Comment amener davantage de mixité dans l’espace public ?
Chaque année, la date du 8 mars est l’occasion de dresser un bilan. On s’interroge alors sur la façon dont la place symbolique de la femme évolue dans notre société. Sur la façon dont les droits des femmes sont appliqués dans le monde. Mais au-delà de la place symbolique, la place physique de la femme continue elle aussi de nous poser question.
Il n’est plus à démontrer que l’espace public est souvent genré. Construit par des hommes et (consciemment ou inconsciemment) pour des hommes. Or, si physiquement il est difficile pour une femme de trouver sa place dans l’espace, sa place symbolique sera encore plus difficile à défendre. Comment alors amener davantage de mixité dans l’espace ?
Travailler sur les espaces de vie des jeunes
Si les questionnements liés à la mixité sont particulièrement visibles et problématiques à l’âge adulte, il n’en demeure pas moins que ceux-ci sont présents dès le plus jeune âge. La géographe du genre Édith Maruéjouls a par exemple étudié la répartition de l’espace dans les cours de récréation. Le résultat ? Cette répartition de l’espace est inégale. Les garçons occupent généralement le centre de la cour, endroit où sont présents les terrains de foot ou de basket. Les filles sont souvent, quant à elles, reléguées sur les côtés. Il apparaît alors que les lignes délimitant les différents terrains de jeux deviennent des lignes symboliques à ne pas franchir, des sortes de frontières entre territoires des filles et territoires des garçons. Dès lors, il apparaît fondamental de travailler sur les espaces de vie des plus jeunes. Car si les inégalités sont combattues dès le plus jeune âge, les principes de mixité et d’égalité deviendront un réflexe à l’âge adulte.
Vers une cour de récréation non genrée
Ce sont ces différents constats qui ont guidé Marianne Henry, étudiante en deuxième année de cycle master à L’École de design Nantes Atlantique, à s’intéresser à la mixité dans les espaces des écoles. Sa stratégie ? Permettre de hacker les espaces généralement préemptés par les garçons pour en découdre avec les stéréotypes. Pour Marianne « il s’agit avant tout d’apprendre aux enfants à vivre dans un espace équitable. J’ai choisi de travailler sur le terrain de football, présent dans un grand nombre de cours de récréation d’écoles primaires. J’ai décidé d’en faire un espace modulable et adaptable par tous qui favoriserait le respect et l’esprit d’équipe ». Les lignes de jeux traditionnelles sont revues par des ajouts de couleurs, des formes et des mobiliers peuvent être ajoutés dans l’espace permettant ainsi la tenue de nouveaux types de jeux. Marianne a imaginé différents challenges qui pourraient être proposés aux élèves pour s’approprier ce nouvel espace. Une façon de montrer aux plus jeunes comment la mixité peut prendre place dans l’espace.
Ramener les filles dans les espaces de loisirs urbains
Les espaces de loisirs urbains sont eux aussi symboliques du manque d’intégration des femmes dans l’espace public. Les garçons sont 2 fois plus nombreux à les utiliser, 75% des budgets des municipalités alloués aux loisirs bénéficient aux garçons. Il est d’ailleurs un lieu particulièrement représentatif de cette inégalité spatiale : le skate-park, fréquenté à 95% par des garçons. C’est sur cet objet urbain que Garance Warin, étudiante en deuxième année de cycle master à L’École de design Nantes Atlantique, a choisi de travailler, en proposant un skate-park favorisant une plus grande mixité : « je me suis inspirée du design sensoriel pour créer ce skate-park. J’ai aussi souhaité travaillé sur la signalétique pour désinhiber les débutantes tout en rendant les modules moins impressionnants ». Un marquage au sol et une iconographie universelle permettraient alors d’apprendre ce sport en autodidacte. Et à la mixité des genres, Garance a ajouté la mixité des fonctions pour en faire un espace ouvert à tous. Car pour elle, « la cohésion des genres au sein des espaces de socialisation est envisageable grâce à une meilleure pédagogie ainsi qu’à une conception inclusive de l’espace urbain, deux préoccupations qui sont aussi au cœur du design ». Ainsi, en concevant des espaces appropriables par les jeunes filles aussi bien que par les jeunes garçons, on ancre le principe de mixité des espaces dès le plus jeune âge. Un véritable pari sur l’avenir…
Pour aller plus loin …
Retrouvez l’interview d’Yves Raibaud, géographe et maître de conférence. Il a notamment publié en 2015 « La Ville faite par et pour les hommes » qui dépeint les inégalités entre les femmes et les hommes et les violences de genre dans l’espace urbain.
Par Zélia Darnault, enseignante à L’École de design Nantes Atlantique