Comment répondre aux enjeux sociaux et climatiques ?

Lylipad. la cité flottante pour les réfugiés climatique
15 Nov 2018

On l’a vu dans une première partie, le développement de projets de villes flottantes implique de réfléchir à une urbanité capable de répondre aux problématiques liées à la raréfaction des terres et du développement durable. Pour autant, ce modèle urbain peut-il répondre demain aux enjeux sociaux et climatiques de plus en plus prégnants ?

Lylipad. la cité flottante pour les réfugiés climatique

Lylipad. la cité flottante pour les réfugiés climatiques ©Vincent Callebaut Architecture

Quand les villes flottantes deviennent libertariennes

Les prévisions migratoires et le prix de ces nouvelles constructions nous interrogent donc sur les financeurs de ces futures infrastructures. Les populations les plus défavorisées et les plus vulnérables, mais aussi les plus nombreuses, sont concentrées dans l’hémisphère sud. C’est la partie de l’humanité la plus menacée par le réchauffement climatique et par la montée des eaux, elle est donc la plus concernée par les migrations et les réinstallations sur de nouveaux territoires. Sans compter que cette population, majoritairement urbaine, fait aussi face à des crises systémiques plus marquées comme le creusement des inégalités, des disparités socio-économiques et l’augmentation de la pauvreté. Alors comment répondre à ces enjeux ?

Le projet Lilypad, emblème du concept de villes flottantes, imaginé par l’architecte Vincent Callebaut, est une ville écologique flottante multifonctions de grande envergure destinée à accueillir 50 000 réfugiés par structure flottante, un vrai écosystème en lui-même. Toutefois, son coût de construction questionne. Compte tenu des différences historiques de croissance et de développement entre les pays et des rapports de domination qui ont engendré des enjeux urbains systémiques plus particulièrement dans l’hémisphère sud, il est logique de penser que les pays développés devraient participer au financement d’infrastructures de telles envergures.

Pourtant, plusieurs projets naissants sont imaginés grandioses et certains sont même vus comme des villes libertariennes pour les plus aisés. C’est le cas d’Artisanapolis, imaginé par les maîtres de la Silicon Valley et dont l’une des caractéristiques est de s’affranchir des Etats pour créer des communautés offshores. Le m2 avoisinerait les 4000 euros et la ville pourrait voir le jour à la fin du siècle dans les eaux calmes du golf Fonseca, en Amérique centrale. De son côté, la Polynésie française a donné son accord pour construire une ville flottante. Elle devrait voir le jour d’ici 2020 et faire office de vitrine technologique et durable pour cette fameuse philosophie libertarienne. Son coût oscille entre 30 millions et 50 millions de dollars américains.

Ces constructions, certes, autonomes et incluant la technologie au service du développement durable vont plus loin en allant jusqu’à contester la démocratie. Elles n’envisagent pas vraiment les concepts de villes frugales et de résilience urbaine, dont l’intérêt est justement de faire avec l’existant pour répondre aux stress quotidiens que subit la ville, que ce soit le manque de foncier pour habiter, de terres arables pour se nourrir ou encore le manque d’emplois… L’un des enjeux du développement durable est justement de s’appuyer sur l’économie circulaire, or produire sans cesse de nouveaux concepts de villes sans chercher à y répondre ne rejoint pas cette réflexion.

À condition qu’elles restent exceptionnelles et représentent quelques laboratoires isolés, dans le seul but d’innover et trouver des réponses aux enjeux contemporains, ces villes flottantes restent néanmoins intéressantes. Mais ces nouveaux territoires peuvent dans le pire des cas, créer un nouveau type de communautarisme élitiste, peu souhaitable pour la cohésion d’une population mondialisée, tel qu’on peut le voir dans la récente série brésilienne intitulée 3%.

Répondre aux enjeux immédiats : quels types de villes flottantes ?

Au-delà des prototypes de villes flottantes, imaginés en réponse aux prédictions de grands mouvements migratoires, les urbanistes peuvent participer à anticiper une montée des eaux, qui représente aujourd’hui environ 3 cm d’eau par an, par une approche plus globale des villes concernées par la montée des eaux. Ainsi, il est question ici d’imaginer et concevoir des infrastructures modernes plus résilientes rattachées aux villes terrestres, plutôt que de penser des villes flottantes ex-nihilo. Une manière de faire la ville qui a ses limites, comme l’a prouvé le cas des villes nouvelles construites de toute pièce et à partir de rien, sans connexion avec l’existant.

Des projets ont déjà emprunté cette voie comme c’est le cas de Battery Park, à New York. La pression foncière impose l’optimisation des espaces disponibles et notamment de ceux voués à être engloutis par la mer d’ici quelques années. Encore disponible pour quelques décennies, Battery Park est un parc urbain construit au bord de l’eau faisant office de barrière entre l’eau et la ville, afin d’éviter de futures pertes dommageables pour celle-ci, comme la dégradation d’habitations, d’activités ou de services. À Amsterdam, la solution trouvée à une pénurie de logements pour les étudiants a été de construire des conteneurs flottants dans un ancien site industriel : le port de l’île de Refshale. Pensée par la start-up Urban Rigger, ce projet écologique aux prix compétitif est, pour l’instant, à destination des étudiants, mais devrait également accueillir des migrants.

Conteneurs aménagés sur l’eau pour les étudiants d’Amsterdam

Conteneurs aménagés sur l’eau pour les étudiants d’Amsterdam ©Urban Rigger

Se révélant être un pays depuis longtemps confronté à la pression foncière et à la montée des eaux, les Pays-Bas accueillent de nombreux exemples de ce type de constructions flottantes. C’est le cas notamment dans le quartier de Waterbuurtt, un quartier d’IJburg où les habitations s’érigent sur des plaques de béton flottantes fixées à deux piliers dans l’eau et qui assurent une stabilité tout en suivant les variations du niveau de l’eau du lac IJmeer. Ces habitations ont quelques inconvénients comme la promiscuité ou encore une certaine déclivité quand le poids des pièces n’est pas équilibré, mais elles semblent plutôt satisfaire leurs habitants et pourraient être envisagés comme le début d’une transition vers des villes de plus en plus aquatiques.

Maisons flottantes à Ijburg, Waterbuurtt au Pays-Bas

Maisons flottantes à Ijburg, Waterbuurtt au Pays-Bas ©Stéphane Dreyfus

Ainsi, nos villes ne deviendront peut-être pas des îles flottantes et ne s’étendront pas éperdument sur les eaux non plus, mais elles se devront de continuer à répondre à des enjeux urbains (pression foncière, imperméabilisation des sols, protection de l’environnement) et d’en limiter les conséquences. Nourrir grâce à la pisciculture locale, réhabiliter des quartiers informels sur l’eau ou encore prévenir de la montée des eaux face à une pression toujours plus forte sont autant de propositions locales qui permettent de soutenir certaines villes dont le contexte socio-économique et environnemental implique d’expérimenter des méthodes d’adaptation à un nouvel environnement. On peut espérer que demain, telles des extensions urbaines raisonnables en symbiose avec leur environnement, nos villes littorales embrasseront terre et mer pour contenir tant qu’elles le peuvent, les enjeux urbains qui s’accumulent et que nous devons traiter de toute urgence.

LDV Studio Urbain
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