Comment faire évoluer la mobilité en territoire rural ?
1km pendant une heure. 100 km à vol d’oiseau. Dernièrement, notre mobilité a été mise à rude épreuve. Face aux restrictions de déplacements, nous n’avons pas tous réagi de la même façon. Évidemment, la psychologie de chacun joue un rôle important dans l’acceptation des contraintes. Mais ce que ces mesures ont également accentué, c’est l’inégalité territoriale à laquelle nous sommes confrontés. Car nous savions déjà qu’il existe une inégalité d’accès aux services entre territoires ruraux, péri-urbains et urbains. Mais quand nous sommes limités en durée et en distance ces services peuvent nous sembler encore plus lointains et inaccessibles. Alors comment faire évoluer la mobilité en territoire rural ? Comment inventer de nouvelles façons de se déplacer ?
Repenser les temporalités territoriales
La tradition française, c’est un patrimoine artistique immense, une gastronomie reconnue dans le monde entier, mais c’est aussi le fameux système centralisé. Et il faut bien reconnaître que celui-ci connaît ses limites, notamment en manière d’urbanisation. Résoudre les problématiques de mobilité territoriale c’est aussi passer du système de ville centre à un espace polycentrique. C’est ce nouveau cadre urbain que le professeur Carlos Moreno nomme « ville du quart d’heure » ou « territoire de la demi-heure » pour les espaces ruraux. Le principe : faire en sorte que chaque habitant puisse accéder à ses besoins essentiels de vie en moins d’un quart d’heure pour les territoires urbains et d’une demi-heure pour les territoires ruraux. Il s’agit donc de redéfinir l’urbanisme traditionnel monofonctionnel pour s’engager vers des territoires où les mixités de fonctions et d’usages permettent de repenser le territoire en termes de temporalités et non plus en termes de distances : bienvenue au chrono-urbanisme !
Tendre vers la matrice HQVS
Pour pouvoir penser le territoire rural en « territoire de la demi-heure », le professeur Carlos Moreno propose d’envisager l’urbanisme à travers ce qu’il appelle la matrice HQVS, quatre initiales qui désignent la Haute Qualité de Vie Sociétale vers laquelle nous devons tendre. Cette nouvelle grille de lecture du territoire nous invite à re-questionner l’urbanisme en termes d’accès à des besoins, ce que Carlos Moreno désigne sous le terme de « fonctions sociales urbaines » : habiter, travailler, s’approvisionner, être en forme, apprendre, s’épanouir. C’est l’accès à ces six « fonctions sociales urbaines » qui doit être garanti en moins d’une demi-heure en territoire rural.
Réduire les mobilités
C’est fort de ces concepts que Timothée Caron-Bernier, étudiant en deuxième année de cycle master à L’École de design Nantes Atlantique, s’est demandé comment maintenir du service en zone rurale pour réduire les mobilités, dans le cadre de son Projet de Fin d’Études. Il a choisi de se saisir d’une opportunité, pour le moment peu associée au territoire rural : le véhicule autonome. Ainsi, il s’est concentré sur la fonction de l’approvisionnement en proposant une camionnette autonome qui permettrait aux producteurs locaux de pouvoir vendre leurs produits plus facilement et sans être contraints par les horaires des marchés : « il s’agit de proposer une manière différente de s’approvisionner autour d’une façon plus raisonnée de se déplacer dans l’espace rural ». Intitulé Mobi Market, le service fonctionnerait grâce à une application, le tout dans une démarche de promotion de l’alimentation durable et raisonnée. Ainsi, le véhicule autonome offre non plus l’opportunité de se déplacer, car cela ne règle pas la problématique de la mobilité, mais de faire venir le service à soi. Un atout majeur pour le territoire rural.
Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique