C’est quoi la bibliothèque du futur ?

Comme souvent, le vent de fraîcheur est venu du nord. À Helsinki, une bibliothèque a reçu les louanges de la presse internationale pour son approche innovante : seul un étage était dédié à l’écrit, les autres sont dédiés à des services divers et variés, qui évolueront en fonction des besoins du public. Et si c’était ça la bibliothèque du futur ?

Comme chaque mois, plongez dans le futur de la ville avec notre série “Habiter 2035”, où l’on vous dresse des scénarios possibles pour la prochaine décennie. Retenez votre souffle, immersion dans 3, 2, 1 …

Des accords de guitare électrique résonnent à l’angle de la rue. « C’est vrai qu’on est mercredi » se dit Joao. À mesure qu’il approche de la médiathèque, la musique se fait de plus en plus forte et une voix vocodée commence à chanter une reprise de Blackpink. Comme chaque semaine, les ados du coin ont carte blanche pour un concert sur l’esplanade de la médiathèque. À quelques mètres d’elles, des mamans du quartier cuisinent un couscous solidaire géant avec des volontaires. Les odeurs d’épices suivent Joao dans le bâtiment. Il croise sa voisine de palier qui s’en va une perceuse à la main. Arrivé au rayon One Pièce, il s’affale dans un pouf avec le tome 149. Au fond de la salle, un médiathécaire montre comment utiliser l’imprimante 3D à un groupe de retraités qui a entendu parler de dentiers DIY.  Bref, une journée comme une autre à la médiathèque…

Scénario possible ou récit de science-fiction ? Analyse.

Toutothèques

Si les bibliothèques sont parfois perçues comme des lieux taiseux et ennuyeux, elles sont surtout un service public de proximité. Premier réseau culturel français, elles ont une approche sociale qui cible toutes les tranches d’âge, les personnes précaires, en situation de handicap, illettrées ou allophones. En cela, les bibliothèques municipales s’efforcent depuis des années de se tenir à la page, de rester attractives et de s’adresser à toutes et tous. Si leur fréquentation a baissé en France (15% de la population est inscrite en 2018 contre 21% en 1997), leurs évolutions racontent donc notre société.

Dans les années 1970, on a vu leur offre s’élargir aux cassettes, puis aux CD : elles sont devenues “médiathèques”. Au tournant des années 2000, elles ont numérisé leurs contenus et leurs services. Aujourd’hui certaines proposent des prêts d’instruments de musique ou de matériel de jardinage, elles disposent de fablabs, organisent des expositions ou des tournois de gaming… En fonction des besoins identifiés sur leur territoire, des affinités des bibliothécaires et de leurs moyens bien sûr, leur offre est virtuellement illimitée. On pourrait imaginer l’avènement de “toutothèques” qui mettraient fin à la propriété privée, comme le propose avec humour le dessinateur Théo Hernandez qui tient le compte Instagram Tienstiens.

Vers la bibli-république

En décembre 2018, la capitale finlandaise inaugurait une bibliothèque d’un genre nouveau. « C’est certainement un lieu de bruit et d’activités improvisées en tous genres » déclarait Katri Vanttinen, responsable des bibliothèques d’Helsinki. Un bâtiment de 100 millions d’euros qui dans sa conception veut encourager la rencontre, les échanges et les mélanges. Oodi – c’est son nom – se veut être un « salon pour la nation ». Vaste programme direz-vous. Il a le mérite de remettre les bibliothèques au centre du contrat social. Dans une tribune, la chercheure Valérie Guillard propose de « démocratiser l’accès à la sobriété » en s’appuyant sur « de nouveaux espaces collectifs, à l’image des médiathèques et des ludothèques, où chacun pourrait trouver et emprunter gratuitement le matériel nécessaire pour réparer, recoudre, entretenir ses objets du quotidien ». Et si les bibliothèques devenaient le cœur battant d’un nouveau modèle de société ?

📆 En septembre auront lieu Biblis en folie, les premières journées nationales dédiées aux bibliothèques et aux médiathèques.