Comment appliquer l’économie de partage à l’habitat ?

Photo by Jon Tyson on Unsplash
2 Mar 2020 | Lecture 4 minutes

Pour tous ceux qui sont nés ou qui ont grandi dans les années 1980, le partage évoque des chanteurs engagés pour les pays en voie de développement, des sacs de riz distribués en Somalie ou encore des grandes figures de l’aide humanitaire, comme Coluche ou Sœur Emmanuelle, nous incitant à partager nos biens avec ceux qui en ont besoin. Mais aujourd’hui, le terme de partage ne renvoie plus forcément à cette vision altruiste, et un véritable modèle économique s’est développé autour de ce terme.

BlaBlaCar ou Airbnb font la course en tête quand il s’agit de partager des biens et des services. Et l’économie de partage s’immisce de plus en plus dans notre quotidien, jusqu’à atteindre notre sphère la plus intime : l’habitat. Car, pour certains, appliquer l’économie de partage à l’habitat pourrait être une solution pour lutter efficacement et de manière durable contre les problématiques de logements qui touchent la plupart de nos grandes villes. Alors doit-on abandonner le doux rêve d’être propriétaire d’un pavillon avec jardin pour davantage penser usages, services et mutualisation ? Comment appliquer l’économie de partage à l’habitat ?

Comment passer d’espaces privés à des espaces partagés ? © Johanne Thuia

Comment passer d’espaces privés à des espaces partagés ? © Johanne Thuia

Dépasser le chacun pour soi…

L’un des principaux freins à l’adoption de l’économie de partage dans l’habitat reste la présence des autres. L’Homme est un animal social, mais pas trop… Pour bon nombre de personnes, le partage est possible s’il a lieu à tour de rôle. C’est le modèle bien connu des locations ou sous-locations entre particuliers : lorsque mon logement est libre parce que je suis en vacances, je conçois de le mettre à disposition de quelqu’un d’autre. Et on peut désormais aller plus loin : chaque logement comporte des temps d’utilisation et des temps de creux. Ainsi, les logements des Français sont vides en moyenne 8h par jour, en semaine. Ne pourrait-on pas alors imaginer que ce temps de vacance puisse servir à d’autres usages ? On peut pousser le raisonnement à l’intérieur de chacune des pièces de la maison, puisque la cuisine est utilisée environ 1h30 par jour, la salle de bain une trentaine de minutes. Ainsi, est-ce véritablement utile de posséder tous ces équipements quand on pourrait les mutualiser ? La difficulté majeure pour l’acceptation de ces nouveaux modes de vie reste notre définition des espaces privés et publics ainsi que le besoin de règles claires concernant le planning et l’utilisation des espaces en commun.

Pourrait-on imaginer mutualiser nos espaces de vie lorsque ceux-ci sont vacants ? © Johanne Thuia

Pourrait-on imaginer mutualiser nos espaces de vie lorsque ceux-ci sont vacants ? © Johanne Thuia

De l’habitat au « hub de vie »

Quand on interroge les usagers sur les pièces de leur habitat qu’ils sont prêts à partager, ce sont les espaces les moins intimes qui arrivent en tête de classement. Par exemple, 68% sont prêts à partager un garage, contre 11% seulement pour une cuisine. Mais si l’on change la donne et que l’on propose, en plus de partager un espace, l’ajout de services associés, les chiffres ne sont plus les mêmes. Ainsi, 38,9% des usagers seraient d’accord pour avoir une cuisine commune avec leurs voisins si celle-ci est augmentée de services (livraison, buanderie…). Proposer les bons services qui simplifient le quotidien et améliorent la qualité de vie est donc un atout indéniable à la mise en place d’une économie de partage à échelle de l’habitat. Le logement devient alors un habitat serviciel, un véritable « hub de vie ». Et chaque année, des individus sautent le pas en devenant propriétaires d’habitats partagés et mutualisés.

Economie de partage et habitat

La co-conception pour favoriser l’économie de partage

Si le développement d’habitats participatifs a le vent en poupe, nombreux sont ceux pour qui le cap semble difficile à passer, notamment en raison des difficultés administratives, techniques et de réalisation. Et si le design pouvait aider à passer outre ces difficultés ? C’est en tout cas la démarche de Johanne Thuia, étudiante en deuxième année de cycle master à L’École de design Nantes Atlantique. Dans le cadre de son Projet de Fin d’Études, elle a voulu concevoir un outil pour accompagner les habitants dans la mise en place de leur projet d’habitat participatif : « ces personnes ne sont généralement pas des professionnels de la construction, et l’habitat participatif est quelque chose de complexe à réaliser. J’ai travaillé sur un outil qui s’adresse aux futurs habitants et qui les accompagne dans la co-conception de leur cohabitation. Il a pour principal objectif de faciliter les discussions et la prise de décision en servant de support tangible et visuel. Il permet également de renforcer les capacités à créer du partage en mettant en avant le fait que réduire son espace de vie privée au profit d’espaces partagés augmente en fait la surface totale de notre habitat et nous donne accès à des espaces, services, équipements que l’on ne peut pas avoir dans un modèle d’habitat plus traditionnel ». Ainsi, la co-conception permet de remettre en question notre manière d’habiter traditionnelle mais aussi aux futurs habitants d’inventer, non seulement leurs espaces partagés, mais bien un véritable projet de vie.

Scénario d’usage présentant l’outil imaginé par Johanne Thuia pour co-concevoir des habitats participatifs © Johanne Thuia

Scénario d’usage présentant l’outil imaginé par Johanne Thuia pour co-concevoir des habitats participatifs © Johanne Thuia

Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique

L'École de design Nantes Atlantique
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