Cartographier la qualité de vie, un enjeu pour la ville durable
A quoi mesure-t-on la qualité de vie d’un territoire donné ? Cette question en appelle une autre : qu’est-ce que la qualité de vie d’un territoire ? C’est là toute la complexité d’un sujet trop souvent résumé à quelques critères arbitrairement définis, qui plus est sur la base d’indicateurs économiques ou quantitatifs. Or, la richesse d’une ville est quelque chose de bien plus sibyllin, car éminemment subjectif.
Comment qualifier la qualité de vie ?
Prenons un exemple concret : si la présence de pressings ne représente qu’un intérêt très relatif pour une majorité de gens, ils prennent une valeur toute autre pour l’étudiant fauché ou le ménage précaire. Inversement, la présence de végétation est unanimement reconnue comme positive et désirable ; mais qu’en disent ceux qui souffrent d’allergies chroniques ?
A cela s’ajoute l’essor attendu des aménités « mobiles » et/ou éphémères : pop-up stores, tiers-lieux, réappropriation de friches urbaines et autres camions gourmets rendent obsolète toute classification figée des territoires… On pourrait étendre la liste à l’envi, pour toujours arriver à la même conclusion : nul ne peut définir la qualité de vie pour autrui.
Les données urbaines, un gisement à exploiter
La question se pose alors ainsi : comment sortir de la logique des classements, pour offrir aux citadins une représentation plus proche de leurs attentes ? Les données urbaines sont évidemment directement concernées. Il s’agira donc d’agréger les différentes données disponibles sur un même service, en laissant à l’utilisateur le soin de définir les critères qui lui semblent prioritaires. Pour ce faire, l’ouverture des données publiques paraît indispensable… mais les données privées pourraient aussi être d’un grand secours. En vertu de l’adage séculaire qui veut que carte et territoire ne fassent qu’un, les cartographies numériques jouent ici un rôle de premier plan.
Il n’y a qu’à voir ce que réalise Livehoods à partir des seules check-ins Foursquare. En révélant aux usagers la topographie « invisible » d’un quartier à partir des pratiques réelles de ceux qui le traversent, l’application permet aux internautes de choisir un lieu de vie ou de villégiature en fonction de sa « couleur locale ». D’autres applications du même type pourraient être imaginées à partir de données similaires. On pensera par exemple à Chromaroma , un jeu urbain exploitant l’équivalent des passages Navigo dans le métro londonien, ou encore à la cartographie des nombreux « point d’intérêts » référencés sur Wikipedia .
La cartographie au service de la ville durable
Loin d’être de simples gadgets cartographiques, ces applications s’inscrivent très concrètement dans la construction d’une ville plus ludique et plus désirable. De telles cartographies contribuent à l’essor des modes actifs – marches et vélo –, dont la qualité principale est justement d’être en mesure de saisir les opportunismes qu’offrent ces aménités urbaines, à l’inverse du métro, de l’auto ou du bus qui n’offrent pas cette liberté à profiter du territoire…
Si la marche s’en sort plutôt bien, grâce à des applications telles que Walkscore ou Walkonomics, mais aussi J’accède destiné aux personnes à mobilité réduite, le vélo reste clairement en retard sur le sujet. L’enjeu est pourtant des plus pressants. Comme l’écrivait Anne de Malleray pour Chronos, « cartographier la cyclabilité relève d’un exercice de transparence et d’ouverture dans le jeu des acteurs publics et privés. En plus d’un service pratique pour les usagers, il favorise une planification intelligente des infrastructures cyclables. »
Autrement dit : cartographiez, il en restera toujours quelque chose. Et ce quelque chose n’est pas négligeable : c’est une condition essentielle pour rendre compte de l’infinie richesse urbaine, et offrir aux citadins la possibilité d’envisager la qualité d’un territoire au prisme de leur subjectivité.
Liens:
Livehoods
Fastcodesign.com
Chromaroma.com
The AtlanticCities.com
GroupeChronos.org
Jaccede.com
Vos réactions
Très, très bonne présentation de la problématique de l’évaluation de la qualité de vie des territoires, LE sujet qui a donné naissance à UFO http://www.urbanfab.org et au projet de de recherche européen http://www.urbandash.org
Rendez-vous sur Futur en Seine en juin 2013 au 104 ?