CityCoins, l’urbanisme participatif à l’heure des crypto
En août 2021, Miami lançait la première crypto-monnaie destinée à la gestion d’une métropole : le MiamiCoin. Depuis, d’autres villes s’intéressent au CityCoins. Une évolution financière, administrative mais surtout civique qui facilite la participation des habitants dans les projets de la ville.
Le projet Citycoins est en train de conquérir les villes américaines. Depuis un an, plusieurs d’entre elles se sont lancées dans des projets de cryptomonnaies. Miami a été la première à passer le cap pendant l’été 2021, suivie par New York et pourrait l’être bientôt par Austin.
L’or de la mine
Pour le dire simplement : CityCoins utilise un protocole de la blockchain qui produit de la valeur pour les utilisateurs et pour leurs villes respectives. Chaque ville crée une cryptomonnaie calquée sur le protocole du Bitcoin (MiamiCoin pour Miami, NYCCoin pour New York) que les habitants peuvent miner. Le minage est bien connu dans le monde des cryptomonnaies : il s’agit de l’opération mathématique qui valide une transaction. Cette opération rémunérée est à la base de la sécurisation de la blockchain. Ici, la spécificité des CityCoins est que 30% de cette rémunération est placée sur un portefeuille (City Wallet) dédié aux projets de la ville. Ainsi, l’activité lucrative du mineur crée une source de revenu pour sa ville.
Le concept est particulier dans la mesure où il ne s’agit pas véritablement d’une monnaie locale, gérée par l’équipe municipale. L’initiative appartient aux utilisateurs (habitants de la ville ou non). Il faut vingt portefeuilles indépendants pour déclencher le protocole. L’accord de la mairie n’est en principe pas nécessaire même s’il est souhaitable. Jusqu’ici, les projets de CityCoins ont été portés par Francis Suarez et Eric Adams, deux maires très enthousiastes vis-à-vis des cryptomonnaies.
Outil participatif
Francis Suarez, maire de Miami a déclaré qu’en trois mois, le MiamiCoin a généré l’équivalent de près de 20 millions de dollars en cryptomonnaie : « c’est quelque chose de complètement nouveau et cela pourrait transformer la façon dont les pouvoirs publics sont financés à l’avenir. » Pour Andre Serrano, responsable chez CityCoins, « les CityCoins ont le potentiel de transformer la façon dont les gens interagissent avec leurs villes en alignant les incitations entre les gouvernements locaux et les résidents. »
Cela va encore plus loin. Via les contrats intelligents, les CityCoins peuvent être programmés et exécuter des tâches. Andre Serrano imagine par exemple que l’utilisateur puisse bénéficier de réductions sur les transports publics, pour faire des courses dans certains magasins, ou même pour tenir le cadastre. Aussi, dans une démarche de démocratie participative, une application baptisée MiamiVoice a été intégrée au MiamiCoin.
Elle permet de recueillir l’avis des résidents sur l’action municipale, de proposer des idées et de voter pour elles.
Crytpo-friendly
Les efforts de Francis Suarez ne sont pas désintéressés. Comme il l’a déclaré aux jumeaux Winklevoss (fondateurs de Gemini devenus milliardaires grâces au Bitcoin), il veut faire de Miami « la ville la plus compétitive en crypto du monde ». Son ambition est de créer un écosystème favorable à l’innovation et aux investissements dans la tech.
« Jusqu’à 2021, très peu de politiciens se risquaient à dire « le bitcoin, c’est bien ». « C’était un suicide politique, car on accusait grosso modo le bitcoin de détruire la planète et de financer le terrorisme » ironise Alexandre Stachtchenko, directeur Blockchain & Cryptos chez KPMG France, à l’Express. Mais sachant que le marché global des cryptomonnaies représente aujourd’hui près de 2 000 milliards de dollars de valorisation, les positions vont en s’assouplissant.
L’argent sale
« Une partie du problème avec Bitcoin est que 90 % de la production n’est pas réalisée aux États-Unis. Elle est produite dans des pays où l’énergie est sale. C’est la raison pour laquelle il est considéré comme une activité polluante » estime Francis Suarez, dont la ville est dotée d’une centrale nucléaire. En effet, le minage est très gourmand en électricité et c’est à travers le monde l’objet d’une course aux meilleurs tarifs.
Son moment est bien choisi. L’année dernière la Chine a mis en place différentes mesures pour bannir les cryptomonnaies de son territoire. Les mineurs se retrouvent désormais contraints à quitter le pays. Francis Suarez ne cache pas ses intentions de capter cette crypto-diaspora.
L’heure des doutes
D’autres villes se lancent : à Rio, les administrés peuvent désormais payer leurs impôts en Bitcoin. Pourtant, le jeu n’est pas sans risques. Sur Cryptonews, on évoque « la possibilité que certains investisseurs profitent du système pour établir un monopole et choisir eux-mêmes les projets à financer. Par ailleurs, la classification des CityCoins (véritable monnaie, titre, marchandise ou actif) reste également à clarifier. »
Autre inquiétude, la récente dégringolade du cours du Bitcoin semble indiquer que le système n’est pas si robuste qu’on le pensait. Le Salvador qui avait légalisé l’année dernière le Bitcoin comme monnaie officielle se retrouve en difficulté et a perdu la confiance du FMI. Même son de cloche à Miami, en février Francis Suarez a dû admettre que l’avenir du MiamiCoin était incertain… Simple rebondissement ou mauvais présage ?