massé, étudiante en deuxième année de cycle master Ville durable à L’École de design Nantes Atlantique, a choisi de s’intéresser à ce problème pour son Projet de Fin d’Études. Floriane traite ainsi de la visibilité de la qualité de l’air extérieur par le biais d’interventions urbaines. Il est alors question de sensibilisation douce et d’information non anxiogène en contournant les réponses systématiques à des écrans. Pour Floriane, « le projet s’intéresse à la qualité de l’air extérieur mais pourrait également s’adapter à tout autre enjeu des villes intelligentes, tels que la mobilité ou les consommations énergétiques ». Car la question de fond est identique : proposer une tangibilité et une lisibilité des données captées dans les smart cities.
Par Zélia Darnault, enseignante